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Coronavirus - Les vieux qui ont la chance de vivre en Suisse

vendredi 24 avril 2020, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 24 avril 2020).

Yan Pauchard, 24 avril 2020 :

Depuis une vingtaine d’années, pour différentes raisons, économiques notamment, les cantons romands ont mené une politique volontariste afin de maintenir les personnes âgées le plus longtemps possible à la maison et de raccourcir au maximum la durée des placements en institution.

Ce fort réseau de soins à domicile (à Genève, par exemple, une personne âgée de plus de 90 ans sur deux en est bénéficiaire) a été la première digue qui a freiné la pandémie de coronavirus et a certainement empêché une crise plus aiguë. Dépistage du Covid-19, prise en charge de malades à la maison, suivi de convalescence… l’engagement rapide de ces organisations a permis de soulager un système hospitalier sous pression, tout en maintenant un précieux lien social avec une population vulnérable et isolée en période de confinement.

Cette crise pourrait dans le futur renforcer cette politique de maintien à domicile, soutenue par les nouvelles technologies qui permettent des quasi-hospitalisations à la maison. Et ainsi modifier durablement la manière dont nous vivrons nos dernières années de vie.

Les soins à domicile : premier rempart à la pandémie

https://www.letemps.ch/suisse/soins…

Publié jeudi 23 avril 2020 à 17:07
Modifié jeudi 23 avril 2020 à 17:08

Yan Pauchard

Soins à domiciles à Genève, le 20 avril 2020 — Salvatore Di Nolfi/Keystone

En permettant notamment de soulager les hôpitaux et en maintenant le lien avec les personnes vulnérables isolées, le système de soins à domicile a été l’un des maillons forts dans la maîtrise du coronavirus. Un rôle qui va se renforcer dans la sortie de la crise

Ce ne sont pas les plus visibles, ni les plus médiatisés. Pourtant, face au coronavirus, les 40 000 soignants et accompagnants œuvrant en Suisse dans les organisations de soins à domicile ont certainement empêché une crise plus grave. « J’en suis intuitivement convaincu, relève Tristan Gratier, président de l’Association vaudoise d’aide et de soins à domicile (Avasad). Même s’il faut rester humble et qu’il est encore tôt pour dresser des bilans, il est certain que nous avons permis une prise en charge en amont des malades, et des hospitalisations au bon moment. »

En première ligne du dépistage

Les activités de soins à domicile ont surtout participé à soulager un système hospitalier mis sous pression, « un apport déterminant » aux yeux du conseiller d’Etat neuchâtelois Laurent Kurth, chargé du Département de la santé. Dans son canton, c’est en effet le Nomad (pour « Neuchâtel organise le maintien à domicile ») qui a géré les sept – aujourd’hui cinq – centres de tri procédant aux tests de dépistage des personnes présentant des symptômes. Autre exemple en Suisse romande : l’Institution publique genevoise de maintien à domicile (Imad) a pris en charge 146 patients atteints du Covid-19, chez eux, dont aujourd’hui 68 sont guéris.

A l’étranger, les effets semblent similaires. Dans un récent article du Monde, le journaliste et écrivain italien Roberto Saviano écrivait que l’une des raisons qui expliquaient que la Vénétie (moins de 1000 décès) s’en soit mieux sortie que sa voisine, la Lombardie et ses 10 000 morts, réside dans le fait que la région avait réussi à limiter les hospitalisations en privilégiant les soins à domicile.

Plan de crise déjà prêt

En Suisse, un élément explique, selon Tristan Gratier, que les organisations œuvrant dans le maintien à domicile ont été rapidement efficaces : « Les malades que ce virus touche le plus violemment sont les personnes âgées. Celles-ci étaient souvent déjà dans le radar de nos services. Le contact était fait. » Du côté de Genève, Marie Da Roxa, directrice générale d’Imad, fait le même constat. « Dans notre canton, une personne sur deux âgée de plus de 90 ans et une personne sur trois âgée de plus de 80 ans sont suivies par Imad », précise-t-elle, ajoutant qu’un plan de continuité en cas de crise sanitaire ou climatique avait été établi avant cette pandémie. « Nous avons entre autres adapté le plan canicule que nous avions élaboré avec les communes, relève la responsable. Nous étions prêts, ce qui nous a permis d’affronter la crise avec une certaine sérénité. »

Si certains cantons ont appliqué des plans préexistants, d’autres ont innové lors de cette crise. Notamment Vaud qui, sous la direction de l’Avasad, a créé la Centrale des solidarités. Pouvant s’appuyer sur un imposant réseau de 800 bénévoles, la structure regroupe l’ensemble des acteurs du monde médicosocial : Croix-Rouge, Pro Infirmis, Pro Senectute, Bénévolat-Vaud, Caritas et Pro-XY (fondation suisse des proches aidants).

Pour le Fribourgeois Carl-Alex Ridoré, préfet de la Sarine et membre de l’Organe cantonal de conduite, c’est l’ensemble de ce réseau de terrain qui a contribué à maîtriser la crise : « Il y a bien évidemment les soins à domicile et les différentes associations, mais aussi les communes, qui ont assuré le contact avec leur population vulnérable, ainsi que les nombreuses actions de solidarité villageoise qui se sont mises en place, à l’image de la mobilisation des sociétés de jeunesse. »

Mais tout n’a cependant pas été simple. « Au début de la pandémie, il y a eu beaucoup d’inquiétudes », témoigne Gabriele Balestra, vice-président de l’association faîtière Aide et soin à domicile Suisse. « De nombreux bénéficiaires ont commencé par refuser nos services, de peur que nos collaborateurs leur transmettent le virus. C’étaient des craintes légitimes, il ne fallait pas que nous devenions nous-même le vecteur, poursuit le Tessinois. Mais nos protocoles sont stricts. Ainsi, dans mon canton, pourtant le plus touché, moins de 5% de nos employés sont tombés malades. » Pour lui, il était indispensable de maintenir le lien : « Beaucoup de personnes âgées vivent seules. L’infirmière à domicile est parfois l’unique autre personne qui rentre dans la maison. Cette visite est primordiale. »

Hospitalisation à domicile

A travers cette crise du coronavirus, Gabriele Balestra espère que les politiciens auront mieux compris le rôle des soins à domicile « En vingt ans, nous nous sommes développés. Il ne s’agit plus d’un simple soutien à la maison. Nous sommes aujourd’hui capables, pour les plus grandes organisations, de gérer une hospitalisation à domicile, y compris dans les soins palliatifs. Ces traitements en ambulatoire seront essentiels à l’avenir. »

Le conseiller d’Etat Laurent Kurth en est persuadé. Pour lui, la politique volontariste menée depuis des années pour le maintien des personnes âgées à domicile a démontré ses bénéfices lors de cette crise : « Face à une telle épidémie, les EMS se sont révélés des foyers à risque. Garder les gens chez eux, avec des soins appropriés, permet de ne pas les exposer. »

Reste que les soins à domicile vont demeurer centraux dans la période de sortie de crise, notamment au travers du suivi des personnes qui ont survécu au Covid-19. Dans ce but, à Genève, Imad a lancé lundi un programme de prise en charge domiciliaire à la sortie des HUG appelé Covimad. « Même guéris, les malades auront des séquelles, comme de l’asthénie [affaiblissement de l’organisme] ou des problèmes de dénutrition », explique Marie Da Roxa.

Mais le coronavirus n’est pas la seule inquiétude des professionnels. « Durant l’épidémie, les gens ont beaucoup moins consulté les médecins, note Tristan Gratier, ce qui laisse craindre une future explosion d’autres maladies, ainsi que des pathologies liées au confinement comme des décompensations. Nous devrons jouer à plein notre rôle de veille sanitaire. »


Tristan Gratier : « Isoler complètement les personnes âgées pourrait avoir des répercussions dramatiques »

https://www.letemps.ch/suisse/trist…

Publié jeudi 12 mars 2020 à 15:19
Modifié jeudi 12 mars 2020 à 15:40

Yan Pauchard

Tristan Gratier, directeur de Pro Senectute Vaud. DR

Partie de cartes entre seniors — Keystone

Touchant durement les personnes âgées, l’épidémie de Covid-19 met comme jamais sous pression les organismes œuvrant en faveur des aînés. Le point avec le directeur de Pro Senectute Vaud, Tristan Gratier, également président de l’Association vaudoise d’aide et de soins à domicile et ancien président de l’association faîtière suisse des EMS (2008-2014).

Le Temps : De nombreuses mesures sont prises pour protéger les personnes âgées, particulièrement vulnérables. Comment gérez-vous cette situation inédite ?

Tristan Gratier : Inédite, pas tout à fait. Nous avons beaucoup appris des épidémies récentes, comme le H1N1 en 2009. Cette expérience nous permet aujourd’hui d’être mieux organisés. Je trouve ainsi exemplaire la communication de la Confédération et comment le conseiller fédéral Alain Berset a pris les choses en main. Dans une crise pareille, il y a besoin d’un capitaine à la barre, qui informe et prenne les décisions. Je suis foncièrement libéral, mais, à un moment donné, il faut des directives imposées. C’est important et efficace : les personnes âgées sont très respectueuses des indications que leur donnent les autorités.

Et vous-même, à Pro Senectute, quelles mesures avez-vous prises ?

Certaines sections cantonales de Pro Senectute, à Bâle ou en Valais, ont annulé toutes leurs activités. Dans le canton de Vaud, après nous être informés auprès des services du médecin cantonal, nous avons maintenu le sport (aquagym, taï-chi…), ainsi que les conférences et le cinéma. Nous faisons néanmoins en sorte d’espacer les participants et leur rappelons les prescriptions d’usage. Nous invitons également les personnes souffrant de maladies chroniques d’éviter ces rassemblements. Nous avons par contre supprimé les thés dansants, vu les contacts physiques que cela implique, et les rencontres intergénérationnelles. Mais cela vaut pour aujourd’hui, demain tout peut changer. Nous suivons l’actualité presque heure par heure. Et nous nous adapterons.

Ce n’est pas un peu contradictoire ? Vous devez maintenir un lien social pour les aînés tout en essayant de les isoler pour éviter toute contamination.

La difficulté dans une telle situation est de trouver le juste milieu, sans minimiser, ni trop en faire. Si vous isolez complètement les personnes âgées, les stressez, cela pourrait avoir des répercussions dramatiques, en augmentant d’autres pathologies, comme de l’anxiété, des décompensations. Les études le prouvent : les contacts sociaux sont essentiels pour la santé des aînés, autant que les médicaments. A ce stade, Pro Senectute Vaud n’appelle ainsi pas à annuler les repas de famille. La question est aussi délicate pour les EMS. Il y a par exemple dans ces établissements des gens en fin de vie, c’est particulièrement dur d’interdire à leur famille de venir les voir.

Mais il faut aussi protéger l’ensemble des pensionnaires…

Bien sûr. Et il ne faut pas oublier le rôle du personnel soignant. Il est primordial. En cas de retour d’une zone à risque ou d’un début de symptôme, il est impératif de ne pas venir travailler. En première ligne, les employés en soins à domicile ont également été sensibilisés à détecter d’éventuels cas et à les communiquer à un médecin. Ce triage fin permet de traiter un cas sans qu’il ait besoin de quitter sa maison, pour autant qu’il n’y ait pas de complications. L’ensemble du système de santé travaille conjointement.

Peut-on déjà tirer quelques leçons de ce début de crise ?

De mon point de vue, j’appellerais les autorités à ne pas oublier les intervenants du domaine social, comme Pro Senectute, Caritas, la Croix-Rouge. Nous aurions pu être intégrés plus rapidement. Nous avons un lien direct avec la population la plus à risque, c’est-à-dire âgée de plus de 65 ans, et surtout active et mobile, donc davantage susceptible d’être contaminée par le virus, plus que les résidents d’EMS, qui sortent beaucoup moins. Nous avons un rôle essentiel d’information.

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