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Un cocktail mortel derrière la catastrophe de Gênes

mercredi 15 août 2018, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 15 août 2018).

letemps.ch, 15 août 2018 ; L’effondrement du pont autoroutier de Gênes, c’est la chronique d’une catastrophe annoncée. Il y a deux ans, un ingénieur italien avait dénoncé les défauts de cet ouvrage trop audacieux, trop mince, à la conception obsolète.

Diagnostic en partie confirmé par l’expert de l’EPFL Eugen Brühwiler. Selon lui, les concepteurs du pont dans les années 1960 ont sous-estimé les effets de la corrosion du béton par le sel.

Il y a toujours eu beaucoup d’interventions de protection et de réhabilitation, et en ce moment même, il y avait des travaux de renforcement de la structure visant à pallier la corrosion de l’armature du béton, et cela faisait une charge en plus sur la structure.

Ensuite, le pont est resté ouvert pendant ces travaux, le trafic a continué car il s’agit d’une voie de circulation très importante, mais les ouvrages d’art sont comme une personne, quand on leur ouvre le ventre c’est délicat…

Enfin il y a eu un orage avec probablement du vent fort, et on sait que les grandes constructions sont plus sollicitées par le vent – c’était le truc en trop.

Note de do : En bref, ce serait trop facile d’accuser la MAFIA !


15 août 2018

Sylvain Besson
Rédacteur en chef adjoint de letemps.ch

Chère lectrice, cher lecteur,

L’effondrement du pont autoroutier de Gênes, c’est la chronique d’une catastrophe annoncée. Il y a deux ans, un ingénieur italien avait dénoncé les défauts de cet ouvrage trop audacieux, trop mince, à la conception obsolète.

Diagnostic en partie confirmé par l’expert de l’EPFL Eugen Brühwiler. Selon lui, les concepteurs du pont dans les années 1960 ont sous-estimé les effets de la corrosion du béton par le sel. L’ouvrage aurait dû être remplacé, le débat à ce sujet durait depuis dix ans, mais les habitants s’y sont opposés. Résultat : des travaux d’entretien interminables, qui, conjugués au vent, ont fragilisé l’ouvrage vieillissant.


Un cocktail mortel derrière la catastrophe de Gênes

https://www.letemps.ch/monde/un-coc…

Antonino Galofaro, Rome
Publié mardi 14 août 2018 à 21:04
Modifié mercredi 15 août 2018 à 10:34

38 personnes, selon le dernier bilan, ont perdu la vie dans l’effondrement d’un viaduc mardi à Gênes, dans le nord du pays. Le pont construit il y a plus de cinquante ans était au centre de nombreuses critiques

Des taches noires, jaunes ou orange perdues au milieu de gigantesques plaques de béton s’agitent sous une pluie torrentielle. Vues du ciel, les images sont aussi spectaculaires qu’effroyables. De près, les secours évoquent un véritable « enfer » : des voitures détruites, écrasées sous les débris, des camions retournés sur le côté, quand ils ne sont pas pris dans les eaux du fleuve Polcevera, ou encore ces faisceaux de lumière des phares de voiture sortant de l’obscurité des décombres. Pour le millier de sauveteurs, il s’agit de trouver au plus vite les possibles survivants. On est alors en début d’après-midi, aucun mort n’est encore confirmé, mais il semble inévitable que l’effondrement ait emporté des vies.

Aux alentours de midi, les témoins non loin du viaduc autoroutier du Polcevera entendent le vrombissement d’un coup de tonnerre. Ce pont sur l’A10, central pour Gênes car au cœur d’un nœud routier permettant de relier le proche port commercial, mais aussi la France et sa Côte d’Azur à l’ouest, Milan et la riche Lombardie à l’est, est en train de s’écrouler. Des dizaines de véhicules chutent de plusieurs dizaines de mètres. Une trentaine de voitures et trois poids lourds au moins sont emportés. Une vidéo amateur montre une camionnette miraculée, à l’arrêt au bord du précipice.

Risque d’écroulement pour la partie restante

En contrebas, des routes, une voie ferrée, mais surtout des habitations. Deux personnes sont blessées lorsqu’un morceau de viaduc percute leur immeuble. Un incendie s’allume dans un autre édifice, asphyxiant une femme de 75 ans. Tous les bâtiments sont évacués. En fin de journée mardi, le risque que d’autres parties du viaduc s’écroulent était encore élevé.

L’ouvrage construit en 1967 et long de 1182 mètres, reposant sur trois piles de béton de 90 mètres de haut, est éventré sur 80 mètres. Cet effondrement est « pour nous quelque chose d’inattendu et d’imprévu par rapport à l’activité de contrôle faite sur le pont, affirme dans les médias italiens Stefano Marigliani, un responsable d’Autostrade per l’Italia, société gérant certains tronçons autoroutiers de la péninsule. Il n’y avait absolument aucun élément qui permettait de considérer ce pont comme dangereux. » Ce responsable pour les autoroutes génoises ajoute que des « interventions d’entretien ont été effectuées sur divers fronts », en particulier des opérations de consolidation de la dalle du pont et sur les barrières de sécurité. Ces dernières étaient sur le point d’être achevées.

Matière problématique

Si cette « œuvre » était pour Autostrade per l’Italia « sujette d’attentions et de soins constants », le viaduc était au centre de critiques depuis de nombreuses années. Les raisons du drame sont encore inconnues. Mardi, une seule explication revenait : la défaillance structurelle de l’un des piliers. Ce pont, trop rigide, est une « erreur d’ingénierie », lâche ainsi l’ingénieur Antonio Brencich, professeur à l’Université de Gênes.

Le viaduc présente « divers aspects problématiques, outre l’augmentation des coûts de construction prévus », écrit-il dans un article publié en juillet 2016 sur Ingegneri.info. « J’ai dit, et les faits me donnent malheureusement raison, que ce type de pont est mal conçu et mal calculé et présente des problèmes évidents de vulnérabilité, a-t-il répété mardi lors d’une interview au site d’information en ligne L’Inkiesta. Après tout, s’il n’y en a que trois dans le monde, c’est qu’il y a bien une raison. »

Le problème c’est la matière choisie par l’ingénieur Riccardo Morandi, à l’origine de ce « pont de Brooklyn », surnom reçu pour sa vague ressemblance avec son grand frère new-yorkais. « Les tirants ont été construits en béton, et non en métal, explique à l’agence de presse Ansa l’architecte génois Diego Zoppi. Il y a cinquante ans, il y avait une confiance illimitée dans ce matériau, on ne prenait pas en compte le fait que le béton se dégrade puis s’effondre. Le ciment travaille en compression lorsque, pour la traction, il faut utiliser le métal. » Riccardo Morandi n’a alors pas pris en considération les vibrations du trafic et les microfissures qui en auraient découlé sur les tirants.

« Il n’est pas possible de mourir ainsi en 2018 »

L’Italie est habituée aux routes et aux ponts croulants, même si c’est dans d’autres proportions. Les secours n’ont pas encore terminé de travailler que les polémiques sur la vétusté du réseau routier italien a déjà commencé. Matteo Salvini, ministre de l’Intérieur et chef de la Ligue, à l’extrême droite, a évoqué mardi les investissements dont les infrastructures italiennes ont besoin. Mais avant de développer la partie financière et urbaine, il compte trouver le nom des responsables de ce drame, « car ils doivent payer ». « Il n’est pas possible de mourir ainsi en 2018 », a encore affirmé le vice-président du Conseil.

La même incompréhension s’entend dans la voix tremblante de Currado Cusano. A quelques secondes près, sa vie est sauve. Derrière lui, à l’arrêt dans sa voiture sur le viaduc, il voit des véhicules disparaître dans le vide. « Il s’agit du pont principal de Gênes, je le parcourais tous les jours, raconte-t-il en direct à RAI News, la télévision publique italienne. Je n’arrive pas à m’expliquer comment un morceau si important de la ville a pu s’effondrer. »


Catastrophe de Gênes : « Il y a eu une accumulation de causes »

https://www.letemps.ch/monde/catast…

Catherine Frammery
Publié mardi 14 août 2018 à 18:57
Modifié mardi 14 août 2018 à 21:14

Premières pistes d’explications avec le professeur Eugen Brühwiler, un spécialiste des ponts à l’EPFL, après la catastrophe du pont autoroutier de Gênes qui a fait au moins 35 morts ce mardi

Eugen Brühwiler est ingénieur structure, professeur de maintenance et sécurité des ouvrages d’art à l’EPFL. Fatigue des matériaux, usure des structures, réparation et consolidation : il intervient régulièrement comme expert sur les infrastructures autoroutières en Suisse.

Le Temps : Peut-on déjà se faire une idée des causes de l’accident ?

Eugen Brühwiler : Il va y avoir plusieurs expertises, sur plusieurs parties du viaduc, qui vont durer des mois. Aujourd’hui on ne peut que spéculer, mais il y a probablement eu une accumulation de causes. La durabilité du viaduc du Polcevera a toujours suscité beaucoup de questions, il y a toujours eu beaucoup d’interventions de protection et de réhabilitation, et en ce moment même, il y avait des travaux de renforcement de la structure visant à pallier la corrosion de l’armature du béton, et cela faisait une charge en plus sur la structure.

Ensuite, le pont est resté ouvert pendant ces travaux, le trafic a continué car il s’agit d’une voie de circulation très importante, mais les ouvrages d’art sont comme une personne, quand on leur ouvre le ventre c’est délicat… Enfin il y a eu un orage avec probablement du vent fort, et on sait que les grandes constructions sont plus sollicitées par le vent – c’était le truc en trop.

Vous évoquez des critiques anciennes contre le pont, cela signifie-t-il que les autres ouvrages de Riccardo Morandi devraient d’urgence être expertisés ?

Le nom de Morandi est très connu, et son viaduc de Gênes était extraordinaire. Ses ouvrages doivent être examinés pour maintenance, mais pas plus que les autres. Les opérations de surveillance des « détails constructifs » doivent être régulières ! D’après les images que j’ai vues, une piste pourrait être l’état des joints de dilatation, des ouvertures dans les dalles, qui doivent s’étirer en cas de fortes températures et se rétracter quand il fait plus froid.

Ils sont très sensibles au sel de déverglaçage, dont on ne savait pas dans les années 1960 qu’il pénétrait le béton et allait accélérer la corrosion en profondeur de l’acier des joints de dilatation. Dans la première phase on ne voit rien, le sel pénètre avec l’eau dans le béton, et quand ensuite il y a des éclats, cela signifie que le processus est déjà bien entamé. Si les joints lâchent, le pont descend. Ce sont ces joints qu’on a renforcés ou remplacés sur le viaduc de Chillon en 2014 et 2015.

La Suisse dispose de nombreux viaducs construits à la même période que le pont de Gênes (1963-1967), faut-il s’inquiéter de leur sécurité ?

Le béton armé précontraint constitue des structures très durables, très solides, dont on a besoin, on n’aurait pas les moyens de tout changer. La surveillance des détails constructifs sur les ponts suisses se fait tous les cinq ans, et la maintenance est très régulière. Les décideurs suisses sont très conscients que cela revient moins cher d’entretenir nos structures régulièrement, ils sont relativement raisonnables pour accorder les budgets nécessaires, et nous intervenons au moment opportun, la planification est solide.

A Gênes il y a eu un projet de remplacement du viaduc mais cela a traîné, les décisions n’ont pas été prises, et pendant ce temps les dommages continuaient, comme un cancer. La maintenance n’est pas qu’une question de budget, c’est aussi une question d’organisation.

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2 Messages de forum

  • Un cocktail mortel derrière la catastrophe de Gênes 15 août 2018 16:04, par Matteo Salvini

    Matteo Salvini, qui se trouvait en Sicile, a évoqué « une trentaine de morts confirmés et beaucoup de blessés graves », promettant que les responsables allaient « payer, payer tout et payer cher ».

    « Ce pont, je suis passé dessus des centaines de fois, mais désormais je ferai tout pour avoir les noms des responsables passés et présents. Il est inacceptable de mourir comme ça en Italie », a martelé Matteo Salvini lors d’un point presse à Catane, en Sicile.

    Le ministre eurosceptique a aussi évoqué les investissements nécessaires pour faire face à la vétusté générale de nombreuses infrastructures italiennes.

    « Il y a une bonne partie de l’Italie qui doit être mise en sécurité. S’il y a des engagements extérieurs qui nous empêchent de dépenser l’argent que nous devrons mettre pour la sécurité des écoles et des autoroutes, il faudra se poser la question de continuer à respecter ces engagements ou de mettre la sécurité des Italiens avant tout. De toute évidence, je choisis la deuxième option. »

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  • Le Mouvement 5 étoiles a conquis le pouvoir sur un discours anti-grands travaux. Et il s’est opposé au projet qui aurait permis de contourner le viaduc !

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