Marx a-t-il réellement prévu la fin du capitalisme et/ou l’émergence du banco-centralisme ???
Évidemment Marx militait pour le communisme, qu’il considérait simplement comme le mouvement du réel, et non comme une secte partisane d’aucune sorte, dotée de quelque dogme idéologique que ce soit.
Mais, d’une part, il n’a jamais considéré que le socialisme/communisme interviendrait automatiquement par la faillite du capitalisme, mais seulement par l’intervention politique consciente du prolétariat, et d’autre part il n’a jamais considéré que la faillite du capitalisme signifierait donc automatiquement la fin du pouvoir de classe de la bourgeoisie, qui préexistait, de fait, sur le terrain de la vie économique, à l’avènement du capitalisme industriel.
Mais qu’est-ce que Marx définissait comme étant le capitalisme de l’ère industrielle, sinon l’élargissement constant du capital par le cycle productif industriel, élargissement basé sur la production de plus-value dégagée par ce mode de production capitaliste industriel ?
Or comment Marx définissait la fin du capitalisme, en tant qu’évolution du mode de production, sinon précisément par la fin de la production d’une plus-value suffisante pour son élargissement ?
Cette fin est clairement identifiée, dans son œuvre, par le fait qu’avec le développement des forces productives modernes, de plus en plus automatisées, déjà en son temps, simplement celui de l’émergence d’une industrie mue par la vapeur, et donc aujourd’hui, à plus forte raison, à l’ère de l’informatisation et de la robotisation, le cycle de reproduction du capital fixe, nécessaire au développement de cette machinerie automatisée, l’emporte nécessairement, progressivement, mais inexorablement, sur le cycle du capital variable, celui du travail humain vivant productif et directement objectivé dans la production, sur la ligne de production elle-même.
Or, comme il nous l’explique si bien, ce n’est que de ce dernier cycle que provient la plus-value qui permet l’élargissement du capital.
Il y a donc nécessairement un moment de l’histoire du capitalisme où le financement du renouvellement de la masse du capital fixe nécessaire au développement économique l’emporte, en termes de masse financière, sur la masse financière mise en mouvement dans le capital variable.
Et il y a donc aussi, et tout aussi inexorablement, un moment où la masse de plus-value encore dégagée par le capital variable en mouvement ne suffit plus à refinancer l’élargissement continu de la masse du capital fixe dans le mouvement productif, concentrée sur les moyens de production de plus en plus modernes, automatisés et robotisés.
Il y a donc un moment historique où la dette globale du système, principalement basée sur l’importance des investissements nécessaires en capital fixe, ne peut plus être remboursée par le cycle normal de la plus-value encore créée par le travail productif humain, mais, proportionnellement, constamment en réduction. L’augmentation de la dette globale du système est donc inéluctable, à ce stade, qui est déjà le nôtre, en fait, depuis plusieurs décennies.
La tendance « compensatoire » inévitable étant alors simplement de déconnecter les marges bénéficiaires formellement nécessaires à ce remboursement d’avec les marges de valeur-travail réellement encore produites.
Cela entraîne donc nécessairement une déconnexion de la masse monétaire en circulation d’avec la valeur encore réellement créée par le travail.
Dans ses Grundrisse, dès 1857, et donc dix ans déjà avant la publication du Livre 1 du Capital, Marx nous explique la déconnexion progressive qui s’opère, avec les processus d’automatisation, entre valeur et temps de travail.
Pendant plus d’un siècle, à la suite, même sans avoir connaissance des Grundrisse, publiées seulement en 1939, les capitalistes ont entretenu aussi méthodiquement et férocement que possible le lien entre temps de travail et valeur produite, notamment à travers les méthodes du taylorisme, et on comprend donc bien pourquoi…
Ces méthodes sont toujours à l’œuvre, sous une forme ou sous une autre, dans les secteurs productifs qui le rendent encore possible, mais la déconnexion entre temps de travail et valeur commercialisable réellement produite n’en est pas moins inexorable, globalement, du fait que la valeur de la production est de plus en plus, et directement, la simple reproduction du capital fixe formellement investi, et déjà, le plus souvent, sous forme de dette.
L’équilibre formel global, c’est-à-dire formellement « comptable », exige donc une masse monétaire toujours croissante, et donc le gonflement quasi-permanent du bilan des Banques Centrales, émettrices de liquidités, en dernier ressort.
Elles sont donc, en dernière analyse, le poumon du système, en termes de « respiration monétaire », et son cœur, en termes de pouvoir politique réel.
A défaut de socialisme/communisme, c’est-à-dire, d’intervention politique consciente du prolétariat, c’est donc bien la mutation banco-centraliste du système de domination de classe qui représente, que cela nous plaise ou non, le mouvement du réel.
En ce sens, il est tout à fait évident que Marx avait donc « prévu » et la faillite du capitalisme et sa mutation banco-centraliste.
Luniterre, 27/03/2021
https://tribunemlreypa.wordpress.co…