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Inflation, taux d’intérêts, vidéo et transcription intégrale de l’interview de Charles Sannat sur Ecorama !

mercredi 19 avril 2023, par Luniterre

On peut juste se faire plaisir en se gargarisant de verbiage pseudo-marxisant et faire des procès d’intention à tout ce qui ne rentre pas dans la doxa mélencho-trotskyste, ou bien chercher vraiment à comprendre la réalité sociale et économique de notre XXIe siècle, pour tenter de la transformer positivement, à partir des faits concrets, et non de rêveries héritées du siècle passé, et qui, de plus, n’ont mené qu’à des échecs, et bien souvent, tragiques.

Cette interview de Charles Sannat fait un point intéressant et important sur les questions essentielles qui conditionnent actuellement l’évolution de la vie sociale et économique des populations, et particulièrement, en Europe.

Luniterre

http://cieldefrance.eklablog.com/inflation-taux-d-interets-video-et-transcription-integrale-de-l-interv-a214064233

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Transcription :

__La Fed, qui devrait bientôt mettre fin à ses hausses de taux après un dernier relèvement a priori prévu pour début mai. La plupart des grandes banques centrales dans le monde vont lui emboîter le pas, sauf une, la BCE, la Banque centrale européenne… Bonjour Charles…

__Bonjour David, bonjour tout le monde…

__Charles Sannat, fondateur du site « Insolentiae », bonjour, ravi de vous retrouver. La Fed, elle, elle est proche de son pic. On sait qu’une dernière hausse de taux de 25 points de base est a priori dans les tuyaux, probable dans les dans deux semaines. Début Mai on sera dans une fourchette entre 5 et 5,25%. Est-ce qu’on peut dire que la Fed a fait le job ? Et puis après on parle de la BCE.

__Est-ce que la Fed a fait le job ? Pour commencer à écraser l’économie, oui ! Quand on regarde les indicateurs américains on constate que les demandes de chômage, d’allocations chômages, sont plutôt en train de remonter, on constate que le nombre de créations d’emplois a plutôt tendance à commencer à baisser, on constate que l’inflation…, l’inflation, vraiment l’indice des prix à la consommation au sens large, dans sa composante la plus large commence à refluer. En tout cas on est en désinflation et avec le taux, et le taux de hausse des prix est de plus en plus bas, et puis on constate également une baisse des ventes au détail aux États-Unis. Donc je dirais que oui, en ce qui concerne le fait de commencer à casser-castrer, limiter l’activité économique avec les hausses de taux, la Fed a fait son job. En fait c’est pas la Fed qui a fait son job, c’est plutôt la hausse des taux qui fait son ouvrage et donc on sait bien qu’entre le moment où on commence à augmenter les taux et le moment où ça se transmet réellement dans l’économie du quotidien, et bien il se passe, entre, aller, on va dire au sens large, 12 et 24 mois, ou plutôt entre 18 et 24 mois. Donc on commence…, on commence à rentrer dans la zone où les effets des hausses des taux commencent à se matérialiser dans l’économie. On le voit à travers les chiffres sans le moindre doute.

__Voilà, ça c’est pour la Fed. Après, donc, et bientôt arrivée au terme de son de son cycle monétaire, après, il y a des Banques Centrales qui sont déjà en mode pause. C’est le cas dans les grandes Banques Centrales, notamment de la Banque Centrale canadienne, mais il y en a d’autres et puis il y a une exception, et c’est ça le sujet du jour, dont je voulais qu’on parle ensemble : c’est la Banque Centrale Européenne qui reste à l’écart, donc, de cette fin de cycle monétaire. Charles, a juste titre ou pas ? Parce qu’on a en Europe, voilà, une inflation qui est trop forte en Europe et en même temps quand on regarde l’inflation sous-jacente en Europe et aux États-Unis, à peu de choses près, c’est la même chose.

__Oui, alors la BCE, David, a commencé son relèvement de cycle de taux un petit peu plus tard donc je pense que vous avez ce décalage de temps. Alors c’est un décalage de temps qu’on retrouve absolument dans tous les cycles de hausse de taux depuis que la BCE existe, donc on va dire depuis le tout début des années 2000. L’Europe a toujours réagi dans ses augmentations de taux avec un temps de latence par rapport aux augmentations de taux de la Banque centrale américaine. Toujours. Donc, ça c’est une donnée. Il n’y a pour le moment rien de particulièrement inquiétant. Il va y avoir peut-être encore un ou deux relèvements de taux…

__Ou trois…

__Oui, ou trois, possiblement, mais ça nous fera arriver à des taux sans doute un petit peu moins élevés qu’aux États-Unis. Je pense que si on atteint les 4, ou 4,25%, ce sera le bout du monde…

__Je pense qu’on sera un petit peu, …on sera un petit peu en dessous : a priori le marché « price » 3,75%. Alors qu’on est à 5,25 aux États-Unis.

__Je suis assez d’accord avec vous, David, mais disons, allez, dans le pire des cas, à 4 ou 4,25%, et on sera toujours en dessous. Même dans ce cas, « worst case scénario », on serait de toute façon encore en dessous des taux aux États-Unis. Donc, il n’y a rien d’alarmant, rien de très surprenant, à ce que les relèvements de taux se poursuivent après encore quelques mois en Europe. Mais c’est un décalage qu’on a depuis le départ. Après, le plus intéressant si on regarde la grande photo, c’est les Banques Centrales qui atteignent le niveau des taux qu’elles s’étaient assigné comme objectif…, qu’elles s’étaient assigné comme objectif, et bien, ces Banques Centrales, qu’est-ce qu’elles font aujourd’hui, qu’est-ce qu’elles vont faire demain ? Et donc c’est ça la grande question ! C’est est-ce que on va passer d’un mouvement de hausse extrêmement rapide et violent à un mouvement de baisse tout aussi rapide et violent, ou moins rapide et moins violent et beaucoup plus progressif, ou est-ce qu’on va avoir un long palier avec des taux relativement élevés ? C’est ça, c’est à mon sens là la véritable question en terme d’effets macroéconomiques qu’on doit essayer en tant qu’épargnant ou analyste, essayer de cerner : la réponse à cette question là, c’est vraiment la question clé des mois qui viennent !

__Et tant que l’inflation n’est pas revenue dans son lit de 2%, il y a aucune raison que les taux d’intérêts des banques centrales baissent, une fois qu’elles ont atteint leur palier…

__Alors, oui et non, il y a plusieurs il y a plusieurs éléments là-dessus, David, le premier élément c’est que nous sommes dans un monde où beaucoup d’acteurs, d’agents économiques, sont extrêmement endettés, à commencer par les États. Vous avez une nouvelle prévision de Bercy qui fait état de 10 milliards d’euros de plus de coût de la dette alors que la maturité moyenne de notre endettement, enfin, si vous voulez, la part de la dette française qui est impactée tout de suite, là maintenant, par la hausse des taux est très, très faible. C’est pas du tout la totalité du stock, de 3000 milliards de dettes qui étaient à 0,50% en moyenne il y a un an et qui passe à 4% cette année. Donc tout ça, ça évolue doucement avec le temps. C’est l’inertie des portefeuilles de dettes ou de titres obligataires. Et pourtant il y a déjà un surcoût très important.

__Juste, Charles, donc il passe à 3% ou 4%. C’est pas… On est pas encore 4 % sur le 10 ans français, on y est pas encore. On passe à 3, mais vous avez raison…

__Non, bien sûr David, mais imaginons, là je fais un… Vous savez c’était comme l’inflation : on disait l’inflation à 10% on n’y est pas encore, puis finalement, on l’a vu, bon et sur les taux du 10 ans à 4% ça n’a rien de délirant en soi si on regarde l’histoire économique mondiale. Il serait même assez logique qu’il y ait des taux à 4%. Le problème c’est qu’un stock de dette de 3000 milliards d’euros qui coûterait 4% à l’Etat, ça fait 120 milliards… C’est plus de deux fois le budget de l’Éducation nationale, donc c’est…, c’est presque la moitié des revenus du budget de l’État. Donc c’est tout simplement insupportable pour les finances publiques françaises, mais pas que françaises… Vous aurez la même chose aux États-Unis, vous aurez la même chose en Italie, vous aurez la même chose dans beaucoup de pays du monde. Donc on a bien une…, on a plusieurs sujets…, on a le fait de lutter contre l’inflation, de faire retourner l’inflation à son objectif de 2%, de se poser la question de savoir si cet objectif de 2 %, qui était l’objectif assigné dans un monde mondialisé avec des facteurs déflationnistes extrêmement forts liés à la délocalisation, liés au…, bon, bref, à une abondance de ressources, à de l’énergie pas cher… Donc on a eu 20 ans extraordinaires ou un objectif à 2% d’inflation était parfaitement tenable, où ces facteurs venant de globalement s’inverser : raréfaction des ressources, au lieu d’une abondance de ressources, des prix d’énergie élevés alors qu’on avait des prix d’énergie pas cher…

__Vous êtes en train de me vendre un nouvel objectif d’inflation…

__J’ai dit, ça sera un des débats dans les mois qui viennent, qui va surgir, David, ce sera évidemment la… Regardez ce qu’a dit d’ailleurs, je ne fais là… Bon moi je le pense depuis longtemps mais je ne vais… Je vais me reposer sur les propos de Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, qui dit que l’inflation est en train un peu de s’enkyster. Elle est en train de s’installer, de persister, et donc la question est peut-on imaginer réellement que les dix années que nous allons vivre, nous allons les vivre dans un monde d’inflation faible, ou est-ce que nous allons les vivre dans un monde d’inflation haute…, haute, en tout cas et encore, quand je dis plus haute je parle pas forcément de 10% d’inflation. Ça c’est des pics d’inflation mais si vous avez une inflation à 3, 4, 5%, vous êtes largement au-dessus de l’objectif de 2%, pour autant vous n’êtes pas du tout dans un schéma hyper-inflationniste dramatique.

__D’ailleurs, justement, Charles, c’est intéressant, ce que… Voilà, bon, alors, c’est un faucon, mais le président de la Banque centrale néerlandaise nous a dit : « on ne combat pas une inflation proche de 6% qui est l’inflation en zone euro avec des taux à 3% »… On se dit qu’il a la raison, quand même dans le fond…

__Oui, il a raison, mais le problème c’est que vous voyez bien que là on a…, c’est la…, ça va être la quadrature du cercle pour les Banques Centrales, et notamment pour la BCE, quand vous avez d’un côté des pays qui sont extrêmement endettés et qui ne peuvent pas supporter des taux élevés durablement et quand je parle de taux élevés, je parle de taux à 4%… C’est déjà très compliqué pour les finances de l’État français… Si les taux devaient rester à 4% ne serait-ce que pendant 10 ans on aurait quand même un très, très gros problème en termes de notre budget… En termes de budget, mais vous imaginez si on suit le raisonnement du gouverneur de la Banque des Pays-Bas ça veut dire que pour combattre effectivement une inflation à 6% basiquement il faudrait des taux au moins à 6% pour qu’ils soient en taux réel à zéro…

__Oui, mais la Fed est à plus de 5…

__Oui, mais même à 5%… Je vous renvoie aux 3000 milliards d’euros de dettes pour l’État français, 5%, 150 milliards d’euros à terme, dans le poids du budget, rien que pour les intérêts de la dette si nous restions comme ça de manière durable encore une fois c’est pas pendant 6 mois c’est pendant 10 ans que ça… que ça jouerait à plein ! Vous voyez bien qu’on est dans la quadrature du cercle : d’un côté pour combattre une inflation qui serait durablement élevée il faudrait des taux durablement élevés, mais le problème c’est que l’endettement des acteurs financiers… Mais il y a… Je vous parle des États, mais il n’y a pas que les États… Vous avez aussi plein de grandes entreprises, vous avez les ménages, vous avez, bon, bref, il y a tout le système financier aujourd’hui, qui est basé sur l’endettement ! Et bien vous vous retrouvez avec tous ceux qui sont chargés en dettes et qui sont chargés en dettes à taux variables, qui vont sauter… Donc, c’est très compliqué de lutter contre une inflation qu’avec l’arme des taux tout en sachant que vous avez aussi un état de surendettement des acteurs économiques que vous ne pouvez pas négliger. Donc c’est très, très compliqué aujourd’hui et c’est une espèce de ligne de crête extrêmement complexe et le pari des banques centrales il est assez simple : elles ont remonté les taux très rapidement et très violemment en espérant casser l’inflation naissante sans avoir à maintenir ces taux très élevés très durablement.

__Voilà, oui, c’est…

__C’était un choc de hausse de taux pour lutter contre un choc d’inflation…

__Exactement, et c’est pour ça d’ailleurs que les marchés anticipent possiblement aux États-Unis des baisses de taux sur la seconde partie de l’année. Christine Lagarde, qui est en Europe…, et on finit là-dessus… C’est la BCE qui a fermé le débat sur des possibles baisse de taux. Question prématurée évidemment pour la BCE qui aura toujours ce décalage dans le temps, et qui sera la dernière, elle, à baisser, là aussi éventuellement en 2024 et pas avant ?

__Oui, mais même pour une baisse des taux aux États-Unis pour le moment, moi je regarde un indicateur dont peu de personnes parlent et qui pourtant, à mon sens, c’est le plus important…

__Oui, lequel ?

__Je vous ai dit tout à l’heure aux États-Unis qu’il y avait plein d’indicateurs qui montrent quand même qu’on avait plutôt réussi à casser l’inflation mais il y en a un qui est fondamental et qui lui est extrêmement mal orienté c’est la vélocité de la monnaie… La rapidité de la monnaie…

__C’est à dire… ?

__La rapidité de la monnaie, la rapidité avec laquelle chaque quantité de monnaie circule.En clair je vous donne un billet de 20 euros et ce billet de 20 euros, David, vous allez le donner à quelqu’un d’autre, et donc plus vous le donnez rapidement et plus y s’échange rapidement et vous voyez qu’avec une même quantité de monnaie, avec un même billet de 20 euros, on va faire plein de transactions économiques…

__Comment vous avez les statistiques là-dessus ?

__Alors vous allez sur le site de la Réserve fédérale, vous tapez monnaie, « money velocity », sur votre moteur de recherche préféré : « Réserve fédérale », et bien pour la première fois depuis 15 ans la vélocité de la monnaie augmente de manière extrêmement rapide… Je pense que c’est l’un des indicateurs…

__Et qui veut dire quoi ?

__L’équation de Fisher… L’inflation, c’est MV = PQ, c’est à dire la quantité de monnaie fois sa vitesse, et donc ça veut dire que les consommateurs utilisent de plus en plus rapidement…, de plus en plus rapidement leur monnaie…

__Et donc, c’est pas bon pour l’inflation, ça…

__Et ben, non ! C’est pas bon pour l’inflation, ça accélère évidemment l’inflation… Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que vous avez de la part des agents économiques rationnels que vous êtes, que je suis et que tous ceux qui nous écoutent sont, et bien vous vous dites : « je préfère acheter tout de suite maintenant quelque chose », en clair, « je préfère acheter ma boîte de conserve que je vais manger la semaine dernière, euh ! …la semaine prochaine, le mois prochain, plutôt maintenant, parce que je sais qu’elle va augmenter de prix », et donc en fait la vélocité de la monnaie, c’est ça qu’elle mesure. Elle mesure la véritable anticipation inflationniste des vrais agents économiques dans la vraie vie… Et quand les gens commencent à dépenser leur argent très rapidement, ça veut dire qu’ils n’ont plus confiance dans la conservation de valeur de leur monnaie, et donc il s’en débarrassent au profit d’actifs tangibles. Donc quand la vélocité de la monnaie augmente on a un indicateur avancé et très inquiétant de l’inflation…

__Et ça ne plaide pas pour des baisses de taux au second semestre aux États-Unis…

__ Ça ne plaide pas pour des baisses de taux, mais pour un maintien à niveau jusqu’à ce que cet indicateur, que je conseille à tous nos auditeurs de surveiller, commence à baisser, à stagner et à baisser, et à partir de là vous aurez un signal de départ pour la baisse des taux d’intérêts des banques centrales !

__Allez ! Point de vue, explication, décryptage signés Charles Sannat, fondateur du site Insolentiae ! Merci, Charles ! Salut…

__Merci, David, merci à tous !

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Pour aller plus loin sur la question de l’économie banco-centralisée :

Dette, Capital : ce que disent véritablement les chiffres…

http://cieldefrance.eklablog.com/dette-capital-ce-que-disent-veritablement-les-chiffres-a214044897

Avec de nombreux liens sur le sujet, à la suite !

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