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Coup d’État en Birmanie : Aung San Suu Kyi, itinéraire d’un mythe déchu

lundi 1er février 2021, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 1er février 2021).

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1er février 2021

Coline Renault

PORTRAIT - La dirigeante birmane a été renversée lundi 1er février 2021 après un coup d’État militaire. La prix Nobel de la Paix désavouée par la communauté internationale pour sa passivité face aux exactions contre les Rohingyas fait partie des rares personnalités à avoir été si adulées et si vite détestées.

Auréolée du meilleur, accusée du pire. L’histoire d’Aung San Suu Kyi est celle d’un ascenseur politico-médiatique. Prix Nobel de la Paix désavouée pour sa passivité face à un génocide, et finalement destituée par un coup d’État. La dirigeante de 75 ans a été cueillie au petit matin par l’armée qui s’est emparée du pouvoir ce lundi.

Longtemps, Aung San Suu Kyi a été l’icône de la transition démocratique en Birmanie. Son ascendance lui donne des airs d’héroïne tragique : « l’Antigone birmane » est la fille de la figure de l’indépendance Aung Saun, assassiné lorsqu’elle n’a que deux ans. En 1988, elle quitte son exil britannique, son mari universitaire à Oxford et ses deux petits garçons pour rentrer en Birmanie prendre les rênes de la lutte contre la dictature en co-fondant la Ligue nationale pour la démocratie. Cette année-là, une rébellion populaire fait quelque 3000 victimes. « Je ne pouvais pas, en tant que fille de mon père, rester indifférente à tout ce qui se passait », lance-t-elle lors de son premier discours. La junte militaire la place en résidence surveillée en 1990.

C’est là, sur les bords d’un lac de Rangoun où elle passera vingt ans privée de liberté, que la communauté internationale la hisse sur le trône de la paix planétaire. On la compare à Martin Luther King, ou Nelson Mandela : Aung San Suu Kyi reçoit en 1991 un prix Nobel de la Paix d’autant plus symbolique qu’il lui faudra vingt années pour être en mesure de se rendre à Oslo le récupérer.

« Je suis une politicienne, je ne suis pas Margaret Thatcher, mais je ne suis pas non plus Mère Teresa » Aung San Suu Kyi à la BBC, en 2012

Après sa libération, en 2010, la dame de Rangoun commence à entacher son image pieuse dans le monde de la « realpolitik ». Certains lui reprochent ses tendances autoritaires, d’autres une certaine froideur. « Je suis une politicienne, je ne suis pas Margaret Thatcher, mais je ne suis pas non plus Mère Teresa », confiait-elle dès 2012 à la BBC. Elle peut toutefois s’appuyer sur un réel soutien populaire et gravit les marches du pouvoir birman. Aung San Suu Kyi remporte les élections législatives de 2015 et devient l’année suivante conseillère spéciale de l’État et porte-parole de la présidence, ce qui correspond de facto à une position de cheffe d’État malgré une disposition constitutionnelle qui lui interdit la présidence.

Une icône désavouée

Le mythe s’effondre brutalement 2017 avec les massacres perpétrés par l’armée birmane des Rohingyas. Plus 700.000 personnes issues de cette minorité musulmane sont contraintes de se réfugier au Bangladesh pour fuir les exactions. L’ONU parle de « génocide » et la Cour Pénale Internationale se saisit du dossier. Quand la commission d’enquête indépendante de l’ONU lui reproche de ne pas avoir « utilisé son autorité morale pour contrer ou empêcher les tueries », Aung San Suu Kyi garde le silence. Et s’ose à qualifier de « gentils » les hauts gradés accusés de génocide.

Dégringolade dans l’opinion internationale. On décroche son portrait à l’université d’Oxford, où enseignait jadis son mari. Le Canada et plusieurs villes britanniques lui retirent son titre de citoyenne d’honneur. L’icône démocratique s’effrite toujours davantage en 2018, quand, après l’arrestation de deux journalistes de l’agence Reuters qui enquêtaient sur les Rohingyas, Aung San Suu Kyi les qualifie de « traîtres pour atteinte au secret d’État ». « Le monde découvre le véritable visage d’Aung San Suu Kyi : une dirigeante autocratique, vaine et égocentrique », déclare alors au Figaro l’ancien prisonnier politique Khin Zaw Win.

« Si le prix politique à payer pour votre ascension au plus haut niveau est votre silence, le prix est certainement trop élevé » L’archevêque Desmond Tutu à Aung San Suu Kyi, en 2017

Peut-on épargner son image de sainteté démocratique en tentant de gouverner un état qui ne l’est pas ? « Il est absurde pour un symbole de la vertu de diriger un tel pays », écrivait en 2017 l’archevêque sud-africain Desmond Tutu, figure de la lutte antiapartheid et prix Nobel de la paix 1984 à Aung San Suu Kyi. « Si le prix politique à payer pour votre ascension au plus haut niveau est votre silence, le prix est certainement trop élevé. » Car la dame de Rangoun doit composer avec un système politique où l’armée se voit automatiquement attribuer 25% des sièges des deux chambres et les ministères de la défense, de l’intérieur et des frontières. Face à cette concentration des pouvoirs, Aung Saun Su Kyi prône « patience » et « négociation ».

Les coulisses du pouvoir auront fini par se retourner contre la dirigeante. Ces militaires devenus les bras droits institutionnels de l’ex-dissidente l’ont finalement renversée ce lundi 1er février, après avoir contesté pendant plusieurs semaines les élections générales du 8 novembre. Ce jour-là, le parti d’Aung San Suu Kyi avait raflé 396 des 476 sièges au Parlement, confirmant l’attachement historique des Birmans à celle qu’ils appellent respectueusement « Dow Suu ». Dans une lettre publiée sur les réseaux sociaux, Aung San Suu Kyi a exhorté le peuple à ne pas « accepter ce putsch militaire ».


Birmanie : l’armée arrête Aung San Suu Kyi et déclare l’état d’urgence pour un an

https://www.rfi.fr/fr/en-bref/20210…

Publié le : 01/02/2021 - 00:59Modifié le : 01/02/2021 - 08:46

RFI. Avec notre correspondant à Pékin, Stéphane Lagarde et notre correspondante à Bangkok, Carol Isoux

(Et avec AFP)

Les forces armées ont arrêté la cheffe « de facto » du gouvernement birman, Aung San Suu Kyi, a indiqué ce lundi 1er février le porte-parole de son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND). L’armée a, dans la foulée, annoncé l’état d’urgence dans le pays pour une durée d’un an au terme duquel elle promet de nouvelles élections et un transfert de pouvoir. Aung San Suu Kyi a exhorté la population à « ne pas accepter le coup d’État ».

Il y a encore peu d’images de cette nuit birmane, et pour cause. Dès 3 heures, heure locale, ce lundi matin, le réseau internet s’effondre : 75% des niveaux ordinaires, puis c’est le black-out, notamment dans la capitale. Les réseaux de téléphonie mobile sont également partiellement interrompus. Le soulèvement militaire a commencé.

La présence de militaires est rapportée dans les rue de Naypyidaw et à Rangoon. Le porte-parole de la Ligue nationale pour la démocratie confirme qu’Aung San Suu Kyi et le président birman ont été emmenés par l’armée. « Nous avons entendu dire qu’elle est détenue à Naypyidaw. Nous supposons que l’armée est en train d’organiser un coup d’État. »

Le gouverneur de Rangoon, des artistes, des leaders de la société civile et de nombreux politiciens de zones à minorités ethniques font également partie de cette importante vague d’arrestations. Parmi eux, le cinéaste Min Htin Ko Ko Gyi, interpellé à son domicile à 3h30 ce lundi matin. Il est connu pour ses prises de parole contre l’armée.

Nouvelles élections après un an d’état d’urgence

Arrêt également des programmes de la radio-télévision nationale du Myanamar avant la lecture d’un communiqué militaire à 8 heures, heure locale, affirmant que la Tatmadaw, le nom des forces armées birmanes, dit avoir pris le pouvoir. Les militaires estiment qu’il s’agit d’un coup d’État constitutionnel. Ils proclament l’état d’urgence pour un an et installent pour cette période le vice-président, U Myint Swe, à la tête de l’État. « L’armée remet le pays sous dictature militaire », a fait savoir Aung San Suu Kyi dans un communiqué diffusé par son parti. La dirigeante arrêtée exhorte la population à « ne pas accepter le coup d’État ».

Quelques heures plus tard, l’armée birmane a promis de nouvelles élections une fois que l’état d’urgence d’un an, proclamé à la suite de son coup d’État, serait écoulé. « Nous mettrons en place une véritable démocratie multipartite », ont déclaré les militaires dans un communiqué publié sur leur page Facebook, ajoutant que le pouvoir sera transféré après « la tenue d’élections générales libres et équitables ».

Ce lundi matin, seuls ceux qui ont accès sans fil à internet dans certains endroits peuvent encore communiquer avec l’extérieur. Les routes sont bloquées tout autour de Rangoon. Une forte affluence aux distributeurs automatiques de monnaie a provoqué une fermeture des banques, même si de nombreux magasins sont encore ouverts.

L’armée dénonce des fraudes

Cette décision est nécessaire pour préserver la « stabilité » de l’État, ont fait savoir les militaires dans leur communiqué. Ils ont accusé la commission électorale de ne pas avoir remédié aux « énormes irrégularités » qui ont eu lieu, selon eux, lors des législatives de novembre, remportées massivement par le parti d’Aung San Suu Kyi.

Ces arrestations et l’instauration de l’état d’urgence sont intervenues quelques heures avant que le Parlement issu des dernières législatives n’entame sa première session depuis les dernières élections.

Les militaires dénoncent, depuis plusieurs semaines, des fraudes lors des législatives de novembre. Sous prétexte de la pandémie de coronavirus, les élections « n’ont pas été libres, ni justes », avait assuré la semaine dernière lors d’une conférence de presse le porte-parole de l’armée, le major général Zaw Min Tun. Les militaires affirment avoir recensé des millions de cas de fraude, dont des milliers d’électeurs centenaires ou mineurs.

Tensions entre civils et militaires

Ces derniers jours, la tension était devenue très forte entre les militaires et le gouvernement civil, rapporte notre ancienne correspondante à Rangoon, Sarah Bakaloglou. Les militaires avaient dans un premier temps évoqué un possible coup d’État lors d’une conférence de presse. Le chef de l’armée, le général Min Aung Hlaing – sans doute l’homme le plus puissant de Birmanie – avait déclaré que la Constitution pouvait être « révoquée » dans certaines circonstances.

Plus d’une dizaine d’ambassades, dont celle des États-Unis et la délégation de l’Union européenne, avaient exhorté ce vendredi la Birmanie à « adhérer aux normes démocratiques », rejoignant l’ONU dans un chœur d’inquiétudes internationales sur un possible coup d’État. « [Nous] nous opposons à toute tentative de modifier le résultat des élections ou d’entraver la transition démocratique en Birmanie », avaient-elles écrit.

Des véhicules blindés circulaient alors dans Rangoon notamment, même si les militaires avaient dit que c’était un contrôle de routine. Des Birmans s’étaient rassemblés en soutien aux militaires dans les rues du centre économique du pays. Par ailleurs, des policiers étaient arrivés en grand nombre dans la capitale Naypydaw où se trouvent le Parlement, la dirigeante Aung San Suu Kyi et le président birman.

Ce week-end, les militaires avaient semblé calmer le jeu quand ils avaient dit qu’ils protégeraient la Constitution. Les médias avaient alors mal interprété leurs propos.

Washington menace de réagir

Cependant, ces tensions entre le gouvernement civil et les militaires ont été toujours présentes depuis l’arrivée au pouvoir de la Ligue nationale pour la démocratie. Aung San Suu Kyi souhaitait notamment changer la Constitution qui donne un pouvoir incontournable à l’armée birmane avec trois ministères clés (l’Intérieur, la Défense et les Frontières) et 25% des sièges garantis au Parlement pour les militaires.

Le parti d’Aung San Suu Kyi, Prix Nobel de la paix en 1991, très critiquée au niveau international pour sa gestion de la crise des musulmans rohingyas mais toujours adulée par une majorité de la population, a remporté une victoire écrasante en novembre. Il s’agissait des deuxièmes élections générales depuis 2011, année de la dissolution de la junte qui a régné pendant un demi-siècle sur le pays.

L’Australie, les États-Unis et le Japon ont appelé l’armée birmane à libérer tous les dirigeants arrêtés. Tokyo demande à l’armée birmane de « rétablir le système politique démocratique » dans le pays. Le Royaume-Uni, mais aussi le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, et le président du Conseil européen, Charles Michel, ont condamné « fermement » dans un communiqué l’arrestation « illégale » de la Prix Nobel de la paix et le coup d’État. De son côté, la Chine appelle les Birmans à « régler leurs différends » dans le cadre de la loi.

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