N°16) 26 septembre 1999

JOURNAL

 

"Celui qui dit la vérité, il doit être exécuté."

 

N°16,          26 septembre 1999

 


Contestation paysanne et ouvrière

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Comme on a pu le voir ces temps ci : le vent se lève, il faut tenter de vivre.

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          Quand Jospin est passé à la télé, récemment, à Antenne 2 chez Claude Sérillon, il nous a joyeusement dit : "vous avez voté mais ça ne sert à rien. En effet, Michelin annonce 20% de benéfices supplémentaires pour cette année, et 10 % de licenciements pour obtenir 30% de bénéfices de plus l'an prochain. Et bien non, l'état ne peut rien faire! Je ne peux rien pour vous : démerdez vous tout seul". Ça, je le savais, qu'il faudrait qu'on se démerde tout seul. Mais que cela nous soit dit aussi clairement, je ne m'y attendais pas. C'est assez cynique, de la part de Jospin.

          Il est amusant de comparer le gouvernement de la gauche actuelle avec celui du dictateur De Gaulle : sous son dictat, les entreprises étaient nationalisées. Jamais privatisées. Que ce soit EDF, les PTT, la SNCF ou Renault etc..., le prix de la baguette (de pain) ou du litre d'essence étaient le même au centime près dans toute la fRANCE ! Et fixé par l'état. Les mots "Sécurité sociale", "retraite" et "service public" avaient encore un sens. Tandis que la gauche actuelle, et tous ceux et celles qui sont dans ce gouvernement sont responsables (vous noterez que je n'ai pas osé écrire que ce sont des salauds, ce qui ne m'empèche pas de le penser. Si je l'ai pas écrit, que ces ordures sont des salauds, c'est bien parce que ces pourris pourraient bien me faire avoir des ennuis, si je l'écrivais; et ce journal censurerait peut-être mon article. Alors prudence, car de toute façon on peut toujours s'exprimer sans se laisser aller à l'injure grossière. Quoique de temps en temps, une injure grossière, ça soulage, ça fait du bien par où ça passe, et puis ce site a l'air sympa, il ne me censurera peut-être pas, alors laissons-nous aller : tous les membres de ce gouvernements sont des salauds! Et même pire, mais je ne connais pas le mot pour dire ça.) Reprenons, la gauche actuelle, contrairement à De Gaulle, ne nationalise jamais. Si elle pouvait, elle privatiserait tout. Pour faire passer la chose, elle met de la pommade, au lieu d'appeler ça "privatisation des PTT", elle appelle ça "ouverture du capital", ça passe mieux : on se fait enculer quand même, mais ça fait moins mal. Tandis que cette stupide droite, elle veut nous enculer à sec. Mais là, ça fait trop mal, on ne se laisse pas faire, on l'a bien vu en 1995 avec les grandes grèves. Nos maîtres ont eu peur de se retrouver face à un nouveau 68, voire pire à cause des "voyous" de banlieue qui n'ont peur de rien. C'est bien pour ça que les patrons de la fRANCE (c'est-à-dire les patrons) ont donné l'ordre à Chirac de dissoudre "prématurément" la chambre des députés, pour mettre un gouvernement de gauche : non seulement en temps de gauche les syndicats ouvriers peuvent se permettre de dire aux ouvriers de "pas faire grève pour pas géner la gauche qui fait ce qu'elle peut", mais en plus, la gauche sait ce qu'est un lubrifiant. C'est ainsi qu'au lieu de se faire bouffer à la sauce blanche, on va se faire bouffer à la sauce rose-vert-rouge, quoique, si on réagit... Mais bon, concluons notre comparaison :

Comparé à Jospin, De Gaulle semblerait d'extrème gauche!

          Pourtant, si on a fait Mai 68, C'était bien un peu contre De Gaulle. C'était bien un mec de droite. Un dictateur militaire arrivé au pouvoir par le coup d'état militaire du 13 mai 1958 (même si, aujourd'hui, en fac d'histoire, on peut "apprendre" qu'il a été "appelé par le peuple".) Quand on reprochait à De Gaulle d'être un homme de droite, il répondait que ça ne voulait rien dire, qu'il y avait d'un côté les U.S.A. où tout était privatisé à fond, sans sécu, ni retraites dignes de ce nom, que de l'autre, il y avait l'U.R.S.S. où tout était à base de services publics, où la sécu et les retraites étaient assurées; et que la fRANCE était à mi-chemin entre les deux, avec une moitié de services public et une moitié d'entreprises privées. Le malheur des temps m'oblige à faire un rappel :

 

          Une entreprise privée appartient à un patron (ou à plusieurs quand il y a plusieurs actionnaires). Le seul but du patron, contrairement à tout ce qu'il peut essayer de nous faire croire avec tous ses mensonges, c'est de gagner le plus d'argent possible le plus rapidement possible. Tandis que le but d'un service public, c'est de rendre service au public, à commencer par ses employés. Et l'une des façons qu'a le service public de rendre service, c'est de faire un maximum de grèves pour obtenir le plus de choses possibles, notamment des augmentations de salaires, car les avantages acquis dans le service public finissent toujours par arriver (certes après avoir été affaiblis et avec retard) dans les entreprises privées; et quand les employés ont plus de fric, ils peuvent acheter plus de marchandises chez les commerçants, qui en profitent donc eux-aussi : le service public est à la pointe du combat contre la classe exploiteuse, c'est pourquoi il faut tout faire pour prendre sa défense.

          Mais ne croyez surtout pas que je suis Gaulliste. C'est 68 qui m'a fait, pas De Gaulle! De Gaulle était un vieux facho militaire qui, quand il s'est montré "gentil", l'a fait parce qu'il n'avait pas le choix. Par exemple, quand il a créé la sécurité sociale, c'est parce qu'il fallait bien donner quelque chose aux résistants si on voulait qu'ils rendent leurs armes! Pareil pour tout le reste. Ce que ça prouve, c'est que tout est question de rapport de force : quand la population se bat, elle obtient diverses choses, mais plus elle s'écrase et plus le pouvoir l'écrase. Car :

Aux esclaves prêt à tout supporter, les tyrans n'épargnent rien : plus tu t'écraseras, plus ils t'écraseront!

          Ne croyez pas non plus que l'ancien régime de l'URSS soit mon modèle! C'était du capitalisme d'état. C'est tout. C'était moins mal pour les opprimés parce qu'il y avait un seul patron pour les exploiter : Staline. Tandis que chez nous, des patrons, il y en a plein, faut tous les satisfaire, et en plus ils se font de la concurrence, alors... gaspillage etc. De plus chez nous, si un patron exagère et perd la partie, ce n'est qu'un patron parmi tant d'autres, le régime "libéral" n'est même pas égratigné, tandis qu'en URSS, l'unique patron ne peut pas essayer de trop exagérer, car s'il perd, tout le régime peut s'effondrer en même temps que lui. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé avec Tchernobyl et la guerre d'Afghanistan!

          Bon ! j'ai mis dans le titre que j'allais parler aussi des paysans. Alors j'y viens. Eux, ils s'y entendent, pour établir un rapport de force. José Bové et ses amis de la Confédération Paysanne cassent des Macs-Do pour dénoncer qu'on y bouffe de la merde, qu'ils financent la secte de scientologie (dont le soubassement idéologique est nazi) et que le jour où tout le monde bouffera dans les Macs-Do il n'y aura plus de paysans puisque ce qu'on n'osera plus appeler notre nourriture sera produit exclusivement par des industriels de l'agroalimentaire. René Riesel et ses amis de la Confédération Paysanne détruisent des champs expérimentaux de maïs transgénique (l'expérience consiste seulement à regarder si les gens acceptent ça sans rien faire !) parce qu'il n'y a rien de plus dangereux que les manipulations génétiques (le savant anglais Arpad Putsai a prouvé qu'il suffisait à des rats de manger pendant 10 jours des patates transgéniques pour que les rats eux-mêmes voient leur gènes se transformer progressivement). D'autres paysans se déchainent aussi contre les grandes surfaces en volant leur bouffe achetée à l'étranger à bas prix et la redistribuent gratuitement, ou même cassent des grandes surfaces parce que ce sont elles qui imposent leurs prix (très bas, parfois en dessous du prix de revient) aux paysans. Et il est vrai qu'on peut dire aujourd'hui que les paysans sont des employés des grandes surfaces.

          Comme les paysans ont établis un certain rapport de force (certes, pour cela ils ont commis des actes illégaux. Mais s'il fut une époque où c'était courant et où, dans les assemblées générales de grèves, il fallait parfois dire "Et pour vaincre nous utiliseront même les moyens légaux", aujourd'hui, il faut malheureusement en revenir à la base et signaler que la loi est faite par les exploiteurs et pour les exploiteurs exclusivement, que par conséquent s'enfermer dans la légalité nous assurera la défaite ! Puique c'est pour ça qu'elle est faite. On peut toujours reprocher aux paysans et aux "voyous de banlieue" d'être des "casseurs", mais comme leurs actions portent quelques fruits, on peut en conclure qu' il y a d'un côté les "casseurs" et de l'autre ceux qui ne cassent rien.) Comme les paysans ont établi un certain rapport de force, l'état a décidé, ce coup-ci, qu'il pouvait faire quelque chose pour eux en leur accordant une aide financière qu'ils jugeront sûrement insuffisante, mais tout de même, ils ont commencé à gagner un peu. Gageons que ça les encouragera à continuer dans ce sens. Toutefois, il faut remarquer que les paysans étant en fait les employés des grandes surfaces, ce devrait être à elles de les payer correctement, et non à l'état de compléter le maigre salaire qu'elles leur donnent. Mais procéder ainsi présente trois gros avantages : des paysans peuvent se sentir coupables de "faire la mendicité", les clients remboursent avec leurs impots ce qu'ils gagnent à acheter dans les grandes surfaces plutôt qu'ailleurs (et quand un client va ailleurs, c'est par les grandes surfaces qu'il est volé, car de toute façon, ses impots, il les paye), et surtout, les patrons des grandes surfaces n'ont pas à débourser ce que l'état donne aux paysans, car oui, ce que l'état prétend donner aux paysans, c'est en fait aux patrons des grandes surfaces qu'il le donne ! Une seule solution : la nationalisation des grandes surfaces.

           Les ouvriers Michelin et quelques autres se sont mobilisés contre les licenciements d'une entreprise qui par ailleurs augmente ses bénéfices. Du coup, contrairement à ce qu'avait dit Jospin, il va faire quelque chose, l'état va agir en étudiant une loi qui sanctionne les entreprises qui, comme Michelin, licencient alors qu'elles font des bénéfices. Mais faire une loi ça prend du temps, et, si elle passe effectivement, elle ne sera probablement pas rétroactive et ne s'appliquera donc pas à Michelin. On voit que les ouvriers Michelin ont surtout gagné du vent. Normal, leur mobilisation ne fait que commencer et ils sont encore prisonniers de la légalité! Gageons que l'exemple des paysans les poussera à se rendre compte qu'un rapport de force digne de ce nom ne peut s'établir que par la force..

          Oui, je sais, tout le monde dit qu'il faut bannir la violence. Et il est vrai que jusqu'à présent, même les paysans n'ont pas été trop violent, comme ils n'ont tué ni blessé personne lors de leurs actions, on peut dire, comme José Bové, que ce qu'ils ont fait, "c'est de la non-violence active". Et c'est pas si mal, ça permet déjà d'aller très loin. Mais, comme c'est curieux, à la télé on ne cesse de nous hypnotiser de façon à ce que nous nous interdisions la violence. Comme si la bourgeoisie était la seule à avoir le droit d'utiliser la violence. Si nous laissons le monopole de la violence aux exploiteurs, alors, nous, les exploités, on est foutu d'avance. C'est ainsi que j'ai vu la manif contre Michelin se faire interdire un passage par 10 CRS (je les ai comptés). On était 3000 (1), il aurait suffit de pousser un peu ! L'état (c'est-à-dire "les bandes armées du pouvoir" comme disait Karl Marx) s'autorise le droit à la violence contre nous, nous ne devons donc pas nous l'interdire contre lui.

          Les paysans, les ouvriers, mais aussi des lycéens commencent à manifester. Oui, le vent se lève de tous côtés. Il est temps de regarder un peu dans le passé pour savoir que faire, pour savoir dans quels pièges ne pas tomber. Il y a quelques années, les paysans, mécontents de leurs syndicats, qu'ils estimaient alors vendus au pouvoir, avaient fondé une coordination, et ils cherchaient l'union avec tous les exploités qui se mobilisaient. Comme en même temps les infirmières avaient elles aussi fondé une coordination et cherchaient elles aussi l'union qui fait la force, ces deux coordinations travaillèrent souvent ensembles et soutinrent de concert tous les mouvements qui urent lieu en fRANCE à cette époque. Par exemple, il y eut une grève dure Chez Renault (à Cléon). Grève qui dura trois semaines. Au bout de quelques jours, les paysans de la coordination se sont mis a fournir gratuitement aux grévistes suffisamment de nourriture pour qu'ils puissent continuer leur grève sans se soucier de savoir comment ils nourriraient leurs familles. Par contre, la CGT, syndicat stalinien, vendue au pouvoir, a réussi à forcer les ouvriers à reprendre le boulot au bout de 3 semaines de grève alors qu'en A.G. les ouvriers avaient voté la continuation de la grève...

          Vous aurez deviné que je suis pour les coordinations contre les syndicats. Comprenons-nous bien. je sais que la plupart des syndiqués sont des gens très sympatiques, mais ce n'est pas le cas de leurs chefs. Le mieux, pour ne pas être trahi par ses chefs, c'est de ne pas en avoir. D'où ma préférence pour les coordinations. Il ne faut pas oublier que c'est le P.C. et la C.G.T. qui nous ont trahis en 1968. Sans eux, on aurait peut-être définitivement gagné! Il faut savoir qu'historiquement, c'est la royauté Anglaise qui créa le premier syndicat ouvrier dans le but de lutter, à l'époque de Ned Ludd (1830-40) contre les grèves ouvrières sauvages. Il faut savoir qu'en fRANCE, les syndicats sont financés à 85% par l'état : ils sont au service de celui qui les finance! Ce chiffre avait été donné par le "Canard Enchaîné" après les grèves de 1986 (souvenez-vous de Malik Oussékine assassiné le 5 décembre 1986 par des agents de l'état : les Policiers Voltigeurs Motorisés (Ils sont deux sur une moto, l'un conduit et l'autre se sert d'un long bâton très dur. Si vous vous trouvez face à eux, une bonne solution : jetter de l'huile sur leur passage)). Justement, les grèves de 1986 étaient très puissantes. Les étudiants s'étaient, comme dans les années 70, autoorganisés en coordination. Puis quand la SNCF se mit en grève, elle suivi l'efficace exemple étudiant : elle rejeta les syndicats pour fonder une coordination. C'est pourquoi, pour arrêter ce mouvement qui promettait d'être la réincarnation de MAI 68 (en mieux puisque cette fois les ouvriers avaient tendance à rejeter les syndicats pour s'autoorganiser en coordinations) , les services secrets Français posèrent une bombe à l'auto d'Alain pierrefite, ancien ministre de l'information qui, mis au courant, ne toucha pas à cette voiture ce jour là. Il y eut tout de même deux morts, et un discours enflammé de Pasqua accusant le mouvement social d'avoir amené la violence et d'être responsable de l'attentat ! Bien sûr, tout le monde tomba dans le panneau : le mouvement de contestation crut que c'étaient certains de ses membres qui avaient posé la bombe : les étudiants reprirent les cours, et les ouvriers, s'ils continuèrent les grèves, le firent en ordre dispersé. 68 ne se réincarna pas. Dommage. Il faut que tout le monde soit au courant pour que ça ne se reproduise pas. Que pasqua fut coupable d'avoir commandité l'attentat, beaucoup de journaux de l'époque le sous-entendirent fortement, et celui d'Arlette Laguiller le dit presque en clair, mais trop tard. Bien sûr, si les gens avaient pu savoir que c'est l'état qui avait posé cette bombe, ç'aurait été la révolution. Pour éviter que le pouvoir utilise la stratégie du terrorisme d'état, il suffit de la dénoncer correctement. Demandons-nous, maintenant, pourquoi, en 1995, la SNCF n'a pas refait comme en 1986, pourquoi de bout en bout, les syndicats ont pu mener ce mouvement. Tout simplement, la CGT, qui domine largement à la SNCF, a compris la leçon de décembre 86 : Il faut, du moins au début, faire semblant d'être démocratique pour pouvoir récupérer un mouvement ouvrier. C'est pour le récompenser d'avoir su comprendre et appliquer cette méthode que le chef actuel de la CGT est Bernard Thibaud, celui qui dirigeait la CGT-SNCF en décembre 1995. A cette époque, la CGT dut faire semblant d'être beaucoup plus dure que Nicole Notat de la CFDT (qui se fit casser la gueule par ses propres militants dès qu'ils comprirent qu'elle les avait trahi! D'ailleurs, pour récompense de sa trahison, elle devint "chef de la sécu", belle promotion!) Mais la trahison de Bernard Thibaud est aujourd'hui manifeste puisqu'il s'est très nettement rapproché des "positions" de Nicole Notat.

           Donc vive les coordinations, où chaque délégué est instantanément révocable en A.G., où chaque A.G. locale est souveraine puisque le seul but de la coordination est de coordoner les actions quand c'est possible et de faire circuler des informations non maguouillées par le pouvoir ou les syndicats. Vive l'union de tous les contestataires au sein d'une même coordination, quelque soit leurs secteurs d'activité ou d'inactivité. Vive la grève générale illimitée!

          Qu'a-t-on à y gagner? Beaucoup : en 68 , même si on n'a pas réussi la révolution à cause des staliniens, il y eut notamment une augmentation du smig de 33% et les jours de grève furent payés dans les services publics et certaines entreprises.

VIVE  LA  GRÈVE

 

Fait le 26 septembre 1999 par Alain Lombard

 

Note (1) :

A Clermont-Ferrand, quand la CGT veut, elle peut faire sortir 10 000 ouvriers Michelin dans la rue. Sur les 3 000 personnes présentes à la manif, il n'y avait que 700 ouvriers Michelin. Pourquoi?

P.S.) Ce putain de journal osera-t-il passer mon article ou va-t-il me censurer?

 

 

note de la rédaction : les liens n'ont évidemment pas été établis par l'auteur de l'article, mais par la rédaction de ce "putain" de journal.

 

Vive la révolution : http://www.mai68.org
                                    ou : http://www.cs3i.fr/abonnes/do
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