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Gen Z 212 - Émeutes de la faim au Maroc (vidéo 2’10)

jeudi 2 octobre 2025, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 2 octobre 2025).

Enregistré sur TF1 le 2 octobre 2025 au 13h

Cliquer ici pour télécharger la vidéo


Comment le collectif « Gen Z 212 » bouscule le Maroc

https://www.lepoint.fr/monde/au-mar…

2 octobre 2025 à 09h32

Rabat, Yasmine Tijani

Un homme arrêté à Casablanca pendant une manifestation de la jeunesse pour de meilleures conditions scolaires et sanitaires, le 29 septembre 2025. / Mosa’ab Elshamy/AP/SIPA

Deux manifestants ont été tués par balle à Leqliaa, près d’Agadir, mercredi 1er octobre, lors d’une attaque contre une gendarmerie. Selon les autorités, les forces de l’ordre ont ouvert le feu en état de légitime défense. Au total, en 5 jours de mobilisation, 409 personnes ont été placées en garde à vue, 263 membres des forces de sécurité blessés, ainsi que 23 civils, d’après le ministère de l’Intérieur. 193 personnes suspectes ont été poursuivies à la suite des actes de violence, de destruction et d’incitation qu’ont connus récemment certaines villes, selon la Présidence du Ministère public. Des affrontements sporadiques, des incendies et des destructions matérielles ont émaillé plusieurs rassemblements, notamment à Oujda. Cependant, les autorités ont accordé leur feu vert aux manifestants dans plusieurs villes, notamment à Casablanca, Tanger et Tétouan, où les contestations étaient bien plus pacifiques.

Au départ, le mouvement de contestation mené par le collectif « Gen Z 212 » s’était voulu pacifique. Né sur Discord et relayé par les réseaux sociaux, il a mobilisé une jeunesse connectée et déterminée, descendue dans les rues des principales villes du pays Rabat, Casablanca, Fès, Marrakech, Oujda ou Tanger. Les mots d’ordre – réforme de l’éducation, amélioration des services de santé, lutte contre la corruption – ont fédéré une génération sans leader désigné, mais avec une énergie fulgurante.

Les trois premiers jours ont donné le ton : organisation fluide, coordination discrète, tout en restant pacifiques. Pourtant, dans plusieurs villes, des dizaines d’arrestations ont déjà eu lieu. Le ministère de l’Intérieur assure que les forces de l’ordre ont agi dans un cadre légal, pour préserver la sécurité et l’ordre publics. « Des attroupements non encadrés et à l’origine inconnue ont été enregistrés », a justifié son porte-parole.

Mais dès le 30 septembre, le climat a commencé à basculer, notamment à Oujda, où des heurts ont éclaté entre manifestants et forces de l’ordre. Les autorités évoquent l’usage d’armes blanches, de cocktails Molotov et de jets de pierres, entraînant de nombreux blessés et des destructions.

Face à cette escalade, le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, critiqué pour son silence, a fini par réunir, 72 heures après le début des manifestations, les figures de sa majorité et les ministres directement ciblés par la colère des jeunes : Mohamed Saâd Berrada, à l’Éducation nationale, et Amine Tahraoui, à la Santé. La majorité a adopté un ton conciliant, promettant « une écoute attentive » et se disant ouverte au « dialogue et à la concertation ».

Un mouvement qui rompt avec les schémas traditionnels

« Il y a la température et son ressenti : pour beaucoup de Marocains, le gouvernement ne les écoute pas, même face aux drames, la démocratie ne fonctionne pas bien », analyse Mehdi Alioua, sociologue à Sciences Po Rabat de l’Université internationale de Rabat (UIR). Selon lui, cette partie des Marocains estime que « le gouvernement ne prend pas ses responsabilités, ne répond pas aux colères sociales, ne change pas malgré de graves dysfonctionnements qui coûtent des vies, comme des femmes mortes en couches ». Il décrit un système à deux vitesses : « Les riches ont leurs écoles, universités et hôpitaux privés, alors que la classe moyenne s’appauvrit avec l’inflation, et les soins restent chers, souvent à la charge du patient, mal couverts par les assurances, avec parfois des frais hors forfait. »

Plusieurs crises récentes ont alimenté cette perception. À Agadir, l’hôpital Hassan-II est devenu le symbole d’un système de santé en crise, après une série de décès de femmes lors d’accouchements par césarienne, sans que le ministre de la Santé n’en assume la responsabilité. « Ce silence alimente l’idée d’un pouvoir tourné ailleurs, alors que les corps intermédiaires, universitaires, journalistes, avocats, ONG, partis politiques, syndicats, peinent à jouer leur rôle », nous dit Mehdi Alioua.

Si le Maroc a historiquement connu de grands mouvements de contestation, notamment en 1965, en 1981 ou encore en 2011, ceux-ci s’appuyaient toujours sur des organisations politiques, sociales ou syndicales. Le mouvement actuel, lui, rompt avec ces modèles traditionnels de contestation. « Nous sommes face à quelque chose de totalement différent. La jeunesse rejette toute structure pyramidale ou verticale. Elle incarne une génération qui questionne sans cesse l’autorité, parfois même qui s’y oppose. Une génération qu’il faut convaincre, à qui il faut parler », explique Abdellah Tourabi, journaliste et chroniqueur marocain. Un constat partagé par le journaliste Mehdi Michbal, qui insiste sur le fait que l’émergence de cette contestation n’a rien de véritablement soudain. « Ces dernières années, plusieurs mouvements sociaux ont éclaté, surtout dans les périphéries plutôt que dans les grandes villes comme Rabat ou Casablanca, autour de revendications similaires : santé, éducation, services publics. » En clair, les mouvements de contestation ont toujours existé, qu’il s’agisse des enseignants, des infirmiers, des avocats ou encore des étudiants en médecine. « Leurs slogans restent sociaux et consensuels : il ne s’agit pas de remettre en cause le régime ou la Constitution, mais de dénoncer des politiques publiques jugées défaillantes », ajoute-t-il.

Quand Discord remplace les syndicats et les partis politiques

La question de la durée du mouvement reste cependant ouverte. Peut-il s’inscrire dans le temps et marquer un tournant comparable au 20 février 2011 ou au hirak du Rif en 2016 ? La nature insaisissable des manifestations rend toute projection incertaine. « La mobilisation peut s’arrêter du jour au lendemain, comme elle peut durer des semaines et avoir un impact majeur sur la vie politique et les décisions à venir », affirme Abdellah Tourabi. Dans ce contexte, la comparaison avec le 20 février revient souvent, mais elle semble trompeuse. Le mouvement de 2011 s’inscrivait dans le cadre d’une vague régionale du Printemps arabe et portait des revendications centrées sur la réforme du régime.

À l’inverse, la contestation actuelle de la génération Z met en avant des revendications exclusivement sociales. « Aujourd’hui, cette génération a opté pour une tactique radicalement différente : l’anonymat, l’absence de leader ou de coordinateur, et une volonté manifeste de rester à l’écart de toute récupération politique », confie Mehdi Michbal. Si certains évoquent le scénario d’une main étrangère, notre interlocuteur estime que ces accusations paraissent peu crédibles : « Les revendications sont légitimes et largement partagées, du sommet de l’État au citoyen ordinaire, d’où la solidarité affichée par de nombreuses franges de la société avec ces jeunes manifestants. »

Toutefois, l’efficacité de la stratégie actuelle des autorités reste incertaine : elle pourrait contenir la contestation, mais elle risque tout autant de l’alimenter davantage. « En 2011, par exemple, le discours royal du 9 mars annonçait une nouvelle Constitution, mais cinq jours plus tard, la répression d’une manifestation à Casablanca avait déclenché le plus grand rassemblement des membres du 20 février. La répression peut donc, au contraire, élargir la mobilisation, attirer par solidarité de nouveaux participants, y compris des parents aux côtés de leurs enfants », nous dit Tourabi.

Quant à l’argument juridique invoqué pour justifier les arrestations, les rassemblements n’étant pas autorisés, il apparaît aujourd’hui décalé face à la nouvelle réalité sociale. « Certes, l’argument juridique de l’illégalité des rassemblements a sa légitimité. Mais il ne correspond plus à la nouvelle réalité sociale. Autrefois, les mobilisations partaient des sièges de partis ou de syndicats. Aujourd’hui, elles se décident en ligne avant de descendre dans la rue », affirme Tourabi, qui était chargé de la gestion des relations de la Commission ad hoc du modèle de développement avec les médias. Dans les faits, tenter d’appliquer un cadre légal hérité d’une autre époque à ce type de protestation revient à utiliser des outils anciens pour gérer une dynamique inhabituelle.

La génération Z, révélateur brutal d’un contrat social fissuré

Cette colère exprime un constat brutal : « Dans cette société, on vit en permanence la main au portefeuille, et la classe moyenne n’a plus sa place. On parle de progrès, de droits sociaux, d’écoles et d’universités bâties, mais la qualité n’est pas au rendez-vous. Dans une même ville, des femmes meurent en couches dans un hôpital public tandis qu’une clinique privée voisine fonctionne sans faille. Un étudiant du public, pourtant mieux noté, peut décrocher un emploi moins rémunéré qu’un diplômé du privé », fustige Mehdi Alioua. En effet, le chômage massif, les bas salaires et la précarité pèsent sur leur autonomie, leur logement, leur vie personnelle. « Ce ressenti, nourri depuis des années, trouve aujourd’hui une nouvelle expression. Tout est réuni pour que ce mouvement perdure », estime le sociologue marocain. L’alerte avait d’ailleurs été donnée par le roi lui-même dans son dernier discours à l’occasion de la fête du trône en juillet dernier. En effet, les mots du roi Mohammed VI résonnent avec une acuité particulière : « Il n’y a de place, ni aujourd’hui ni demain, pour un Maroc avançant à deux vitesses. »

En réalité, ce mouvement actuel agit comme un crash test du contrat social marocain, révélant les failles cachées du système. « Nous avons multiplié les discours triomphalistes, autour de l’épopée de la Coupe du monde, en occultant la persistance de profondes failles sociales. Comme si, par une sorte de pensée magique, ces problèmes allaient disparaître d’eux-mêmes », réagit le journaliste Tourabi.

Alors qu’en 1970 ou 1980 les générations interpellaient l’État à distance, brandissant des revendications éminemment politiques, monarchie parlementaire, droits de l’homme, libertés publiques, les mobilisations récentes racontent une tout autre histoire. Du hirak du Rif aux grèves d’enseignants et d’étudiants en médecine, jusqu’aux protestations dans des zones rurales comme Agadir ou Aït Bougmez, la colère vise désormais l’essentiel : un hôpital public et une école de qualité.

Reste à savoir si le gouvernement saura contenir cette contestation, alors que certains observateurs appellent déjà à anticiper les élections prévues en septembre 2026. Cette incertitude fait écho aux mots de Mohammed VI, qui rappelait en 2017 : « À tous ceux qui déçoivent les attentes du peuple, je dis : Assez ! […] Acquittez-vous pleinement des missions qui sont les vôtres, ou bien éclipsez-vous ! »

Manifestations au Maroc : "Pour l’instant, les islamistes gardent le silence mais…"

https://www.lexpress.fr/monde/afriq…

2 octobre 2025 à 13h

Propos recueillis par Charlotte Lalanne

Inédit par son ampleur et le profil des protestataires, le mouvement GenZ 212 révèle le ras-le-bol d’une jeunesse marocaine corsetée et sans avenir, analyse Omar Brousky, journaliste et enseignant en science politique à l’université Hassan-Ier à Settat.

Au cinquième jour de la fronde sociale au Maroc, les manifestations ont tourné au drame ce mercredi 1er octobre 2025 : deux participants ont été tués près d’Agadir, au sud du pays. D’après les autorités, les gendarmes "ont été contraints de faire usage de leurs armes de service, dans le cadre de la légitime défense, pour repousser une attaque et une prise d’assaut menées par des groupes d’individus." Le mouvement "GenZ 212", formé par des jeunes sur les réseaux sociaux après la mort de huit femmes enceintes à l’hôpital en dix jours a pris une ampleur inédite. Le cri de toute une génération, estime Omar Brouksy, journaliste et enseignant en science politique à l’université Hassan- Ier à Settat.

L’Express : Pour la première fois depuis le début des manifestations le 27 septembre 2025, les forces de l’ordre ont abattu deux protestataires. Un tournant ?

Omar Brousky : Il est clair que cet évènement risque d’envenimer la situation. Pour l’instant, nous n’avons que la version officielle de la gendarmerie, qui dit que ces deux personnes ont tenté d’investir par la force leurs locaux pour y récupérer des armes.

Le moment est grave, d’autant plus que ce drame s’est déroulé dans la petite commune de Lqliaâ (près d’Agadir), qui incarne vraiment le "Maroc inutile". Cette expression est du maréchal Lyautey, qui a dirigé la conquête du Maroc, et avait divisé le pays en deux catégories : le Maroc inutile (les régions montagneuses) et le Maroc utile (les régions plus riches comme

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