Baromètre politique Ipsos mai 2025 : peut-on encore sonder des citoyens qui ne croient plus à rien, ni à personne ?
https://www.breizh-info.com/2025/05…
18 mai 2025
Le dernier baromètre politique publié par Ipsos et l’école d’ingénieurs CESI pour La Tribune Dimanche dresse, comme chaque mois, un état des lieux des opinions politiques des Français. Mais ce qui frappe, au-delà des chiffres, c’est la vacuité croissante du débat démocratique dans un pays où une majorité des sondés ne fait plus confiance à personne… tout en continuant d’être interrogée sur ce qu’elle attend de la politique. Pouvoir d’achat, insécurité, immigration : trois préoccupations majeures
Sans surprise, les trois grandes préoccupations restent inchangées : le pouvoir d’achat (48 %), le système social (39 %), et la délinquance (36 %), suivies de l’immigration (30 %) et de la dette publique (26 %). Macron s’en moque totalement, lui qui a exclu un référendum sur ces préoccupations majeures.
Des priorités transversales, avec des variations selon la couleur politique : l’immigration est le sujet n°1 chez les sympathisants RN (58 %) et LR (37 %), quand les électeurs LFI ou EELV se disent davantage préoccupés par les inégalités sociales ou l’environnement.
Mais au-delà des clivages, c’est surtout la constance d’une inquiétude généralisée qui marque : tout semble aller mal, ou aller empirer, aux yeux des sondés.
Un président à 26 % de soutien… dans une démocratie à bout de souffle
Emmanuel Macron ne bénéficie plus que de 26 % d’avis favorables, contre 71 % de jugements défavorables. Une situation inédite de rejet persistant, marquant une fin de règne : usure du pouvoir, isolement, et refus massif de son autorité, y compris dans son propre camp.
Quant à François Bayrou, Premier ministre depuis janvier, il chute à 20 % d’opinions favorables, avec 70 % d’avis défavorables, confirmant qu’il ne suscite ni espoir ni opposition claire – mais surtout une indifférence molle, révélatrice d’un gouvernement sans cap lisible.
Retailleau, Darmanin, Le Pen, Bardella : des figures qui polarisent
Parmi les figures politiques qui émergent pour 2027, Jordan Bardella (34 %) et Marine Le Pen (33 %) arrivent en tête des personnalités qui susciteraient une certaine satisfaction s’ils accédaient à l’Élysée. Bruno Retailleau, pourtant discret médiatiquement, surprend avec 28 % d’opinions favorables, notamment chez les sympathisants de droite et du RN
Mais là encore, les chiffres doivent être relativisés : une majorité des Français répondent par réflexe d’humeur, sans projet de société ni vision de long terme.
Le désespoir économique généralisé
C’est peut-être le point le plus préoccupant : 86 % des sondés se disent pessimistes quant à la situation économique du pays, 83 % pour l’économie mondiale. Quant à leur propre avenir économique, 68 % se déclarent également pessimistes, malgré un taux d’emploi historiquement élevé. C’est dire la profondeur de la défiance et du ressentiment qui s’est enracinée.
Les anticipations sont noires : 74 % pensent que le pouvoir d’achat va se détériorer, 76 % pour la fiscalité, 70 % pour l’emploi. En somme, les Français n’attendent plus rien de l’avenir, sauf peut-être un effondrement qu’ils voient venir, et auquel ils s’accoutument.
Une enquête méthodique… mais déconnectée ?
On peut évidemment reconnaître le sérieux du travail méthodologique d’Ipsos. Mais on peut aussi interroger le sens de ces baromètres : quelle valeur accorder à des réponses données par une population qui ne croit plus aux institutions, ne vote plus massivement, et change d’avis au gré des crises et des émotions ?
Il y a quelque chose de creux à sonder une société désaffiliée politiquement, dépolitisée culturellement, et atomisée socialement, comme si l’empilement des données pouvait encore révéler une volonté collective. Ce n’est plus le cas. On ne sonde pas un peuple : on enregistre ses soupirs.
Le baromètre politique de mai 2025 ne dit pas tant ce que veulent les Français que ce qu’ils ne veulent plus. Il révèle une société fatiguée, lasse, désorientée – mais toujours consultée, comme si cela suffisait à faire vivre une démocratie.
Le paradoxe est là : des citoyens qui ne croient plus en la parole politique et à qui on ne permet jamais de s’exprimer directement sont sans cesse invités à s’exprimer. Et le résultat, mois après mois, c’est le même : colère molle, peur du déclin, et rejet des élites… sans alternative clairement assumée.