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Comaguer 434 - 31 mai 2021 - Capitalisme et vaccins - Étude du cas BioNtech - PDF

mardi 1er juin 2021, par SUN TZU (Date de rédaction antérieure : 1er juin 2021).

Comaguer n° 434 - 31 mai 2021

http://comaguer.over-blog.com

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Capitalisme et vaccins

Etude du cas BioNtech

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Version PDF : http://mai68.org/spip2/IMG/pdf/Comaguer434.pdf

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La pandémie a permis de donner beaucoup de visibilité publique à la grande industrie pharmaceutique internationale et elle a aussi permis de voir l’âpreté de la compétition, les rapports étroits avec les pouvoirs politiques les Etats et les nombreuses structures para étatiques compétentes en matière de santé et de médecine . Intéressons nous de plus prés au cas de BioNTech.

Le nom de ce laboratoire allemand est associé à celui du grand groupe étasunien Pfizer mais au point qu’aujourd’hui le nom du second a largement éclipsé celui du premier.

Un peu d’histoire :

En 2001 au sortir de leurs études de médecine et de leur spécialisation en immunologie deux citoyens allemands d’origine turque UGUR SAHIN et son épouse OZIEM TURECI créent le laboratoire pharmaceutique Ganymed Pharmaceuticals (la référence à la mythologie grecque fait peut être partie des origines méditerranéennes du couple) (le terme laboratoire est ambivalent car il peut désigner une structure de recherche – un laboratoire du CNRS- ou bien une structure industrielle associant recherche et développement et production et vente de médicaments)

Ganymed pharmaceuticals fait partie de la seconde catégorie. Les deux fondateurs bénéficient pour leur entrée dans l’industrie d’un parrainage de poids en la personne de leur ainé, le professeur Christoph Huber patron du laboratoire d’hématologie, d’oncologie et d’immunologie de l’université de Mayence où ils ont été formés. Il préside l’association de l’immunologie anti cancéreuse. Voici la bonne fée scientifique

La bonne fée financière ce sont les frères Andreas et Thomas Streungmann qui s’intéressent à l’équipe de Ganymed et disposent de capitaux considérables depuis qu’ils ont cédé en 2005 à Novartis le géant suisse de la pharmacie pour 8 milliards de dollars leur usine de fabrication de génériques HEXAL à capitaux familiaux. Novartis a consenti à ce prix considéré comme élevé par les chroniqueurs boursiers car cela lui a permis de faire de sa filiale Sandoz le second producteur mondial de génériques. Les frères Streungmann investissent modestement 150 millions de dollars dans Ganymed.

Ensuite ne se limitant plus à la pharmacie les frères Streungmann vont poursuive avec succès une activité de placement spéculatif de leurs capitaux dans tous les secteurs en forte croissance. On va cependant les retrouver au Conseil de surveillance de la BioNtech la nouvelle société fondée en 2008 par Sahin Ugur et Oziem Tureci toujours dans leur projet de produire des traitements des cancers par immunothérapie.

BioNtech fait partie non pas encore des grandes multinationales de la pharmacie : les BIG PHARMA, mais bien dotée au niveau scientifique et financier, détentrice de compétences technologiques avancées elle fait partie des espoirs. Elle aurait pu après la mise au point d’une innovation médicale être rachetée par un des grands de la profession qui ont l’habitude de suivre les progrès des nouveaux venus ambitieux et de les croquer à coup de milliards pour assurer à leurs médicaments innovants et évidemment brevetés des débouchés mondiaux.

En fait c’est la fondation Bill et Melinda Gates qui va la première s’intéresser à BioNtech et lui donner une dimension internationale. Nous sommes en Septembre 2019 et il n’est alors pas question de Covid ni a fortiori de vaccin. L’accord porte sur le développement de traitements contre le VIH et la tuberculose. En Décembre 2019 la banque européenne d’investissement suit le mouvement et accorde à BioNtech un prêt de 50 millions d’Euros.

En Juin 2020 ce sera au tour du fonds souverain de Singapour d’investir 220 millions de dollars dans BioNtech mais le changement d’échelle de l’engagement financier s’explique évidement par la déclaration officielle de la pandémie et son extension mais surtout par le fait que dés la déclaration de la pandémie les dirigeants de BioNtech se lancent dans la course au vaccin et choisissent la voie dont ils ont la connaissance et le maitrise technologique celle de l’ARN messager.

Mais Ils ont bien compris que le marché d’un vaccin contre le COVID 19 serait un marché mondial de dizaines de milliards de doses et qu’il leur fallait trouver des partenaires de poids. En même temps qu’ils lancent leurs équipes de recherche à corps perdu dans le développement d’un vaccin ils nouent dés Janvier 2020 sitôt que la Chine a rendu publique la formule génétique du virus deux accords l’un avec Pfizer et l’autre avec le fonds d’investissement chinois Foshun.

Le marché mondial leur semble promis : BioNtech qui , en Septembre 2019, s’est transformé en société de droit européen au capital de 1,3 milliard d’Euros pésera assez lourd pour que le marché de l’UE lui soit ouvert – d’autant que le Brexit en voie de conclusion évite une concurrence trop brutale d’AstraZeneca – Pfizer garantit l’accès au richissime marché étasunien et accessoirement celui d’Israël et Foshun l’accès à l’immense marché chinois soit un marché cible de 2 milliards de vaccinables. Faites le calcul : 4 milliards de doses (2 injections) à environ 15 dollars la dose.

Il est difficile de savoir quel part a pris Pfizer dans la mise au point du vaccin qui est annoncée le 10 novembre 2020 mais il est certain que Pfizer avait la capacité scientifique de suivre au jour le jour le travail des équipes de BioNtech et maitrisait le système industriel complexe permettant de fabriquer un vaccin à ARN messager. Dernier atout le poids de Pfizer dans le système économico financier étasunien garantit une approbation rapide du vaccin pas les autorités nationales compétentes et en raison de l’urgence la mise sur le marché sera autorisée très rapidement. L’agence européenne du médicament suivra fidèlement le mouvement.

L’opération chinoise n’a pas été aussi réussie. FOSHUN est un fonds d’investissement hongkongais très riche capable de miser très vite des milliards de dollars sur des marchés nouveaux en croissance et de créer les outils correspondants. Parmi ceux-ci il a évidemment sélectionné les biotechnologies et a créé à Shanghai une filiale spécialisée dans la pharmacie. Mais le marché chinois ne lui sera pas accessible car les grands laboratoires publics chinois Sinovac et Sinopharm vont eux aussi mettre très rapidement au point des vaccins à virus atténué plus classiques. Foshun doit donc se contenter pour le moment du marché taïwanais.

Quoi qu’il en soit le vaccin BioNtech/Pfizer COMIRNATY a pris aujourd’hui une place dominante sur le marché des pays occidentaux développés bien qu’il soit un des plus chers. Par contre le poids politico économique de Pfizer, sa capacité d’influence et la domination du marché boursier étasunien font que le nom de BioNtech est souvent gommé et que Pfizer qui produit aussi le vaccin dans ses usines européennes a un peu éclipsé son « petit » partenaire allemand dans l’opinion publique.

La modestie reconnue des dirigeants de BioNtech a-t-elle souffert de cette situation ? Si c’est le cas la consolation leur sera venue d’une certaine presse qui raconte à l’envi l’irruption dans le groupe des milliardaires allemands et dans celui des 500 premiers milliardaires mondiaux en 2020 publié par Forbes du fils de l’ouvrier turc immigré. En réalité la saga BioNtech montre la capacité du capitalisme allemand et de son industrie à prendre une place importante dans la nouvelle génération d’industries qui rassemble la robotique, les biotechnologies, les énergies renouvelables. Capitalisme allemand car à bien regarder l’organigramme de BioNtech on constate que si la direction de l’entreprise autour du couple fondateur d’origine turque fait appel à des hauts cadres ayant des parcours internationaux dans la pharmacie et dans la finance par contre le conseil de surveillance est lui totalement entre les mains de capitalistes allemands.

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