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Arrigo Cervetto - La question algérienne et l’opportunisme colonialiste de la gauche française (PCF compris)

mardi 6 mai 2025, par bouhamidi mohamed (Date de rédaction antérieure : 6 mai 2025).

Bonjour,

La publication de ce texte m’a pris deux jours de travail. Il a provoqué en moi un grand retentissement et ramené à ma mémoire des souvenirs pénibles de ma vie de jeune militant dans le PAGS. Toutes mes interrogations sur "les pouvoirs spéciaux", les positions jamais conséquentes du PCF ; interrogations toujours rejetées notamment par Kader B, Mustapha B, et Slimane A.A. et contrées par le bilan des "campagnes contre la guerre". Le vote des pouvoirs spéciaux était comme le trou noir d’un héritage ou d’une tache partagés qu’il fallait cacher sous le tapis.

Mais ce retentissement m’a ramené à la fin de la vie de Ahmed Akkache qui m’avait longuement confié ses souvenirs de militant et de dirigeant et sa longue quête dans la compréhension des dissonances des orientations et positions des dirigeants du PCA et du PCF. Quête du jeune homme qu’il était, quête du dirigeant porté vers les masses et contenu par les étroitesses de la direction, quête du combattant conforté par ses camarades communistes qui ont voulu rejoindre les maquis sans attendre, quête du théoricien qui a écrit tant de livre sur les résistances paysannes de l’époque numide ou de l’époque de l’occupation française, quête du sens de sa rupture avec la direction du PCA à l’époque de l’indépendance, quand il lui était clairement apparu que cette direction restait attachée à un "vision Thorez".

Ce texte m’a donné beaucoup de clés pour comprendre une "tendance" quasiment historique à l’opportunisme de droite du PCF et des communistes algériens attachés à ce PCF.

En dehors de ces échos émotionnels du vieux militant, la richesse théorique de ce texte est phénoménale. Pour les plus jeunes, pour les amis qui ont pu avoir des difficultés avec des concepts difficiles à saisir, notamment la notion de " capitalisme enclavé" qu’est le colonialisme, j’ai mis en gras et en italiques les passages les plus éclairants et les plus pédagogiques de la théorie léniniste de l’Impérialisme. J’ai rajouté en italique quelques remarques utiles à des associations d’idées ou de thèmes. Je demande à ceux qui se considèrent concernés par le travail militant de faire connaître ce texte, de le partager. Bonne Lecture


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6 mai 2025

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Jamais dans l’histoire de l’impérialisme une crise coloniale n’a pris une ampleur et un drame égaux à la guerre d’Algérie d’aujourd’hui.

C’est le fait le plus intéressant qui ressort d’une première analyse de la question coloniale dans la phase actuelle de l’impérialisme et c’est ce fait qui peut nous aider à comprendre le caractère profondément réactionnaire des relations colonialistes qui ont survécu.

Tout le cours du colonialisme moderne est marqué par l’utilisation de la violence et de l’oppression par les grandes puissances impérialistes, et l’introduction de secteurs de l’économie capitaliste marchande dans les zones arriérées va de pair avec la destruction impitoyable des anciens liens indigènes, de sorte que les historiens marxistes eux-mêmes discutent de la signification historique de la conquête coloniale.

De plus, à la lumière de la documentation la plus récente, souvent l’œuvre de nouveaux chercheurs des pays ex-coloniaux, se dresse un tableau gigantesque de la destruction opérée par les colonialistes : des civilisations féodales qui ont disparu sans avoir été supplantées par de nouvelles institutions culturelles et de nouvelles coutumes, des populations décimées par les marchands d’esclaves, l’opium, les maladies importées, l’augmentation de la pauvreté, le chômage créé par la dépopulation agricole et les monocultures mercantilisées dans le réseau du commerce international.

Certes, dans la dénonciation de nombreux érudits africains et asiatiques, en plus du ressentiment anticolonialiste légitime, opère une surestimation des civilisations féodales indigènes.

Il n’en reste pas moins que l’introduction, même partielle, des rapports de production capitalistes a représenté un prix économique et humain très important, non comparable au développement, si douloureux soit-il, du capitalisme dans les pays occidentaux et laisse le niveau économique des pays ex-coloniaux à un niveau très bas.

Pour le marxisme, cela s’explique par deux raisons fondamentales :

  1. La « diffusion » du capitalisme dans les pays coloniaux n’a pas eu lieu sur la base d’une accumulation élargie du capital, mais sur l’introduction forcée de relations d’échange capitalistes, en particulier dans l’achat et l’exportation de matières premières et dans l’importation de biens de consommation et de biens d’équipement industriels. Dans le cadre du commerce international impérialiste, comme Kautsky l’a bien décrit, des rapports capitalistes ont été introduits dans l’agriculture indigène, avec pour résultat la création d’un surplus agricole de biens de consommation exportables et bon marché, et une pénurie de biens de consommation auparavant disponibles grâce à la production féodale. Le déséquilibre social causé par la rupture des rapports féodaux de production, avec une faible productivité mais une utilisation complète du travail paysan dans une production capillaire de consommation, et la formation conséquente d’une importante main-d’œuvre disponible (ex-paysans, ex-artisans), n’a presque jamais été compensé, et contrairement au développement historique du capitalisme occidental par l’essor de l’industrie manufacturière. Même lorsqu’un certain secteur de l’industrie légère s’est développé (exemple typique de l’Inde), il a eu quantitativement peu de poids dans l’économie générale du pays.
  2. L’accumulation du capital s’est donc épuisée dans le rapport impérialiste aux pays industriels, [à noter et à rapprocher des textes de Samir Amin-M.B] que l’écoulement ait eu lieu dans le commerce incomparable des matières premières et des produits industriels, ou dans l’exploitation directe des sources de matières premières, etc. La part des bénéfices qui restait dans les pays coloniaux était absorbée par les investissements locaux et les dépenses improductives ainsi que par la bourgeoisie commerciale.

L’impérialisme, en créant le marché mondial sur la base des rapports d’échange capitalistes, a introduit par la force les économies des pays sous-développés dans le marché capitaliste, les a arrachés à leur isolement féodal, les a liés au commerce international dans des conditions d’interdépendance vitale, a promu l’accumulation de capital en eux, qu’il leur a enlevé avec le « surprofit ».

La phase colonialiste de l’impérialisme a été caractérisée par ce vol direct, mais cette phase s’est désintégrée en une mer de contrastes et de conflits violents. La phase actuelle de l’impérialisme prend le relais, par laquelle le « surprofit », c’est-à-dire la part obtenue de l’accumulation du capital dans le pays arriéré, est formé avant tout par l’échange commercial, tandis que les rapports de dépendance politique modifiés permettent au pays arriéré d’utiliser davantage son accumulation capitaliste à des fins d’investissement industriel et de formation des bases matérielles du développement économique. Tout cela en théorie, car en pratique l’accumulation capitaliste du pays arriéré devient de plus en plus dépendante du commerce international, a un rythme très lent, rencontre d’énormes difficultés de toutes sortes et nécessite l’importation de capitaux impérialistes. La tendance, même si elle est entravée, même si elle est exploitée, même si elle est susceptible de s’arrêter, a changé parce que c’est la tendance à l’industrialisation.

Si nous considérons ces lignes générales de développement impérialiste, nous comprenons aussi les composantes du nœud algérien et l’extrême violence avec laquelle il s’est manifesté. Le cas algérien se situe entre la première et la deuxième phase de l’impérialisme, entre l’exploitation colonialiste et l’exploitation néocolonialiste. En Algérie, sous domination française, il y avait :

  1. la rupture des rapports féodaux dans l’agriculture et l’établissement de rapports d’échange capitalistes, avec pour conséquence la formation de l’entreprise agricole capitaliste, du travail salarié, du chômage de masse, de l’appauvrissement rural et urbain ;
  2. la formation d’une industrie légère et d’une bourgeoisie commerciale (lire pour cela « La brèche et le rempart«  et la brèche«  de Bard’Eddine Mili. M.B ] entourée de couches commerciales, rurales et bureaucratiques intermédiaires ;
  3. le début d’une grande industrie ; [Plan de Constantine. M.B]
  4. l’unilatéralisme commercial qui canalisait les surprofits impérialistes vers la France.

Mais en raison de l’immigration massive des colons français, l’écrasante majorité de la population algérienne est restée subordonnée à la nouvelle hiérarchie sociale, de sorte que la bourgeoisie agraire et commerciale, la moyenne et la petite bourgeoisie rurales et urbaines sont composées presque exclusivement de Français. C’est le premier aspect important de la situation sociale algérienne. Le deuxième aspect est constitué par le fait que la présence d’une grande bourgeoisie et d’une petite bourgeoisie françaises, parasitaire à bien des égards, a ralenti l’exode du profit vers la mère patrie et entravé, en même temps, la formation de la grande industrie là-bas. [d’où la contradiction entre projet Gaulliste d’industrialisation et les freins de la guerre. M.B et son projet néocolonial d’une « Algérie algérienne] A la différence d’une bourgeoisie nationale – qui est obligée de fonctionner sur les ressources de son propre pays – la bourgeoisie agraire française d’Algérie en général et particulièrement dans certaines contingences (conjoncture internationale de baisse des prix des matières premières et des produits agricoles) pèse négativement sur le capitalisme industriel de la patrie, à travers une politique protectionniste d’État sur laquelle elle a de nombreuses raisons politiques d’influencer. Si hier les aspects positifs et négatifs de l’exploitation coloniale étaient médiatisés par la politique de l’impérialisme français dans une balance favorable, aujourd’hui cette contradiction a aussi explosé violemment grâce à la révolte paysanne, nationaliste, aux passifs que représentent les dépenses de guerre, à la nécessité du capitalisme monopoliste français d’exporter les capitaux vers des investissements productifs (pétrole du Sahara et l’industrie sidérurgique tracée par le Plan de Constantin) et non plus en subventions et en soutien aux prix agricoles pour les nombreux colons français parasites.

Le nœud de contradictions est très complexe et, compte tenu des facteurs en jeu, n’offre pas de solutions faciles. La question coloniale en Algérie revêt donc un aspect extrêmement chaotique qui ne se retrouve pas dans d’autres régions et en tire aussi sa virulence. Même les solutions théoriques possibles sont brisées par la réalité. La meilleure solution pour le capitalisme français serait de s’adapter à la politique coloniale de toutes les puissances impérialistes : indépendance politique de l’Algérie et forte dépendance économique causée par les investissements industriels et les liens commerciaux. Cette solution « marocaine » s’impose, entre autres, par la forte infiltration américaine dans cette direction, une infiltration dont le Maroc est, de fait, un exemple clair. Mais cette solution n’est pas tant entravée par le nationalisme algérien que par les colons français.

L’autre solution est la victoire nationaliste. Indépendamment de la très forte résistance française, la victoire nationaliste est entravée par ses propres conditions intrinsèques. Nous avons déjà vu qu’il n’y a pas de bourgeoisie algérienne forte qui ait atteint une bonne quantité d’accumulation de capital ; Il n’existe pas non plus de petite et moyenne bourgeoisie algérienne forte, puisque les rôles sociaux joués par ces couches ont été remplis par du personnel français. La révolte algérienne prend un caractère particulier de révolution démocratique bourgeoise, susceptible d’évolutions sociales et idéologiques intéressantes, car elle a une base de masse de paysans et d’ouvriers et dans laquelle les cadres dirigeants ont été fournis par des intellectuels et des prolétaires algériens qui ont émigré en France. À bien des égards, la révolution algérienne a les caractéristiques de la révolution chinoise, tandis que les perspectives économiques de la première la différencient de la seconde, qui à sa conclusion a été en mesure de disposer de tout l’équipement et des ressources nationales (possibilités, cependant, hypothéquées dans l’avenir algérien). Les caractéristiques sociales de la Résistance algérienne ont donc accentué sa compacité et sa combativité au point d’en faire un grand exemple de lutte anti-impérialiste, sans quartier ni répit. À ces caractéristiques originales, il faut ajouter d’autres éléments : c’est-à-dire le fait que la Résistance algérienne est un épisode de la lutte et de la solidarité de toute la communauté arabe nord-africaine et que ce n’est qu’en tant que ligne de front de cette lutte qu’elle a pu se réaliser et se poursuivre.

Malgré cela, malgré l’aspect de lutte rangée anti-française, même une victoire nationaliste à court terme n’est pas probable.

Reste une troisième solution qui nous rappelle les grandes lignes de la conception léniniste des luttes coloniales : c’est-à-dire l’intervention anticolonialiste du prolétariat français.

Cette solution – qui serait la plus révolutionnaire – est aussi la solution la plus improbable et la plus éloignée à l’heure actuelle. Et c’est là que se pose la question qui vient d’abord à l’esprit de ceux qui étudient la question algérienne : « Pourquoi le prolétariat français ne bouge-t-il pas, pourquoi le prolétariat français s’arrête-t-il au moment même où son capitalisme est violemment ébranlé par la plus grande révolte qu’il ait connue dans son histoire coloniale ? Pourquoi défend-il le capitalisme ?

Si l’on y regarde de plus près l’histoire du mouvement ouvrier français, la question se traduit par une question inexplicable. Le prolétariat français a mis en œuvre la Commune de Paris alors qu’il était isolé et qu’il n’y avait aucune chance de succès, et maintenant qu’il a un allié redoutable dans la Résistance algérienne, qui se bat depuis cinq ans, non seulement il n’applique aucune Commune de Paris, mais il aide les « Versailles » à massacrer la Commune paysanne algérienne.

Ce fait ne peut être compris qu’en analysant la nature contre-révolutionnaire des partis de la gauche française, car ce serait une grave erreur qui ne donnerait aucune explication d’analyser uniquement la nature des partis bourgeois traditionnels. La guerre d’Algérie a contribué – et c’est un autre grand mérite des guérillas algériennes – à nous faire comprendre que l’impérialisme français ne pourrait pas exister. Le proverbe « on voit les vrais amis dans les moments de besoin » s’applique aussi à l’impérialisme français : en fait, elle les a trouvés ponctuellement. Et c’est dans cette direction qu’il faut trouver la clé d’interprétation de la guerre d’Algérie. En fin de compte, il s’agit de tirer un grand et clair exemple historique du rôle contre-révolutionnaire du réformisme moderne.

C’est là que réside un autre élément du drame de la question algérienne, et dans la mesure où il s’aggrave, quand l’action contre-révolutionnaire des partis de gauche pour attacher le prolétariat au char impérialiste et empêcher la classe ouvrière de réaliser l’unité révolutionnaire avec les paysans colonisés devient plus massive. [A rattacher à la 8ème condition léniniste des pricipes de la 3ème Internationale. M.B] Ces réformistes, toujours prêts à mener les plus sales politiques d’alliance, toujours prêts à s’allier avec n’importe qui, sont en même temps prêts à empêcher la véritable et unique grande alliance indiquée par Lénine au prolétariat : celle avec les peuples colonisés. Et quand ces peuples, malgré eux, se révoltent, ils découvrent leur vrai visage de réformistes, leur véritable rôle qui les rend les plus dangereux en pareille situation, et ils passent directement au service de la bourgeoisie menacée.

Si nous nous habituons à faire de la critique du réformisme non pas une critique moralisatrice mais une analyse scientifique, nous découvrirons que le comportement des partis de gauche français ne pouvait pas être différent. Face à la grave crise du colonialisme français, il y a des problèmes d’action qui posent un enjeu trop important. Il n’est pas question de réformes ou de rotation des partis au pouvoir ; il s’agit de l’existence même du système. Si le prolétariat français avait pris une action décisive contre la guerre, s’il avait refusé d’envoyer ses fils se faire tuer en Algérie, s’il s’était allié aux partisans algériens et s’il avait coopéré avec eux pour saboter les centres d’approvisionnement de guerre, non seulement la guerre d’Algérie aurait cessé, mais le système politique et social français lui-même serait entré dans une phase de désintégration, provoquant un déséquilibre irréparable dans tous les pays européens. Et c’est précisément ce qu’aucune puissance impérialiste, y compris la Russie, ne veut aujourd’hui.


La présence d’un conflit aussi tragique et ses causes, claires et obscures, ont dû nécessairement remuer les eaux de la culture officielle et pousser les éléments les plus sensibles à faire face à un premier dispositif de chronique. Ces dernières années, de nombreux ouvrages sont apparus sur le thème de la guerre d’Algérie et dans certains d’entre eux, il y a un certain effort d’objectivité et d’information. Mais ce qui est le plus intéressant, c’est de noter dans plusieurs d’entre eux la recherche de responsabilités colonialistes dans la gauche française, comme pour documenter historiographiquement bon nombre des arguments de la polémique menés quotidiennement par les courants révolutionnaires. Récemment, un livre publié en Italie (Romain Rainero, Storia dell’Algeria, Sansoni, Florence 1959) a également abordé le problème de la responsabilité de la gauche française en des termes très intéressants.

Le livre est une chronique assidue, souvent objective et favorable aux nationalistes algériens, de l’occupation française de l’Algérie, dont il retrace l’histoire de manière linéaire dans les premiers chapitres. À l’exception du chapitre VIII, où il traite de l’aspect social et économique (morcellement des terres, colons, chômage, etc.), l’analyse de la structure est très faible, puisque A, manquant d’une vision claire de l’impérialisme, s’arrête au phénomène colonialiste.

Très intéressante, cependant, est l’introduction méthodologique et bibliographique dans laquelle il est soutenu qu’il est impossible de connaître l’histoire de l’Algérie étant donné les « lacunes » historiques, le manque de sources, la destruction française.

De nombreux spécialistes de l’histoire algérienne semblent être liés à un schéma colonialiste qui fait que le pays ne leur apparaît que dans la projection transméditerranéenne de l’histoire de France… De ce point de vue, l’histoire est devenue insuffisante, voire déformante… [c’est-à-dire] une vision qui fait du colon français et de la France le centre autour duquel tout tourne. De cet univers ptolémaïque il est urgent de passer à une vision copernicienne au prix de devoir se résigner à ne voir les événements que l’aspect négatif, celui de la rupture d’un ordre antérieur et non l’aspect positif qui consiste à avoir pu réintroduire dans le cycle de l’histoire des forces anciennes et nouvelles qui étaient en sommeil.

Rainera, en général, tente de s’inspirer de cette vision « copernicienne » de l’histoire coloniale, en se référant à la résolution sur l’histoire approuvée par le IIe Congrès mondial des écrivains et artistes noirs dans laquelle l’historiographie occidentale est condamnée comme une conception erronée de la participation des Africains à l’histoire de l’humanité.

En particulier, A. est lié, également avec des citations directes,

-aux historiens algériens Kateb Yacine, Sahli, Malek Bernabi, Mostefa Lacheraf qui : ont entamé une revue de l’histoire de l’Algérie à partir de l’étude d’Abd el Kader ou des situations controversées et obscures afin de réévaluer l’ensemble du phénomène de la Résistance algérienne…

-et à l’historien Allal al Fassi dont l’ouvrage, « Les mouvements d’indépendance en Afrique du Nord arabe », constitue :une vision maghrébine intéressante de la théorie de la continuité de l’Afrique du Nord de Carthage à nos jours.

Peut-être que la vision copernicienne des historiens arabes et la sienne ont aidé l’auteur de mettre le doigt au bon endroit plusieurs fois.

Dans le sillage d’Allal al Fassi, l’auteur Il nous parle de la première réaction à la guerre impérialiste. À partir de septembre 1914, la France procède à la conscription obligatoire des Algériens. La réaction populaire fut très vive, avec des émeutes dans la région de Constantine et de Sétif que la propagande des agents des empires centraux et de la Turquie essaya d’utiliser à ses propres fins. La désertion fut massive avec un exode de 120 000 personnes vers les montagnes, mais la France – aidée par le climat de l’Union Sacrée – réussit à enrôler environ 200 000 Algériens et à réquisitionner, comme travailleurs, 121 000 autres.

La première occasion d’une alliance anti-impérialiste s’était évanouie et c’est toujours dans les congrès du Komintern – comme le reconstruit Demetrio Boersner dans « Les bolcheviks et la question nationale et coloniale (1917-1928) » – que retentissait la critique au Parti communiste français lui-même pour son manque de soutien aux luttes coloniales. Aux critiques de M. N. Roy et d’autres délégués arabes et asiatiques, les Français répondirent par la thèse pseudo-révolutionnaire et opportuniste qu’il ne fallait pas aider les nationalistes algériens à mener à bien une révolution essentiellement bourgeoise et que tous les efforts devaient être concentrés sur la révolution prolétarienne en France.

Comparée à la politique adoptée plus tard par les partis de gauche, cette thèse si obstinément combattue par Lénine est un péché timide de la jeunesse !

Le premier exemple classique : le Front populaire. Rainero écrit :

pag. 140

Et encore :

pag. 141

Avec des précédents similaires, nous pouvons également comprendre la suite, à commencer par la politique colonialiste menée par les gouvernements de la Résistance dont le PCF faisait partie intégrante et responsable. En décembre 1942, l’amiral Darlan appela les musulmans à participer activement à la guerre contre l’Allemagne, mais quelques jours plus tard, Ferhat Abbas rejeta l’appel au nom du nationalisme algérien avec un message disant :

Cette guerre n’est pas une guerre de libération des peuples sans distinction de race ou de religion. Malgré les promesses qui leur ont été faites et les sacrifices qu’ils ont consentis, les peuples autochtones d’Algérie sont privés de la liberté et des droits essentiels dont jouissent les autres.

pag. 151

Cette position décisive a été suivie, le 10 février 1943, par la constitution du Manifeste du peuple algérien, signé par Abbas et 56 représentants nationalistes, qui dénonçait la politique coloniale menée en Algérie par la France et énumérait les revendications nationalistes.

pag. 152 [sur cet aspect, il faut se rappeler la promesse de Roosevelt et la croyance de Abbas en cette promesse, croyance qui lui permit cette fermeté. M.B]

En réponse, le 3 juin 1943, le Comité français de libération nationale nomme le général Catroux gouverneur de l’Algérie.

Partisan de la manière forte, le général Catroux était un assimilationniste convaincu dans la politique indigène et un défenseur de la « mission de la France » en Afrique du Nord. Quelques jours après sa nomination, Catroux prive les nationalistes de toute illusion sur la possibilité d’une révision pacifique du statut politique de l’Algérie.

pag. 153

Le 23 juin 1943, il déclara :

La France ne permettra jamais l’indépendance de l’Algérie, qui en fait partie intégrante.

pag. 153

Et pour donner un exemple pratique d’une Résistance à sens unique qui se réfère aux idéaux de liberté et de patrie contre les nazis mais qui nie ces idéaux aux Algériens, accuse à la manière nazie Sayah Abd el Kader et Ferhat Abbas de « désobéissance en temps de guerre », les fait arrêter et interner. Le CFLN (Comité francais de liberation nationale) approuve à l’unanimité ; Du moins, c’est ce qu’il faut considérer, étant donné l’absence de protestations de la part des communistes ou d’autres « progressistes ». Lesquels communistes – sans parler des sociaux-démocrates ultra-chauvins – n’ont même pas eu la décence de quitter le gouvernement lorsque le 8 mai 1945, pour célébrer la victoire contre l’Allemagne nazie, et au nom du drapeau solennel, « mort au fascisme, liberté aux peuples », les troupes françaises ont commencé le massacre de Sétif, rasant 44 villages et tuant 45 000 Algériens.

« L’étincelle de l’insurrection est née à Sétif », commente Rainero.

À Sétif, ajoutons-nous, s’achève un chapitre honteux de l’opportunisme de la gauche française, consciemment coresponsable de la politique colonialiste de la CFLN et du premier gouvernement De Gaulle. Sétif n’a pas été une « bombe atomique » soudaine, même si pour le résultat, pour le crime et pour la contemporanéité, elle a un tragique « jumelage » avec Nagasaki et Hiroschima ; Le Los Alamos de Sétif revient au Front populaire et au CFLN ! Et après Sétif, s’ouvre le deuxième chapitre du soutien au colonialisme, un chapitre que nous parcourons encore aujourd’hui et que nous espérons conclure par la formidable critique des armes de l’insurrection algérienne.


Établir les faits et les responsabilités ne signifie pas encore en avoir déterminé toutes les causes. Qu’est-ce qui a poussé le PCF à devenir coresponsable de Sétif, de la répression malgache et de la politique colonialiste ? Pourquoi le prolétariat français ne comprenait-il pas l’essence d’une politique chauvine qui allait bientôt se retourner contre elle-même ? Pourquoi n’a-t-il pas abandonné les partis opportunistes et repris la tradition révolutionnaire et internationaliste ?

Ce sont des questions que nous nous sommes déjà posées et que, peut-être en des termes non analogues, se pose un journaliste et historien perspicace, Alexander Werth, dans son « Histoire de la IVe République » (éditions Einaudi, 1958).

Cet auteur traite également de la politique coloniale de la Résistance française et cite la « Charte de la Résistance » où le paragraphe C du 5e point prévoyait seulement et de manière laconique une réforme coloniale générique, c’est-à-dire « l’extension des droits politiques, sociaux et économiques aux populations coloniales ». Rien d’autre, dans cette Charte, que  l’auteur définit:

un programme minimum pour les communistes… une sorte de New Deal, ou ce que Bidault… l’avait appelé « la révolution par la loi ».

pag. 321

Le fait que, même dans une Charte constitutionnelle, traditionnellement pleine de belles promesses, une position aussi conservatrice sur la question coloniale ait été reflétée (des réformes génériques ont été envisagées mais pas l’indépendance), peut être compris avant tout à partir du climat politique français.

Thorez, de retour de Moscou en novembre 1944, avait étonné le PCF lui-même en approuvant, lors du C.C. du 21 janvier 1945, la dissolution décrétée par De Gaulle des Gardes patriotiques et en déclarant :

Les Comités de Libération ne doivent pas administrer, mais seulement aider ceux qui administrent. Par-dessus tout, ils doivent mobiliser, former et organiser les masses afin qu’elles puissent produire le maximum d’effort de guerre.

pag. 350

L’Auteur  commente ainsi  le geste de Thorez :

un mouvement en faveur de l’effort de guerre maximal de la France (avec tout ce que cela impliquait dans le domaine international)… De son côté, De Gaulle, comme l’avait déjà montré son discours du 14 janvier à Nantes, était aussi trop heureux de se servir des communistes… Il est certain, cependant, que les ordres antirévolutionnaires de Thorez provoquèrent un grand malaise au sein du PCF.

pag. 351

Au fur et à mesure que la collaboration De Gaulle-PCF se rapproche, dans le jeu du partage impérialiste des zones d’influence entre la Russie et les Alliés, la politique du PCF devient encore plus colonialiste.

Au Congrès de juin 1945, dans son rapport :

Thorez proclame « La grandeur de la France est à refaire ». Avec autant de chagrin que s’il eût été De Gaulle, Thorez déplorait l’humiliation que la France avait subie à ce moment-là en Syrie, simplement parce qu’elle ne disposait pas d’une grande armée.

pag. 382

Dans le même rapport :

Il soutient à nouveau l’opportunité d’utiliser des prisonniers de guerre allemands pour reconstruire des villages détruits par l’armée allemande ou dans des mines de charbon, malgré les nombreuses protestations « humanitaires » de l’étranger et de la France elle-même : il évoque la nécessité de l’aide américaine… il appelle au développement des échanges entre l’Ouest et l’Est et à la modernisation de l’agriculture, notamment en Algérie et dans les autres possessions françaises. « Nous devons produire », a-t-il proclamé… L’impression que Thorez essayait de donner était que le PC était un parti de gouvernement pleinement qualifié… qui… les communistes au gouvernement auraient pu être d’une aide énorme dans la construction d’une France vraiment moderne et efficace. Face à cet objectif, ils étaient prêts à demander à la classe ouvrière de travailler dur et de faire beaucoup de sacrifices.

pag. 383

En effet, après les élections politiques du 21 octobre 1945, lors de la formation du nouveau gouvernement De Gaulle :

Si De Gaulle confie la quasi-totalité des ministères économiques aux communistes, ce n’est certainement pas par amour pour eux. Il aurait pu avoir une majorité même sans eux, mais les communistes, à cette époque, étaient encore utiles ; Ils servaient à encourager la production et à éviter des troubles dans le domaine du travail.

pagina 390

Le jugement est trop linéaire pour l’alourdir de commentaires, aussi parce qu’il est lié à toute une série de faits indiscutables que l’auteur  a le mérite de très bien traiter.

Les communistes évitaient de parler de marxisme ou d’internationalisme, et semblaient vouloir se préparer à assumer le rôle du grand parti au pouvoir dans les années à venir.

pag. 381

Il est remarquable d’observer comment, sur un grand nombre de problèmes industriels […], Thorez a dit presque les mêmes choses, par exemple, qu’un Mendès France.

pag. 384

De cette manière concrète, un cadre politique se dessine dans lequel l’opportunisme colonialiste du PCF prend sens et n’apparaît plus comme une « erreur » ou comme une simple volonté opportuniste. Les formations politiques sont l’expression d’intérêts économiques, elles agissent sous la pression de ces intérêts, elles sont conditionnées par leur fonction organique. Ce serait du pur manichéisme que de les juger sur la base d’un bien ou d’un mal abstrait et moralisateur ; un manichéisme qui, en lui-même, cache toujours l’intention de vouloir réformer ou « racheter » ce qui est critiqué. C’est, pratiquement, le but opposé à celui de l’analyse scientifique marxiste qui identifie l’opportunisme dans les forces matérielles qui le forment et non dans la mauvaise volonté de certains de ses représentants.

Dans le cas concret, la politique du PCF nous apparaît comme l’émanation des intérêts impérialistes du capitalisme d’État soviétique, intérêts qui ont conduit à la collaboration avec la bourgeoisie française et à une insertion dans son appareil d’État afin de lui permettre une continuation du pouvoir à l’intérieur vers les masses laborieuses et à l’extérieur envers les peuples coloniaux. La technique de cette collaboration est très élaborée et va de la démagogie à la corruption de couches de l’aristocratie ouvrière ; Elle peut varier à certains moments – la guerre froide – lorsque les alliances du capitalisme d’État soviétique se relâchent.

Ainsi, d’une phase de soutien colonialiste, on peut passer à une démagogie de la critique formelle de certains effets du colonialisme (sans jamais s’attaquer aux aspects essentiels de l’impérialisme et aux formes néocolonialistes sous lesquelles il se présente, car cela reviendrait à démystifier la politique étrangère et commerciale soviétique) ; mais un PCF ne sera jamais en mesure de soutenir pleinement une révolution coloniale, car cela représenterait une autolimitation de ces bases matérielles et de la superstructure dans laquelle il doit agir dans la politique d’alliances ou de conquête – dans le cas extrême – du pouvoir lui-même. Soutenir une révolution coloniale signifie, du point de vue de ses intérêts économiques et politiques, non seulement provoquer une crise révolutionnaire, et donc incontrôlable et substantiellement anticapitaliste, dans le système même dans lequel elle ne peut opérer en tant que force bureaucratique que dans la mesure où il existe certaines conditions sociales qui lui permettent d’exister, mais aussi dans les solutions les plus modérées contribuant à la création d’un nouvel État politiquement autonome qui est déjà en lui-même adversaire ou concurrent potentiel.

Faisons une considération qui est purement théorique parce qu’elle fait abstraction du fait que le PCF, même dans les moments de la guerre froide, a maintenu une ligne colonialiste et n’a même pas formellement soutenu les révolutions coloniales de l’empire français (voir la question algérienne et le soutien à la solution conservatrice Mendès-France pour l’Indochine lorsque les Français étaient sur le point d’être jetés par-dessus bord) ; cela a peut-être été influencé par des facteurs de chauvinisme au sein de l’organisation et la masse de sympathisants, ainsi que par la demande soviétique de négociations séparées avec la France.

Par conséquent, cette considération doit avoir un sens général car, comme l’ont démontré la révolution chinoise et les relations soviéto-chinoises qui l’ont précédée et suivie, nous considérons comme infondée la thèse selon laquelle les révolutions coloniales sont exploitées par certaines puissances et certains partis occidentaux, en particulier l’URSS et les PC.

Tout d’abord, il faut distinguer un PC colonial d’un PC occidental, car le rôle qu’ils jouent et les tendances de développement qu’ils contribuent à promouvoir sont différents. Deuxièmement, il ne faut pas confondre la signification historique réelle d’une révolution coloniale avec la propagande tirée d’une alliance momentanée établie avec elle. De ce point de vue, il se peut très bien qu’un jour le PCF au gouvernement établisse une alliance avec la République de Madagascar devenue indépendante : cela ne veut pas dire que le PCF a promu – pour quels « motifs mystérieux ? » – la lutte pour l’indépendance des Malgaches, et qu’il l’a vigoureusement soutenue, quitte à ce que le PCF s’apprête à tirer le plus grand avantage politique et commercial d’un événement qui s’est déroulé malgré sa volonté et avec lesquels un nouveau rapport de forces doit être établi.

Les faits mêmes que nous examinons avec l’œuvre de Werth confirment notre interprétation en ce que nous examinons un modèle typique : l’un des deux partis communistes occidentaux les plus puissants qui, en même temps, est le parti communiste d’une grande puissance coloniale. La politique coloniale du PCF représente donc le seul exemple majeur de politique coloniale d’un parti communiste.

La période de collaboration gouvernementale du PCF est importante. En 1946, selon Werth, De Gaulle avait réussi à maintenir l’empire après la première phase critique provoquée par la guerre :

Sans doute, De Gaulle n’a jamais oublié l’empire, et en particulier l’Afrique ; et, de temps en temps, la clameur lointaine des divers nationalismes indigènes avait atteint la France, qui était devenue de plus en plus active, surtout à partir de 1942-43. Il y avait eu des morts et des massacres en Algérie en mai 1945… même la quasi-expulsion des Français de Syrie au cours de la même année avait porté un coup à l’orgueil français et à la « politique de grandeur » de De Gaulle. Dans l’ensemble, cependant, De Gaulle a été crédité d’avoir fait de son mieux, à la fois militairement et diplomatiquement, pour « maintenir l’empire uni » ; Au début de l’année 1946, il exprime sa satisfaction d’avoir atteint cet objectif, malgré l’immense danger de désintégration qui menace l’Empire depuis 1940 : la seule exception, dit-il, est l’Indochine, où le général Leclerc a cependant réussi à se réinstaller.

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Ayant surmonté la première phase de « l’immense danger de désintégration » de l’empire – ce qui indique à quel point la fonction contre-révolutionnaire du PCF était organique – le parti de Thorez s’est trouvé confronté à de nouveaux problèmes de politique coloniale avec la question indochinoise, qui mérite d’être examinée après avoir fait une brève référence à la répression de Madagascar.

Le 29 mars 1947, des émeutes et des massacres éclatent à Madagascar, où – selon le magazine « Esprit » – 80 mille indigènes sont tués. Comme pour les massacres de Sétif, cette fois encore, le PCF s’est rendu coresponsable de la politique colonialiste des gouvernements français, participant même au cabinet du social-démocrate Ramadier avec le ministère de la Défense. Werth vient commenter :

Il semble absurde, aujourd’hui, en se souvenant de cette époque, que les communistes aient tant insisté pour être inclus dans le gouvernement.

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Il dit aussi qu’en janvier 1947, ils n’avaient pas encore pleinement compris l’ampleur du problème indochinois. En fait, même après le massacre de Haïphong par les Français, le 20 novembre 1946, au cours duquel 6 000 Indochinois ont été massacrés par les bombardements navals, même après ce massacre qui a marqué le début de la guerre d’Indochine (le 19 décembre 1946, le Viet-Nam s’est soulevé à Hanoï), le PCF est entré de nouveau dans le gouvernement de coalition de gauche, lorsque la guerre avait commencé. Un pré-mollétisme qui durera jusqu’au 4 mai 1947, après l’échec de la conférence des ministres des Affaires étrangères à Moscou, lorsque Ramadier a évincé le PCF du gouvernement.

Ce n’est qu’à ce moment-là, après que l’éclatement de l’alliance impérialiste ait provoqué l’éclatement de la coalition populaire-colonialiste en France, que le PCF a commencé à protester pour l’Indochine.

Dans la période gestationnelle du conflit indochinois, nous avons déjà vu à quel point l’attitude du PCF était colonialiste.

Dès août 1945, le Viet-Nam, dirigé par Ho Chi Min, développe la révolution nationale dans le nord de l’Indochine. Mais le mouvement est ralenti, d’autant plus que personne ne semblait particulièrement désireux de reconnaître un Viêt-Nam indépendant. La Russie restait indifférente ; La Chine pensait en termes de « grande Chine ».

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Les États-Unis se méfient, la France s’est implantée en Cochinchine. Ho Chi Min choisit le moindre mal : les négociations avec la France. Mais les accords du 6 mars 1946 préparèrent la reconquête française et de fait le gouvernement de Paris et la « clique de Saigon » colonialiste formèrent et reconnurent le nouvel État de Cochinchine le 1er juin 1946. Suite aux premiers accords Thorez…

il avait déclaré qu’il n’était pas du tout favorable à la « liquidation du drapeau français » en Indochine.

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L’auteur a de multiples raisons  d’affirmer que Ho Chi Min a commis l’erreur de se faire des illusions sur les sociaux-communistes, au lieu de chercher l’appui de membres de droite, comme Sainteny et Leclerc, proches de ses thèses et favorables à l’indépendance. En effet, le 12 juin 1946, Ho Chi Min arrive en France soucieux de mener à bien ces négociations qui se solderont par l’échec de la conférence de Fontainebleau.

Il semble que Ho Chi Min ait surestimé le poids de l’opinion de gauche en France et qu’il s’attendait à un puissant soutien de la part des socialistes et des communistes… Les socialistes étaient irrésolus… et les communistes, soucieux de sauver le « tripartisme » (le MRP était colonialiste jusqu’au bout) et pensant qu’il était certainement imprudent de se proclamer trop ouvertement les champions d’un Viêt-Nam indépendant, adoptèrent également une position moins résolue que prévu.

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L’échec de Fontainebleau ouvre ainsi la voie à la provocation et à la guerre de Haiphong. Tout cela coïncide avec le début de la « guerre froide », au cours de laquelle le PCF exploite le mécontentement et la combativité des masses contre la « sale guerre » de l’Indochine sans jamais s’engager dans une lutte anticolonialiste générale même pour les territoires d’Afrique du Nord qui sont en mouvement. Il s’agit d’une tactique élastique classique, qui est tendue dans les périodes les plus aiguës du conflit occidentalo-soviétique et qui ralentit dans les périodes de « détente » (réunion de Genève de 1955, déstalinisation de 1956, etc.), sensible aux besoins de la politique étrangère soviétique et indépendante des besoins réels et du degré de développement de la lutte des peuples coloniaux.

En janvier et février 1950, par exemple, les dockers de La Pollice, Marseille, Lorient, Brest, Dunkerque refusent de charger des navires pour l’Indochine, à Toulon ils attaquent les CRS, à Nice ils jettent à la mer des engins de guerre. C’est une bonne épreuve de la lutte ouvrière, qui montre aussi comment le PCF sait utiliser la lutte des masses quand elle est utile à sa politique et la freiner pour les mêmes raisons.

Un exemple en est donné par l’ouverture de la crise nord-africaine, qui a commencé ouvertement au moment de la guerre d’Indochine avec la note française du 15 décembre 1951 dans laquelle la politique de force envers la Tunisie a prévalu. La droite, le MRP et la SFIO sont résolument colonialistes.

« Quant aux communistes, conscients de l’impopularité qui entourerait toute campagne en France pour une « libération » totale du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie, ils préféraient concentrer leurs efforts sur l’Indochine, d’autant plus qu’ils n’avaient guère de sympathie pour le « nationalisme bourgeois » de Neo-Destur en Tunisie ou de l’Istiqlal au Maroc, qui continuaient à réaffirmer leur anticommunisme. »

pag. 626

Alors que les communistes et les gaullistes protestent contre la concession de bases américaines au Maroc sans compensation, la Tunisie fait appel contre la France en avril 1952 devant le Conseil de sécurité de l’ONU. Au Conseil, alors que l’URSS soutient la Tunisie, les États-Unis s’abstiennent. Il est intéressant de suivre l’auteur  également dans cet épisode, puisqu’il démontre comment le PCF a profité de ces occasions pour s’associer aux colonialistes dans des campagnes anti-américaines (de telles associations ne semblent pas étranges puisque déjà lors des élections du 17 juin 1951 les gaullistes ont hérité d’une partie des anciens votes communistes de la région parisienne, un précédent significatif pour comprendre le million et plus de votes communistes qui sont allés à De Gaulle en septembre 1958), plutôt que de poursuivre une politique directe de soutien aux indépendantistes. [A rapprocher avec le vote des pouvoirs spéciaux votés également par les communistes le 12 mars 1956 (1) M.B]

Le gouvernement Truman mena une certaine action en faveur de l’indépendance de la Tunisie et du Maroc qui provoqua la colère des « colons » français qui :

ils considéraient les États-Unis comme l’ennemi numéro un.

pag. 682

Si les États-Unis avaient soutenu un appel tunisien et marocain à l’ONU, le lobby colonialiste aurait lancé une campagne anti-américaine.

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Ce n’est qu’en mai 1952, et pour une très brève parenthèse, que le PCF décida de combiner la campagne anti-américaine avec une action plus décisive contre le colonialisme, à l’occasion de l’arrivée de Ridgway. Mais cette première et unique parenthèse, toujours limitée à la dénonciation propagandiste, est due à des raisons de lutte interne au parti entre Duclos et Billoux. À son retour de Moscou, Billoux publia dans les Cahiers du Communisme un essai dans lequel il critiquait les alliances douteuses, exhortait à l’action directe contre les aventures guerrières, proclamait l’indépendance de la France contre l’impérialisme américain et insistait :

sur la nécessité de soutenir les peuples coloniaux dans leur lutte pour l’indépendance.

pag. 690

Après l’arrestation de Duclos, le PCF modère cependant sa ligne avec un article d’Etienne Fajon. Le renfort de propagande n’a jamais été mis en pratique.

Cela a conduit à la paix de l’Indochine et à l’indépendance de la Tunisie et du Maroc par Mendès-France. Même dans la période la plus grave de la crise maroco-tunisienne, on ne trouve pas d’action du PCF qui le détache de l’opportunisme colonialiste traditionnel.

Et même dans ce cas, la thèse de Werth nous semble tout à fait valable, qui croit que l’indépendance des deux pays d’Afrique du Nord est due à leur lutte et à l’intérêt des États-Unis à résoudre la crise dans un secteur dans lequel ils avaient établi d’importantes bases militaires et économiques. L’indépendance est donc le résultat des contrastes de l’impérialisme, dont Mendès France devient le médiateur, et certainement pas de l’action inexistante du PCF. Il en va de même pour l’Indochine, si ce n’est pour y ajouter un double nœud de contrastes dont le centre est la Chine et ses relations avec l’URSS.


Enfin, la question algérienne s’ouvre. L’Algérie était restée, dans la période 1945-54, beaucoup plus calme que la Tunisie et le Maroc, mais en novembre 1954 la CRUA commença l’insurrection. Avec l’avènement de Mollet. les masses ouvrières françaises espèrent que l’heure de la paix est venue en Algérie ; Mais une fois de plus, l’histoire montre que c’est précisément aux moments où les masses se déplacent vers la gauche que les partis auxquels elles ont accordé leur confiance se révèlent les plus contre-révolutionnaires. Et cela est particulièrement vrai en ce qui concerne les peuples coloniaux.

Le 6 février 1956, Mollet capitule à Alger. Lacoste, nommé gouverneur de l’Algérie, demanda des renforts de troupes, qui avec le rappel passèrent de 250 à 600-700 mille hommes, et les pleins pouvoirs au gouvernement. Il est très clair que la plénitude des pouvoirs signifie une répression gigantesque en Algérie où la force militaire a presque triplé.

En mars, ces pouvoirs furent accordés au gouvernement par l’Assemblée nationale, avec le vote favorable des communistes eux-mêmes.

pag. 869

La politique colonialiste du PCF atteint sa conclusion logique avec cet acte. Le manque de soutien et l’action visant à freiner le mouvement de protestation, la désertion et la mutinerie qui ont eu lieu au printemps-été 1956 de la part des conscriptionnaires et dont même un rapide coup d’œil aux nouvelles de cette période peut nous donner une image, ne sont que les conséquences naturelles du soutien à Mollet.

Ayant glissé dans la voie de l’opportunisme, le PCF, jour après jour, a montré sa véritable nature contre-révolutionnaire au point d’approuver, dernièrement, même la déclaration de De Gaulle sur l’autodétermination, qui selon Rainero en serait une :

« manœuvre tentée par le général De Gaulle visant à embarrasser gravement les hommes du Front de libération nationale sur le plan international, en faisant comprendre au monde les bonnes intentions du gouvernement français d’accorder au peuple algérien la pleine liberté de choisir son propre destin. À ce stade, cependant, il ne faut pas négliger certains faits qui, s’ils ne préjugent pas entièrement de l’offre française, réduisent ses conséquences pratiques à très peu de chose. »

Op. cit., pag. 223

Les faits ont validé cette thèse et la réalité coloniale elle-même en mouvement va démolir la spirale de l’opportunisme français pseudo-communiste.

Arrigo Cervetto

Source : ProméthéeMars 1960
Arrigo Cervetto (1927-1995) – Fondateur en Italie avec Lorenzo Parodi de la revue  « Lotta comunista »

Source : Prométhée – Mars 1960 :

https://www.leftcom.org/it/publications/prometeo


Mohamed Bouhamidi-Mon intervention censurée à la soirée solidarité du PCF de novembre 2019 avec le peuple algérien :

https://ecolepopulairedephilosophie…

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