La troisième droite en gestation fait de plus en plus parler d’elle dans les médias, comparée à la droite officielle (macronie incluse), à l’extrême droite et à la deuxième droite (rosâtre et/ou verdâtre).
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Une insoumission contrôlée : le changement dans la continuité
« Celui qui n’accepte pas la rupture avec l’ordre établi, avec la société capitaliste. Celui-là, je le dis, ne peut pas être adhérent du Parti socialiste. » On se souvient, du moins pour les plus anciens, de cette fameuse proclamation de Mitterrand à la tribune du congrès d’Épinay en 1971. Une quarantaine d’années plus tard, Mélenchon n’en demande pas tant aux Insoumis — appellation non contrôlée dont il conviendrait d’ôter le préfixe négatif pour la faire correspondre à la réalité — qui ont accepté de se laisser guider sous sa houlette dans les allées du pouvoir. Le « nouveau monde possible » qu’il promet à ses électeurs sera conforme, s’il advenait, à celui dont rêvait les militants de l’altermondialisme au début du siècle : un autre monde capitaliste ou un monde autrement capitaliste mais assurément pas un monde autre que capitaliste.
Au fur et à mesure, en effet, des consultations électorales, les propositions soi-disant radicales du mouvement sont revues à la baisse. Il n’est plus question de s’en prendre à la « pensée unique » vilipendée avec vigueur par la mouvance citoyenniste « degôche » à la charnière entre le siècle précédent et celui qui lui a succédé. Certes, il arrive encore au leader de la FI, élargie récemment en une « Unité populaire » auto-désignée comme telle à dominante néo-petite bourgeoise, de prendre pour cible… et pour la forme « le marché et sa main invisible ». Mais il n’est plus question de quitter la soi- disant Communauté européenne, garante de la perdurance du règne dudit marché, ne serait-ce qu’en raison des avantages matériels conséquents qu’elle procure à la poignée de représentants de cette insoumission contrôlée qui occupent quelques sièges dans le parlement européen. Il s’ensuit, entre autre, que l’on chercherait en vain dans le programme L’avenir en commun trace d’une atteinte un tant soit peu sérieuse aux exigences de rentabilité du capital. Le mot « nationalisation » n’y figure nulle part, sauf à propos de la branche énergie marine d’Alstom et de la branche éolienne offshore d’Areva. Ce qui confirme que « sauver le climat » et sauver le capitalisme peuvent aller de pair ! Rien non plus sur les pouvoirs d’intervention et de décision des travailleurs sur les choix d’investissements et de production des entreprises. Quant aux neuf ou dix milliardaires qui contrôlent les principaux medias, leur expropriation n’est pas non plus inscrite au programme.
Il faut dire qu’en multipliant, lors de sa campagne pour le premier tour de la présidentielle, les conférences dans les grandes écoles où se reproduit la classe dirigeante et ses supplétifs les plus diplômés — car, selon lui, « il faut parler à tout le monde » —, Mélenchon n’ignore pas que les mesures préconisées et annoncées par son staff n’ont guère de quoi les effrayer. La preuve ? Son score à l’issue du premier tour parmi ces jeunes privilégiés promis à un bel avenir professionnel : les bac+5 ou plus, en y incluant aussi les universitaires, ont voté d’abord pour le candidat LFI (37%), loin devant le président sortant (28%) et la candidate RN (10%).
À l’autre bout de l’échelle sociale, dans les « cités » d’habitat dit social en particulier, « LFI a été paradoxalement servie par la campagne de haine et de menaces contre les musulmans », comme le note le journaliste Serge Halimi. N’en déplaise cependant au directeur de rédaction du Monde diplomatique, ce résultat n’a pourtant rien de paradoxal : il a suffi aux« groupes d’action » déployés sur ce terrain jusque là délaissé de les caresser dans le sens du voile, c’est-à-dire de s’ériger en défenseurs patentés de leur liberté religieuse et de leurs droits. Imams et prédicateurs de France se sont alors empressés de pondre des communiqués appelant à voter en faveur du candidat Jean-Luc Mélenchon, opération qui sera renouvelée aux législatives pour lui permette de devenir Premier ministre.
Sur le plan international et géopolitique, la sortie de l’OTAN n’est plus non plus à l’ordre du jour. D’autant que la guerre en Ukraine s’avère peu propice pour s’extraire du camp euro-atlantiste, comme Mélenchon en avait pourtant souvent manifesté l’intention depuis son départ du PS. Certes, il se veut toujours « non aligné », mais tout en prenant soin de distinguer cette position de la simple « neutralité ». Ce qui l’a sans doute autorisé, lors de son discours de clôture de la « marche pour la 6e République » du 26 mars, place de la République à Paris, d’annoncer d’emblée à la foule de fans venue l’acclamer qu’il dédiait ce rassemblement « au peuple ukrainien » ainsi qu’« au peuple russe qui résiste à la guerre et à la dictature ». Une déclaration qui a rassuré et même comblé d’aise les propagandistes hexagonaux de l’ordre impérialiste occidental. En somme, qu’il s’agisse de politique étrangère ou intérieure, les voies du non alignement choisie par Mélenchon et ses séides sont décidément impénétrables !