Bonjour, camarades !
Dans cette intéressante vidéo consacrée à la fille de Bastien-Thiry et à l’attentat du Petit-Clamart, un membre du commando, le hongrois Lajos Marton, affirme que De Gaulle était un allié du communisme et de l’URSS.
https://youtu.be/zLc9KeccnL8
Lajos Marton, surtout à partir de 19:30
Lajos Marton précise même que c’était sa motivation personnelle pour participer à ce commando et essayer d’assassiner De Gaulle.
Il me semble qu’il faut rappeler, en outre, que De Gaulle avait déjà quitté le pouvoir depuis quelques mois, en 1947, quand les communistes ont été virés du gouvernement, sans résistance réelle de leur part, ce qui leur sera vertement reproché par Jdanov, lors du premier Kominform, en Septembre 1947.
http://ekladata.com/n9Vqb6T52G2aY5YEs2JTmEvmmf8/Andrei-JDANOV-Rapport-sur-la-Situation-Internationale-1947.pdf
http://ekladata.com/X_1mR5vggQ3kv31dJdW3YDCmnAg/De-l-art-de-bien-penser-en-France-les-bonnes-feuilles-du-rapport-jdanov-de-1947.pdf
Les communistes ont été virés pour permettre l’accession de la France au Plan Marshall, mais au lieu de lutter sur cette base d’indépendance nationale, ils se sont contentés de « protester » sur le plan de la pseudo-« démocratie », ainsi mise à mal, effectivement, mais escamotant essentiellement le fond de l’affaire, dont ils se sont donc fait objectivement complices.
Néanmoins, en 1947, la position de De Gaulle sur le sujet, est généralement considérée comme exprimée dans son discours électoral lors d’un meeting géant organisé à Vincennes le 5 Octobre, [ https://youtu.be/QMmHtRu1Hek ]
« ll n’y a pas dans le monde un homme libre qui ne tienne pour salutaire cette volonté américaine »
Or même dans son contexte, la phrase parle du soutient des USA à l’Europe en général, et non pas spécifiquement du Plan Marshall, qui n’y est pas nommé.
De plus, elle est carrément l’introduction d’un passage où il ébauche les grandes lignes de la politique d’indépendance nationale ambitieuse qu’il propose, est qui est précisément décrite comme un moyen de se passer des aides étrangères.
Ce discours, qui acte l’irruption du RPF sur la scène politique française, succède donc de peu à la naissance du Kominform, et il est clair qu’à ce moment il y voit un danger et n’est manifestement plus du tout ouvert à un compromis avec les communistes du PCF.
Réévaluant ce risque, il y reviendra de façon éphémère, notamment contre la CED, par la suite, au tournant 1953-54, peu avant la quasi autodissolution de son parti RPF.
La CED, L’Affaire Dreyfus de la Quatrième République ? Philippe Buton 2004
https://www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2004-4-page-43.htm
Voir aussi >>>
Le général de Gaulle et la défense de l’Europe, 1947-1958 Maurice Vaïsse 1992
https://www.persee.fr/docAsPDF/mat_0769-3206_1992_num_29_1_405018.pdf
En 1947, et dans les années suivantes, le RPF s’édifie effectivement tout à fait comme un parti « populiste », selon nos critères actuels, rassemblant des éléments venus de tous horizons, et même d’ex-communistes, un peu à la manière du FN, avec évidemment une tendance droitiste majoritaire, et des relations locales parfois troubles, comme à Marseille.
En 1947-48 il est clair que l’anticommunisme des classes moyennes est le terreau sur lequel le RPF germe et se développe, mais sans s’enraciner profondément, contrairement à ce qui se produira, avec la crise algérienne et le nouveau parti gaulliste UNR.
Si le mouvement gaulliste est donc resté très marqué par son anticommunisme « social » des années 47-48, l’« anticommunisme » de De Gaulle lui-même variait très largement au gré des nécessités politiques telles qu’elles lui apparaissaient au fil de l’histoire, et pouvait rapidement se transformer en « complicité » sur des objectifs qui lui paraissaient suffisamment fondamentaux pour justifier une alliance.
De Gaulle était nettement, dans la réalisation de ses objectifs, selon ses historiens, un pragmatique et non pas un doctrinaire.
Quant à la structure du mouvement gaulliste actuel, elle est devenue essentiellement groupusculaire, comme on l’a vu au cours d’une recherche sur le sujet, et son « indépendance » est relative, même par rapport à l’influence US :
https://mai68.org/spip2/spip.php?article12425
Quant aux trois micro-partis UPR, DLF, Les Patriotes, néanmoins pourvus d’appareils militants, Ils tourment chacun autour de la personnalité de leur leader, bien plus qu’autour de références au Général De Gaulle.
Déjà trop impliqués dans le système pour avoir la possibilité d’une action radicale, et trop petits pour y jouer un rôle significatif, ils sont condamnés à une marginalité « verbale » anti-système pour simplement continuer à exister.
La figure historique du Général De Gaulle reste intéressante et utile comme légitimation d’une perspective politique fondée sur l’indépendance nationale, condition sine qua non de la démocratie. Les solutions politiques pour y arriver sont aujourd’hui nécessairement tellement différentes de celles de son époque que le débat historique sur son degré d’anticommunisme ou de complicité n’a pas d’incidence majeure sur ce que nous devons accomplir pour avancer.
Ce qui doit nous déterminer pour la construction d’un front uni c’est l’aptitude des participants à agir de manière pragmatique, rationnelle et efficace pour la réalisation des objectifs unitaires du front.
Cependant, la définition même d’un front uni, c’est que chacune des parties prenantes y vient avec ses propres déterminants politiques, avec ses propres buts politiques, et pour une période historique où elle a des buts communs avec les autres.
En ce qui concerne la partie représentative des intérêts de la classe prolétarienne, elle doit donc être elle-même capable de s’unifier sur la base de ses propres déterminants et buts politiques. Elle doit tout autant s’affirme en tant que fraction de lutte de classe prolétarienne en soi et pour soi qu’en tant que partie déterminante de la constitution du front de lutte pour l’indépendance nationale et la démocratie.
En ce qui concerne la période historique de l’après-guerre et jusqu’au retrait et au décès de De Gaulle, si l’attitude du Général paraît souvent équivoque dans ses relations avec les communistes français, le fait est également que le PCF n’a jamais réellement voulu clarifier rationnellement sa position, ni en termes de lutte de classe, ni en termes d’indépendance nationale, uniquement préoccupé par sa réussite dans les jeux électoraux et y échouant déjà, en fait, amorçant déjà le début de sa lente agonie, jusqu’au zombi qu’il est devenu aujourd’hui !
Luniterre
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