Nucléaire : comment Israël s’est doté de l’arme atomique dans la plus grande opacité et au mépris du droit international
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16 juin 2025
Assawra
Israël n’a jamais signé le traité de non prolifération nucléaire. l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) y est interdite d’inspections. / JACK GUEZ / AFP
Engagé avec l’aide de la France, le programme atomique d’Israël se développe dans l’opacité la plus totale. Jugeant la prolifération inévitable, Tel-Aviv s’affranchit du droit international.
Pas plus que l’ensemble de ses prédécesseurs, Donald Trump ne demandera à Israël d’apposer son paraphe au traité de non-prolifération nucléaire (TNP). Et ce d’autant moins que les États-Unis sont eux-mêmes sortis du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire qui les liaient à la Russie, sous son premier mandat, en 2019.
Il a ainsi ouvert les vannes à un monde anarchique où le droit international est allégrement piétiné. Israël n’a d’ailleurs jamais rien concédé quant à l’existence d’un arsenal nucléaire autonome ; l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) y est interdite d’inspections.
Un programme nucléaire appuyé par Paris dès les années cinquante
De son côté, l’Iran a ratifié le TNP en 1970 mais manque régulièrement à ses obligations de transparence. Alors que les yeux occidentaux sont braqués sur le programme iranien, la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN), lauréate du prix Nobel de la Paix, précise : « Israël est le seul État du Moyen-Orient à disposer d’un arsenal de près d’une centaine d’armes nucléaires. » Un programme développé grâce à la France. Dès les années 1950, Paris envoie plusieurs centaines de techniciens, livre un réacteur nucléaire de 24 mégawatts et entame les travaux en 1958.
De Gaulle, qui souhaite réorienter la politique étrangère de la France, met un coup d’arrêt à la coopération lors de son retour au pouvoir. Mais celle-ci est suffisamment avancée pour que le programme parvienne à son terme. Selon le dernier rapport de l’ICAN, Tel-Aviv a dépensé plus d’un milliard de dollars l’an dernier pour ses forces nucléaires.
Pour l’organisation, la guerre initiée contre l’Iran « démontre une nouvelle fois que la logique de la dissuasion ne protège pas un territoire national et invite à la guerre ».
Quand Israël comparait les mollahs à Hitler
Le complexe nucléaire israélien de Dimona, dans le désert du Néguev, a été mis en service en 1963. L’ancien premier ministre David Ben Gourion a joué un rôle clé pour son développement. S’appuyant sur les tensions régionales, et en évoquant la Shoah auprès des responsables européens, le dirigeant insiste sur les conséquences catastrophiques d’une attaque surprise des pays arabes, et en particulier de l’Égypte.
Selon lui, Israël devrait toujours se préparer au pire et ne compter que sur ses propres capacités. « L’idée du programme d’armement nucléaire comme filet de sécurité a fait l’objet d’un consensus national presque total », précise l’historien du nucléaire Avner Cohen.
Shimon Peres, érigé en icône du camp pacifiste depuis les accords d’Oslo (1994), a été l’une des chevilles ouvrières du programme israélien. Il n’hésite pas, lui non plus, à dresser un parallèle entre le IIIe Reich et l’Iran, « le pays le plus dangereux qui soit, parce que les mollahs croient que leur religion est supérieure, un peu comme Hitler croyait que la race aryenne était supérieure ».
Le tabou du nucléaire israélien
Ainsi, le père du programme israélien, Ernst David Bergmann, acte-t-il que la prolifération, puisqu’elle est inévitable, doit être anticipée par Israël pour se protéger. Selon Shimon Peres, le physicien assurait, malgré les oppositions de la communauté scientifique : « Je suis convaincu que l’État d’Israël a besoin d’un programme de recherche en matière de défense qui lui soit propre, afin que nous ne soyons plus jamais des agneaux conduits à l’abattoir. »
Preuve du tabou qui persiste autour du nucléaire israélien, l’un de ses techniciens, Mordechai Vanunu, fait l’objet d’un enlèvement rocambolesque par le Mossad à Rome. Pour avoir révélé les détails de ce programme à la presse, il est condamné en 1988 avant d’être emprisonné dix-huit années durant.
Cependant, en décembre 2006, lors d’un déplacement en Allemagne, le premier ministre israélien, Ehoud Olmert, commettait un impair pointé à l’époque par l’Humanité. En répondant à une question d’un journaliste sur le programme iranien, le chef du gouvernement lâchait : « L’Iran a menacé (…) de rayer Israël de la carte. Pouvez-vous dire que c’est une menace comparable, quand on cherche à obtenir l’arme nucléaire, à celle de pays comme la France, les États-Unis, Israël ou la Russie ? Israël ne menace aucun pays de quoi que ce soit et ne l’a jamais fait. »
Le secret de polichinelle avait été levé une semaine auparavant par le secrétaire états-unien à la défense, Robert Gates, qui expliquait que « l’Iran est entouré de puissances nucléaires avec le Pakistan à l’est, la Russie au nord et Israël à l’ouest ». Le statut de seule démocratie dont se prévaut Israël au Moyen-Orient mériterait à ce titre la transparence.
Lina Sankari
L’Humanité du 15 juin 2025