https://assawra.blogspot.com/2025/1…
14 octobre 2025
Assawra
Le rapport de la FIDH met en lumière la répression des mouvements de solidarité avec la Palestine depuis octobre 2023 en France, en Allemagne, aux États-Unis et au Royaume-Uni. / Jerome Gilles / NurPhoto via AFP
Dans un rapport intitulé « Criminalisation et contrôle du récit : la solidarité avec Palestine en ligne de mire », la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) met en lumière la répression des mouvements de solidarité avec la Palestine depuis octobre 2023 en France, en Allemagne, aux États-Unis et au Royaume-Uni.
La Fédération Internationale pour les Droits Humains (FIDH) met en lumière, dans un rapport fleuve intitulé Criminalisation et contrôle du récit : la solidarité avec la Palestine en ligne de mire, la répression des mouvements de solidarité avec la Palestine en France, en Allemagne, aux États-Unis et au Royaume-Uni depuis octobre 2023.
Depuis deux ans, ces États se sont démarqués par leur volonté d’étouffer toute protestation populaire par la répression et l’interdiction des manifestations, le dévoiement des lois antiterroristes et l’instrumentalisation de la lutte contre l’antisémitisme : voici les conclusions de ce rapport – dévoilé en exclusivité par l’Humanité – qui alerte sur la dérive autoritaire de ces quatre démocraties occidentales.
Interdiction et répression des mouvements de solidarité
En France et en Allemagne, les auteurs du rapport notent une interdiction quasi systématique des manifestations de solidarité avec la Palestine. Dès le 12 octobre 2023, Gérald Darmanin, à l’époque ministre de l’Intérieur, appelait à l’interdiction totale de toutes les actions en soutien à la Palestine, affirmant qu’elles « risquaient d’entraîner des troubles à l’ordre public » et prévenant que toute contestation « conduirait à des arrestations ».
Les manifestants qui ont décidé de braver cet interdit ont été très largement verbalisés, si ce n’est violentés par la police ou arrêtés. De l’autre côté du Rhin, le rapport note une dynamique similaire avec près de la moitié des manifestations interdites par les autorités.
Mais ce que souligne la FIDH, c’est que cette entrave au droit de manifester a été nettement plus forte aux États-Unis et au Royaume-Uni. Outre-Atlantique, plus de 12 000 manifestations ont été enregistrées entre octobre 2023 et juin 2024. Sur la seule année 2023, environ 80 textes de loi visant à réprimer les expressions de solidarité envers la Palestine ont été déposés. Certains États sont allés jusqu’à réactiver de vieilles lois utilisées à l’époque contre le Ku Klux Klan pour interdire aux manifestants de dissimuler leurs visages. Le gouvernement fédéral a, lui, tenté d’élargir la loi Freedom of Access to Clinic Entrances (loi qui protège l’accès aux cliniques d’avortement, NDLR) aux lieux de cultes.
L’objectif : poursuivre des manifestants réunis devant un temple où se déroulait une vente aux enchères de logements confisqués par des colons en Cisjordanie. En Grande Bretagne, le gouvernement de Rishi Sunak a déposé une nouvelle loi anti-manifestation dont l’objectif était de permettre à la police d’intervenir lors de perturbations « plus que mineures » et non plus « graves ». Mesure jugée illégale par les tribunaux britanniques en mai 2024. Le gouvernement travailliste de Keir Starmer a fait appel avant d’être débouté en mai 2025.
Dévoiement des lois antiterroristes
En parallèle de ces entraves au droit de manifester, les auteurs du rapport soulignent une importante criminalisation de ces mouvements de protestation. En France et au Royaume-Uni, la FIDH relève un dévoiement des lois antiterroristes avec, comme trame de fond, l’assimilation de toute expression de solidarité avec la Palestine à un soutien explicite au Hamas. Dans l’hexagone, les enquêtes policières pour délit d’apologie du terrorisme se sont multipliées ; certaines visant même des élus politiques, comme Mathilde Panot, convoquée par la police pour le communiqué de la France insoumise, publié le 7 octobre.
De l’autre côté de la Manche, l’ex-ministre de l’Intérieur Suella Braverman, a adressé une lettre à la police, fin octobre 2023, pour expliquer que le port de certains vêtements et symboles pouvait être interprété comme un soutien au Hamas, classé organisation interdite depuis 2021.
Or, l’article 12 de la loi britannique sur le terrorisme interdit toute expression ou croyance en lien avec un groupe interdit. En juillet 2025, les autorités ont classé l’organisation Palestine Action comme terroriste, permettant ainsi l’arrestation des personnes se rendant à leurs rassemblements.
La lutte contre l’antisémitisme instrumentalisée
Ces quatre pays ne s’alignent pas systématiquement sur les mêmes pratiques de répression, mais ont en commun la même définition de l’antisémitisme : celle de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA). Diffusée depuis le milieu des années 2010, cette définition assimile toutes critiques du sionisme ou de la politique israélienne à de l’antisémitisme.
Si la France est le seul État à ne pas l’avoir textuellement adoptée, elle est tout de même reconnue par le Parlement et la Mairie de Paris depuis 2016. La même année, Theresa May adoptait officiellement la définition de l’IHRA au Royaume-Uni. Aux États-Unis, elle figurait déjà dans un décret de Trump en 2019 et est désormais intégrée dans l’Anti-Semitism Awarness Act adopté par la Chambre des représentants en mai 2024 et désormais en attente de l’approbation du Sénat.
En Allemagne, cette définition a été adoptée en 2017 et s’articule plus largement avec le mouvement politique qui qualifie la sécurité d’Israël de « raison d’État ». Or, la FIDH documente des accusations mensongères de la part des autorités envers des militants, des chercheurs ou bien des artistes. Symbole de cette dérive, lorsque Yuval Abraham et Basel Adra, coréalisateurs du documentaire oscarisé No Other Land, ont appelé à la fin de l’apartheid et à un cessez-le-feu en février 2024 lors de leurs discours à la Berlinale, la scène politique allemande les a qualifiés d’antisémites et a demandé des comptes à l’organisation du festival.
Arthur Dumas
L’Humanité du 13 octobre 25
