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La guerre contre DAECH - 29 novembre 2015 - Le point de vu d’Israël Shamir

dimanche 29 novembre 2015, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 29 novembre 2015).

De l’avion de ligne au chasseur bombardier, par Israël Adam Shamir

http://plumenclume.org/blog/59-de-l-avion-de-ligne-au-chasseur-bombardier

Publié le 29/11/2015

Par Israël Adam Shamir, 27 novembre 2015

Il y a trois évènements qui ont pesé sur la guerre de Syrie ce mois-ci : le crash du vol Metrojet 9268 dans le Sinaï, le 31 octobre, les attentats de Paris le vendredi 13 novembre, et le Soukhoi 24 abattu le 24 novembre 2015.

Le Metrojet

Au départ, ce crash n’a pas été interprété comme un acte de terrorisme. Les premiers rapports mettaient l’accent sur le piteux état de ce charter, le manque d’entretien, des incidents antérieurs, une éventuelle défaillance du moteur. Les informations qu’on recevait étaient contradictoires, confuses. Les pilotes avaient demandé l’autorisation pour un atterrissage d’urgence, et puis non. L’avion s’était violemment dérouté, changeant plusieurs fois d’altitude, et puis non, rien de tel. Pas de trace d’explosifs, puis des traces d’explosifs partout autour.

En quelques jours, des versions conspirationnistes complètes et autant de versions anti-conspi, en Russie comme ailleurs, y compris l’hypothèse d’un cylindre rempli d’hydrogène qui aurait explosé, et qui était utilisé régulièrement par les plongeurs de Charm el Cheik.

J’ai remarqué une coïncidence intéressante : il y avait un exercice aérien, le Blue Flag, mené par Israéliens et Américains, près de la zone du crash. Celui-ci s’est produit à 30 miles de la frontière israélienne, et Israël a l’habitude d’utiliser ses drones pour descendre ses ennemis dans le Sinaï. L’exercice comportait « des armes fictives tirant contre des lance missile, des convois et des avions fictifs » selon le rapport officiel. Et si certaines de ces armes n’avaient pas été fictives ? Je ne suggèrerais pas qu’il s’agisse de la destruction intentionnelle d’un avion de ligne civil russe, mais les tirs par erreur ne sont pas rares. Un missile aurait pu s’égarer. Le Blue Flag devait durer jusqu’au 3 novembre. Pourtant, après le crash, on nous a asséné que l’exercice était clos le 29 octobre.

Un site israélien a demandé au porte-parole de l’armée quand l’exercice s’était terminé, et s’est vu répondre : le 3 novembre. Le site a posé la question à nouveau, dans le cadre du crash. Et cette fois, la réponse a été : le 29 octobre. Cette divergence ne prouve rien, et de toute façon, cette version n’a pas été prise au sérieux. Malgré tout, elle a été répandue par un site américain et plus tard par un site radical russe (ils m’ont accusé de « cacher quelque chose » dans la mesure où je rejetais l’idée d’une mauvaise intention israélienne). Je ne pense pas que ce soit la véritable explication, mais simplement une autre version, en l’absence de vérité établie.

Pendant longtemps, les Russes ont nié que le crash ait été causé par une action ennemie, et ont cherché une faille technique, alors que Royaume Uni et US suggéraient une attaque terroriste. Daesh a prétendu avoir lâché un missile sur l’avion, et a publié une vidéo en ce sens. Mais cela fait sourire, parce que les missiles MANPAD ne peuvent pas atteindre cette altitude. On a annoncé que bientôt Daesh allait revendiquer le naufrage du Titanic.

Les Russes ont pleuré leurs morts, et leur campagne en Syrie a continué avec quelques succès au sol, tandis que l’Ouest continuait à condamner la Russie qui s’en prendrait à l’opposition modérée et se bornerait à faire la guerre à Daesh du bout des lèvres. Les Russes ont insisté pour dire qu’ils combattaient Daesh « ou d’autres groupes semblables ».

Paris

Les attentats de Paris ont changé la donne. 130 tués, une attaque revendiquée par Daesch. Ce n’était pas très sophistiqué ; cela a dû coûter 7 000 euros, alors que les dommages se comptent en milliards, et les allocations aux industries sécuritaires ont grimpé d’autant. A noter que si Daesch a revendiqué la chose, al Qaida ne l’a jamais fait pour le 11 septembre. Cette fois-ci, la compassion et le deuil ont fait le tour du monde, plus qu’ailleurs intensément ressentis en Russie.

Les Russes sont tellement sensibles à tout ce qui touche la France et Paris, probablement autant que les Américains de la génération de Scott Fitzgerald. Paris, c’est là où les bons Russes vont après leur mort, comme les Américains, pour reprendre Oscar Wilde. Maïakovski, le grand poète des années 1920, disait : « j’aimerais vivre et mourir à Paris, et il ajoutait en vitesse, s’il n’y avait pas Moscou ». Cet amour de Paris et de la France était un mot d’ordre de la noblesse russe depuis le XVIII° siècle. La génération de Pouchkine apprenait le français avant de maîtriser sa propre langue. Les Russes adorent se sentir européens, et la France est le seul pays européen qui les intéresse.

En France, il y a eu des appels à la revanche, et les Russes les ont soutenus. Ils aimeraient bien aller à la guerre dans une coalition avec les Français, comme pendant la première puis la deuxième guerre mondiale. Les attentats de Paris, c’était du sur mesure pour la campagne de Poutine en termes de « Mort à Daesch ». Dix-huit jours après le crash et quatre jours après l’attaque de Paris, les Russes ont déclaré que leur avion avait été descendu par Daesh. Plusieurs hypothèses précédentes ont été désavouées, les rapports ont été réinterprétés pour coller avec la nouvelle version. Une nouvelle formation a commencé à se mettre en place, comprenant la France et la Russie face au reste du monde.

Daesch a pris la balle au bond, et accepté la responsabilité dans le crash dès le lendemain. Ils ont adapté leur version aux circonstances ; au départ, c’était un missile, maintenant ils ont suivi les Russes, et confirmé qu’ils avaient utilisé une canette de Schweppes. Personne n’a cherché à savoir comment ils avaient pu faire rentrer trois livres d’un équivalent du TNT dans une canette. La coalition France-Russie contre Daesch commençait à prendre tournure.

La télé russe annonce le rendez-vous du porte-avions Charles de Gaulle avec le croiseur russe Moskva au large des côtes syriennes, symbole poignant de deux grandes nations européennes unies contre les barbares.

Pendant un moment, les Russes ont oublié qu’ils étaient venus se battre en Syrie sur invitation du gouvernement syrien, tandis que les Français considéraient le président Assad comme un fléau pire que Daesch. Ils ont lâché des bombes sur le territoire contrôlé par Daesch, et les Russes ont écrit « pour Paris » sur leurs bombes.

Maintenant, bien des Russes pro-occidentaux se sentent « blancs », parce qu’ils se sont laissé infecter par la rhétorique occidentale après l’effondrement de l’union soviétique, et soumis à un afflux de migrants d’Asie centrale. Ils ont également importé le discours nationaliste déplorant le déluge de migrants colorés. Dans leur esprit, la vague de réfugiés arabes et les attentats terroristes de Paris se fondaient en une même bataille, dans le cadre du choc des civilisations.

La connexion israélienne de juifs influents parmi les Russes a ajouté au mélange le préjugé anti-arabe. M. Anton Nosik, blogueur russe très lu et citoyen israélien, affichant sa connexion israélienne, a appelé à tuer femmes et enfants en Syrie. Il a également accusé le très modéré mufti russe d’avoir financé l’attaque du Metrojet. M. Michael Weller, écrivain et best-seller, a publié un laïus raciste contre les Arabes basanés qui submergent l’Europe. Ces deux appels au génocide ont été publiés par le site Echo Moskvy, archi pro-occidental, ultra-libéral et anti Poutine. Le chef du Mossad a appelé à bombarder la Syrie comme Dresde jadis. A Dresde, près d’un demi-million de citoyens avaient péri dans un bombardement massif des forces aériennes britanniques et américaines, bien décrit par Kurt Vonnegut. Pour être sûr d’être du bon côté et de ne pas rater l’occasion, Israël a bombardé les alliés des Russes en Syrie : l’armée syrienne et leur allié le Hezbollah.

C’est alors que le président Hollande s’est rendu aux USA pour tenter de bâtir la grande coalition contre Daesch.

La bombe

L’esprit de coopération de la Russie avec l’Occident était au zénith lors qu’un missile air-air bien dirigé depuis un F-16 turc a frappé le bombardier tactique russe Su-24M. Selon les Turcs, l’avion russe avait rôdé dans leur espace aérien pendant 17 secondes, et a été abattu à un mille de la frontière, en territoire syrien. Selon les Russes, leur avion n’avait pas franchi la frontière turque du tout. Dans tous les cas, il s’agit d’une embuscade mortelle bien préparée.

Brutalement, les illusions se sont évanouies, la fin d’une brève étape se dégonflant comme le parachute des pilotes russes sur les collines du Nord-Ouest de la Syrie. Pendant cette saison sotte, les Russes ont tenté de convaincre le monde, et ont fini par se convaincre eux-mêmes que la grande coalition de 1941-1945 revivait, et qu’ils étaient au coude à coude avec les Français et les Américains contre leur ennemi commun. Il a suffi d’un missile pour que le doux rêve se fracasse, comme l’infortuné bombardier Soukhoi.

L’attaque n’a pas été une surprise pour moi, et ne devrait pas en être une pour vous : je vous avais prévenu, cher lecteur, c’était prévisible un mois avant. Le 19 octobre, mes correspondants turcs sur le groupe Shamireaders m’avaient prévenu. J’ai transmis cet avertissement le 22 octobre : « Erdogan projette d’amener la Turquie au bord d’une guerre avec la Russie. Erdogan a donné des ordres d’abattre les avions russes opérant en Syrie, en prétendant qu’ils avaient fait intrusion dans l’espace aérien turc » . J’ai publié cet avertissement dans un journal russe important, aussi, quelques jours plus tard.

L’attaque a été un choc terrible pour les Russes, ils n s’attendaient pas à une attaque du côté turc. Ils avaient été égarés par leur propre rhétorique. Ils parlaient sans cesse de la nécessité de combattre les terroristes, et s’étaient convaincus eux-mêmes que tout le monde était sur la même longueur d’onde. Les Turcs les ont dessaoulés. Naturellement, les Turcs et leurs alliés de l’Otan font front contre la Russie. « Tous contre Daesch », ce n’était que de la propagande, pas un mot d’ordre opérationnel, et c’est de cette amère manière que les Russes l’ont appris.

Les journaux arabes disent que le président Erdogan a obtenu la bénédiction du président Obama pour l’opération quand ils se sont rencontrés au sommet du G20 en Turquie. Ils disent aussi que le timing avait été mis au point pour faire échouer la mission de Hollande. Nous ne savons pas si c’est vrai, mais tant les US que d’autres membres de l’Otan ont exprimé leur soutien limité à l’attaque turque. La France n’pas été en reste, de fait. Le secrétaire général de l’Otan, le général Jens Stoltenberg, a exprimé « sa solidarité avec la Turquie et son soutien à l’intégrité territoriale de la Turquie. La décision US de sanctionner un homme d’affaires russe parce qu’il faisait des affaires avec Bachar al Assad a rappelé à chacun que pour les US, l’ennemi principal en Syrie reste comme auparavant le gouvernement légitime de la Syrie, tandis que l’Etat islamique (Daesch) est un allié indiscipliné.

Les Turcs ont mené à bien leur attaque préméditée contre le bombardier russe parce qu’ils protègent Daesch. Ils sont le superviseur régional de Daesch. La semaine dernière, les autorités de Daesch à Raqqa ont mis fin à l’usage de la livre syrienne comme monnaie légale sur leur territoire. Dorénavant, c’est la livre turque qui sera en vigueur dans le nouveau Caliphat. Les Turcs achètent l’essentiel du pétrole produit par Daesch, même si une certaine part de ce pétrole trouve le moyen d’atterrir à Damas aussi. Il est difficile de blâmer le gouvernement de Bachar al Assad pour ses efforts pour récupérer un peu de son pétrole auprès des voleurs de Daesch, même s’il doit acquitter une rançon pour cela. Mais cette excuse ne vaut pas pour les Turcs. Le bruit court que c’est le propre fils d’Erdogan qui est impliqué dans l’achat du pétrole volé, mais, vrai ou faux, le fait est qu’il aboutit en Turquie.

Nous devrions revenir sur les raisons de la guerre de Syrie, pour donner un sens aux événements actuels. Ce n’est pas le peuple syrien qui avait décidé de se soulever contre le tyran. La guerre de Syrie, c’est l’Occident qui l’a déclenchée en 2011 pour renverser Bachar et son régime, dans une campagne de nettoyage des Etats qui étaient aux côtés de l’Union soviétique pendant la guerre froide. Nous en avons appris beaucoup là-dessus grâce aux câbles de Wikileaks de l’ambassade US à Damas. La France a soutenu cette dynamique pour ses propres raisons néocoloniales, parce que la Syrie était jadis sous son protectorat. Et les voisins de la Syrie avaient leurs propres raisons pour soutenir la campagne dirigée par les US.

Israël voulait somaliser la Syrie, causer sa défragmentation en complet accord avec le Plan Yinon. Il s’agissait de placer une entité sunnite entre ses ennemis l’Iran et le Hezbollah par la même occasion.

Le Qatar voulait construire un oléoduc vers la Turquie en passant par la Syrie, et Bachar n’était pas d’accord. Les Saoudiens voulaient éliminer Bachar parce qu’il était ami avec l’Iran. Ils ne voulaient pas d’un Alaouite comme Bachar pour commander un pays arabe musulman. La Turquie d’Erdogan voulait placer un islamiste modéré à Damas, dans le cadre de son défi : recréer l’empire ottoman. D’accord avec le Qatar, elle voulait la construction de l’oléoduc. D’accord avec les Saoudiens, il voulait que les Frères musulmans unifient le monde arabe. En outre, Erdogan voulait miser sur le gagnant, et il était persuadé que la chute d’Assad était une question de semaines.

Quatre années ont passé, et leurs raisons sont toujours valables à leurs yeux, et même encore plus. Ces pays ont dépensé énormément d’argent ? Ils étaient sûrs d’être sur le point d’atteindre leur but. Mais la Russie est arrivée, et le régime d’Assad a repris son souffle. La Turquie en était plus ennuyée que les autres parce qu’elle supportait tout le poids de l’effort militaire : abritant les réfugiés, fournissant leurs armes aux combattants. Les Turcs étaient furieux que les Russes aient coupé le nerf vital à Daesch en bombardant les transports ; ils voulaient protéger plusieurs groupes islamistes, les uns de leur même branche ethnique, d’autre en tant qu’alliés idéologiques et religieux. Les Turcs enragés ont attaqué l’avion russe pour exprimer leur colère. Ils espéraient que l’Oran empêcherait la Russie de riposter violemment, et mènerait dans l’idéal des opérations militaires contre la Russie, ce qui soulagerait les rebelles syriens.

Les US ont approuvé cette action pour une raison supplémentaire. Ils voulaient tester la détermination des Russes et leur degré de préparation militaire. Il est impossible d’évaluer la puissance de l’ennemi autrement que dans l’affrontement. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne la Russie. Il y avait plusieurs rapports faisant état de faiblesse militaire du côté russe. Souvenons-nous que le Japon impérial avait fait quelques incursions armées dans la Russie soviétique. La prompte riposte avait été convaincante, et le Japon avait préférer signer un traité de non-agression avec l’URSS. A l’Ouest, les soviétiques n’avaient pas eu de chance dans leur guerre de Finlande, et Hitler en avait conclu que la Russie serait une proie facile. En 2008, la Géorgie tentait d’attaquer les forces russes. Le président géorgien du moment, M. Saakachvili avait annoncé en fanfare que son armée débarquerait à Moscou sans rencontrer de résistance sensible. Ses forces avaient été écrasées en quelques jours. La Turquie est nettement plus solide que la Géorgie, et une guerre russo-turque limitée fournirait une évaluation bien meilleure de la puissance militaire russe.

Les Russes sont bien conscients de tout cela, et c’est la raison pour laquelle ils se sont servis de leurs missiles de croisière et bombardiers stratégiques de longue portée en Syrie. Ils voulaient impressionner les généraux US pour qu’ils ne provoquent pas un affrontement.

Les Russes étaient indignés du soutien de l’Otan à la Turquie. Ils espéraient que les Européens seraient reconnaissants à la Russie de se battre pour l’Europe contre Daesch. Mais il n’y a rien eu de tel, alors même que les Russes bombardaient Daesch dans une furieuse campagne vengeresse « pour Paris ». Ils ont pourtant décidé de remettre à plus tard leur riposte à l’avion abattu. Poutine ne veut pas combatte la Turquie, s’il peut l’éviter ; et il voudrait encore moins affronter l’Otan. .

On devrait s’attendre à une riposte limitée. La livraison de S-400 à la Syrie en a donné les moyens. Un avion turc en mission pour aller bombarder les Kurdes en Syrie ou en Irak pourrait bien faire les frais de la riposte russe.

Joindre l’auteur : adam@israelshamir.net

Original publié sur Unzreview.

Traduction : Maria Poumier

1 Message

  • Les secrets de la guerre en Syrie, par Israël Adam Shamir

    http://plumenclume.org/blog/47-les-…

    Publié le 22/10/2015

    Les plus gros secrets : l’Occident n’a personne en Syrie pour prendre le contrôle des territoires libérés ; les Russes cherchent encore des partenaires, Erdogan a eu les yeux plus gros que le ventre, et ISIS n’est qu’un fantasme, après tout.

    Les Russes sont aux anges, avec leur aventure syrienne. Vingt jours après leur entrée dans la guerre de Syrie, l’opération est rentabilisée. Ils ont déployé leurs joujoux militaires et bien épaté les autres gars dans le bac à sable. Après une longue période de découragement, les Russes ont été acclamés, merci pour eux, ils se sentent bien mieux, comme un convalescent après une grave maladie. Ils adorent les images de leurs pilotes en tenue chic, style américain, de leurs jets exquisément dernier cri, de cette campagne intrépide si loin de chez eux. Ils adorent la publicité faite à leurs opérations militaires, tout à fait inédite. Les commandements postent des vidéos et leur permettent de suivre attaques et tirs en temps réel.

    Poutine était déjà très populaire avant la guerre, avec 86% d’opinions favorables dans les sondages, et maintenant il crève le plafond. Ce que les Russes ont préféré, c’est le lancement osé de leurs 26 Kalibr tout neufs, ces missiles de croisière, tirés depuis une frégate dans la Mer Caspienne, bondissant jusqu’en Syrie par-dessus les buttes et déserts d’Irak et d’Iran. Irak et Iran avaient été prévenus, mais n’ont pas vendu la mèche à leurs partenaires US. Les missiles ont frappé à la perfection, et les experts militaires disent que ce nouveau type de missiles de croisière pourrait permettre, si nécessaire, à la Russie de faire son affaire du bouclier anti-aérien US installé chez les voisins d’Europe orientale. Les Russes ont été aussi heureux que le jour où ils ont lancé leur premier Spoutnik au firmament.

    La campagne syrienne était tellement populaire qu’une tentative pour organiser une manif anti-guerre a spectaculairement échoué : cent cinquante personnes en tout et pour tout s’y sont retrouvées, sur les quinze millions de Moscovites. Par comparaison, les rassemblements contre l’intervention dans les affaires ukrainiennes ont attiré quelques milliers de protestataires au moins.

    Comme nous l’avions prédit, les Russes ne se sont pas trop inquiétés à propos d’Isis (en dehors de quelques raides sur Raqqa, leur « capitale » supposée), mais ont attaqué d’autres groupes d’opposition autour de Damas et d’Alep, en projetant de libérer tout le nord de la Syrie, pour ouvrir la route jusqu’à la frontière turque. Les opérations terrestres sont menées par l’armée syrienne, peut-être avec le renfort d’unités iraniennes et de combattants du Hezbollah, avec une couverture aérienne russe. Ça ne se passe pas en douceur, parce que l’opposition garde des positions bien ancrées, mais ça avance, car l’opposition fragmentée n’est pas une cible digne d’une armée régulière avec un soutien aérien.

    Ils envisagent de boucler la frontière turque du côté syrien, mettant ainsi fin à l’approvisionnement des rebelles (y compris Isis) mais en leur laissant probablement une issue de secours. Les Occidentaux disent qu’ils bombardent « l’opposition modérée ». Mais les Russes nient qu’une telle opposition existe : ce sont tous des djihadistes, disent-ils. Les Russes comparent leur indignation contre l’attaque des rebelles (réputés agents de la CIA) avec leur indifférence relative après le bombardement de Médecins Sans Frontières en Afghanistan : « donc l’hôpital a été touché par accident, ça ne compte pas, aucune raison de nous répandre là-dessus chez nous non plus », a renchéri Sergueï Lavrov, emboîtant le pas aux Occidentaux sur cette atrocité perpétrée par les US.

    Dans le cadre négociations confidentielles entre officiers de haut-rang russes et européens, les Russes disent que l’Armée Syrienne Libre est complètement désintégrée, n’est plus bonne à rien en pratique. Elle était constituée principalement de déserteurs de l’armée syrienne, les uns religieux, les autres pas, mais « les rasés ont pris la fuite parce que les autres, les barbus, leur ont fait peur. » De fait, même les journaux les plus favorables aux rebelles comme le Guardian ont arrêté de clamer qu’il existe une opposition non djihadiste consistante. Ils disent que les rebelles sont divisés entre djihadistes et « unités non-idéologiques », c’est-à-dire des gangs. Ils terrifient la population, qui préfère nettement la férule du gouvernement. Bachar al Assad tient 20% du territoire, mais 80% de la population.

    Lors de la rencontre de Lavrov avec le chef de l’opposition syrienne Burhan Ghalioun, le ministre des affaires étrangères russe lui a dit suavement : « vous êtes un professeur émérite de la Sorbonne, vous savez tout cent fois mieux que moi. Vous dites que Bachar est un criminel de guerre. Vous comprenez certainement que si aujourd’hui le président syrien vous embauchait, Isis vous combattrait comme ils le font avec Bachar. Ils veulent établir leur califat de l’Andalousie espagnole jusqu’au Pakistan, et ils ne tolèreront même pas les Frères musulmans, encore moins les intellectuels éclairés comme vous, s’ils vous trouvent sur leur passage. »

    Dans les intenses négociations diplomatiques pour convaincre de la légitimité de l’intervention russe, ceux-ci ont rappelé à leurs partenaires européens que lors du sommet du G8 en Irlande du Nord, les parties avaient convenu d’utiliser leur force aérienne contre les rebelles djihadistes, parce qu’ils menaçaient la sécurité mondiale. Cela avait été proposé par le Hollande de France et le Cameron du Royaume Uni, et applaudi tant par Obama que par Poutine.

    Les Français ont fait quelques sorties, disant qu’il y avait quelque 1600 Français combattant dans les unités de l’Isis, et pour eux c’était une question d’autodéfense. Fort bien, ont dit les Russes, si c’est là un argument valable, il y a 2000 citoyens russes aussi, dont il va falloir prendre soin de la même façon. Voilà pour notre auto-défense.

    Les Russes ont proposé aux Français de faire le travail pour eux (avec un certain sourire, j’imagine). « Dites-nous où et qui vous souhaitez que nous lâchions quelques pétards », a demandé le Russe. Mais les Français n’ont dit mot. « Eh bien dites-nous alors où et qui vous ne voulez pas que nous ramenions à la raison », insistait le Russe. Mais le Français est encore resté coi.

    Les Russes soupçonnent que les Occidentaux n’ont pas de réponse et n’ont personne sur le terrain pour s’emparer des territoires libérés. Ce qui le prouve, ce sont les millions de dollars lamentablement gaspillés par les US pour entraîner quatre ou cinq combattants. Ce qui explique aussi la longue campagne futile de bombardements : plus de 7500 sorties sans résultat tangible, à moins de compter la centrale récemment détruite, qui fournissait leur électricité aux habitants d’Alep.

    Lavrov a quelques histoires intéressantes sur l’époque antérieure, quand les Forces aériennes russes n’étaient pas encore installées dans la région. Les observateurs russes ont clairement identifié la colonne d’Isis sur des jeeps Toyota avec des étendards noirs, se déplaçant dans le désert autour de Palmyre, mais ils ont reçu, avec leurs alliés syriens, une requête des US, leur demandant de les laisser passer sans les toucher. Plus encore, les US ont prévenu Bachar : ils le frapperont s’il essaie seulement de se servir des sorties US contre l’Isis pour gagner du terrain.

    Mais il n’y a pas d’alternative à Bachar al Assad, maintenant, a dit Lavrov. C’est lui ou l’anarchie. Il n’y a pas d’opposition unie pour faire contrepoids à Isis, juste des troupes clairsemées. « Laissez l’opposition se rassembler et former une coalition. Qu’ils s’unissent et prennent part à la bataille contre Isis ». Il est peu probable que l’offre soit retenue.

    La tonalité des entretiens russo-européens a récemment changé. Auparavant, les ministres européens se comportaient comme des sahibs arrogants avec des indigènes rétifs, maintenant les voici devenus respectueux, voire obséquieux. L’envol des Kalibr a modifié la perception, comme les vagues de réfugiés syriens. Les Européens ont fini par comprendre que les Russes sont capables de pacifier la Syrie et de ramener les réfugiés chez eux. Seulement il y a une autre partie prenante dans le conflit, la Turquie d’Erdogan.

    Erdogan en difficulté

    J’ai beaucoup de sympathie pour le dirigeant turc : il a arraisonné les généraux, rendu une certaine prospérité à son pays, a défendu les pauvres, s’est exprimé en faveur des Palestiniens. C’était un excellent ami et voisin de la Russie, pour le plus grand profit des deux pays. Mais sa politique syrienne a été désastreuse pour la Syrie, pour la Turquie et pour l’Europe.

    Une personnalité de haut-rang m’a dit qu’au premier signe de problème en Syrie, Erdogan a demandé au président Assad de donner la moitié des postes au gouvernement à de Frères musulmans. Assad a refusé, et Erdogan a lâché ses chiens. Les djihadistes, c’est-à-dire les combattants islamistes de toute espèce, se sont rassemblés en Syrie à partir de la Turquie. Ils ont reçu des armes grâce à la Turquie, la Turquie est leur itinéraire préféré pour les antiquités pillées et pour le pétrole illégalement produit.

    Erdogan a des projets grandioses : créer un vaste empire construit sur les Frères musulmans. Ces plans se sont effondrés quand l’armée égyptienne a chassé le président Morsi et a pris le pouvoir. Ils ont raté leur coup en Syrie aussi, et la chute a été pesante.

    Erdogan a invité les Syriens à venir en Turquie pour un cout séjour, le temps que Bachar soit détrôné : plus de deux millions de personnes ont accouru, un flot intarissable. Les Turcs embarrassés ont découvert que cela minait leur sécurité, ainsi que leur qualité de vie, et leur fragile prospérité fondait. Les élections récentes l’ont confirmé : Erdogan escomptait une claire majorité pour sa réforme constitutionnelle, mais n’est pas parvenu à former un gouvernement, il a été forcé d’appeler à de nouvelles élections.

    Maintenant Erdogan tente de mobiliser ses électeurs par la menace de guerre. Les Turcs sont patriotes, ils ont été élevés dans la vénération de leur héros de la première guerre mondiale le général Kemal Ataturk. Pour eux (comme pour bien des nations), une menace de guerre est un appel au clairon pour s’unir et soutenir le gouvernement. C’est pour cette raison qu’il projette d’amener la Turquie au bord de la guerre avec la Russie. C’est ce que clame la « gorge profonde » turque, un infiltré anonyme et fort intéressant, qui envoie ses touits sous le pseudo de Fuat Avni, https://twitter.com/fuatavni_f . Il a une avance remarquable pour révéler les plans nuisibles du gouvernement. Maintenant il dit qu’Erdogan a donné l’ordre d’abattre les avions russes en Syrie tout en prétendant qu’ils ont pénétré dans l’espace aérien turc.

    Les forces turques ont déjà abattu un drone, et disant qu’il était russe. Au même moment, ils lancent des opérations contre les Kurdes syriens, les alliés préférés des Américains. L’opposition turque insiste, la grande attaque terroriste contre la manifestation pacifique kurde à Ankara (95 morts, 215 blessés) perpétrée par Isis a été utilisée, voire suggérée par Erdogan. Si l’on garde en tête le fait qu’Erdogan était l’architecte d’une nouvelle politique de paix envers les Kurdes turcs, c’est particulièrement déplaisant.

    Erdogan a perdu ses alliés. Les US préfèrent les Kurdes, et sont stupéfaits que les Turcs les bombardent tout en déclarant qu’ils se battent contre Isis, principal ennemi des Kurdes. Il n’est pas sûr qu’ils viennent à la rescousse pour protéger Erdogan en cas de problème avec les Russes.

    Son seul bon moment, il l’a dégusté ces jours-ci, lorsque Fau Merkel lui a donné trois milliards d’euros pour retenir les réfugiés, à condition qu’il arrête leur exode. Elle a en outre promis des voyages sans visas et quelques autres menues faveurs pour lui remonter le moral.

    Mais le pire est à venir. Sous le coup de l’offensive menée par la Russie en Syrie, les djihadistes ont commencé à se replier sur la Turquie. Ils se rasent la barbe et foncent tant que c’est possible. C’est un grand soulagement pour la Syrie, et la Turquie va faire le plein de gangs. Certains observateurs disent déjà que la Turquie sera la prochaine Syrie.

    Lors d’une rencontre confidentielle, Erdogan a menacé Poutine d’envoyer des dizaines et des centaines de milliers de combattants en Syrie, assez pour compenser tout avantage que la coalition russe pourrait avoir. Il peut s’appuyer sur les coffres forts des Saoudiens, et peut-être sur un clin d’œil américain. S’il le veut, une guerre tous azimuts peut devenir envisageable.

    Les Kurdes restent des franc-tireurs ennuyeux pour la Turquie. Ils ont des liens de longue date avec Israël et les US, comme avec la Russie. L’ambassadeur russe à Ankara a récemment été réprimandé parce que les officiels russes ont rencontré les représentants kurdes à Paris ; Les Russes sont en train de mener en douce les Kurdes vers un processus politique, mais les Russes sont bien conscients que les Kurdes peuvent présenter un danger pour l’Etat turc.

    Il vaut mieux jouer franc-jeu. Les Russes ne dédaignent pas Erdogan et ses ennuis. Ils ont d’autres intérêts à combiner, depuis les oléoducs et les constructions en projet, avec les investissements multi-milliardaires des deux côtés, et les Russes espèrent que les Turcs resteront bons amis, même si un sérieux ajustement de la politique d’Erdogan en Syrie doit être nécessaire dans tous les cas.

    Sous l’angle sunnites-chiites

    Encouragé par les Britanniques dans les années 1920 et par les Américains après 2003 en Irak sous occupation, l’inimitié sunnites-chiites ajoute une complication au problème. L’Iran est un allié de Bachar al Assad, et prêt à l’aider, mais les Iraniens, qui sont chiites, ont hésité. Ils craignaient que leur présence sur le terrain soit utilisée pour présenter le conflit comme une guerre entre sunnites et chiites.

    L’arrivée des Russes, qui ne sont pas chiites, a résolu l’équation insoluble. Avec leur commandement, la coalition n’a apparemment pas de connotation religieuse. Mais les Etats du Golfe (dirigés par la Troïka Koweit, Qatar et princes saoudiens) qui étaient les plus grands financeurs des rebelles syriens, tentent de jouer cette carte-là. « Votre soutien à Assad, les gens vont l’interpréter comme votre guerre contre un milliard et demi de sunnites », ont-ils annoncé à Lavrov.

    « Ce n’est pas nous qui avons mis fin au solide Etat sunnite de Saddam Hussien », rétorque le ministre russe. Certes, les Russes ont soutenu l’Irak de Saddam Hussein, tandis que les US l’attaquaient et ont mis en déroute le gouvernement comme l’armée, créant ce fantôme d’outre-tombe qu’est Isis. Les Russes ne sont pas sectaires ; ils soutiennent l’Irak avec des chiites présents aux postes clés comme ils ont soutenu l’Irak avec les sunnites aux postes clés. Ils soutiennent la Syrie avec ou sans Bachar al Assad. Cela fait partie de leur tradition impériale non sectaire.

    Des groupes sunnites extrémistes peuvent jouer la carte du terrorisme. Un groupe de combattants d’Isis a voyagé de Syrie à Moscou en programmant un acte de méga-terrorisme dans le métro de Moscou. Ils ont été arrêtés à la dernière minute avec une bombe de cinq kilos entre les mains. Il y a beaucoup de personnel de sécurité à Moscou et dans d’autres villes russes, ils ont les terroristes à l’œil, mais il n’y a pas de sentiment d’état de siège.

    Les Russes essaient de ne pas braquer les Saoudiens et les autres princes du Golfe. Ils ont bien reçu leur ministre de la défense Mohammad bin Salman, le jeune fils du roi Salman. Il a rencontré Poutine deux fois, et il y a des projets de visite royale en Novembre.

    A chaque rencontre entre les princes du Golfe et les officiels russes, les princes avancent deux requêtes : Assad doit partir, et l’Iran devrait faire de même. Les Russes rejettent clairement les deux requêtes, disant qu’ils ne peuvent pas le faire et qu’ils ne sauraient dire aux Syriens quel doit être leur président.

    « De toute façon, Assad ne nous écouterait pas même si nous le lui demandions. Si vous voulez qu’Assad parte, parlez-lui donc, a suggéré Lavrov, pince-sans-rire. Offrez-lui donc quelques garanties, une résidence, de l’argent. » Mais que valent les garanties après la débâcle ukrainienne ? Le président Yanoukovitch avait accepté toutes les conditions des ministres européens, il avait signé sa reddition, reçu leurs garanties, et le lendemain il a été obligé de prendre la fuite pour sauver sa peau, de justesse. » Certes l’expérience récente de l’Ukraine, de l’Irak, de la Libye, ont rendu la solution en Syrie plus compliquée pour certains…

    Partenaires et rivaux

    Les Russes tiennent toujours beaucoup à l’amitié avec les Américains. Il n’y a aucun anti-américanisme style tiers monde chez eux. Etant très conservateurs par nature, les Russes préfèrent les Républicains conservateurs aux Démocrates éclairés, quoiqu’ils aient apprécié Roosevelt et Kennedy. Ils ont admiré Reagan, et ils aimeront probablement Donald Trump encore plus. Mrs Clinton ne va pas les subjuguer. Ils préfèreraient avoir les US comme partenaires et amis, quoiqu’ils ne supportent pas de se voir réprimander par les US, ou orientés, comme les « missiles de croisière démocrates » ont tendance à le faire, dans les termes de Justin Raimondo.

    Même maintenant ils tentent de présenter leur aventure syrienne comme un effet du partenariat avec les US. Les officiels m’ont dit qu’ils ont proposé un plan d’urgence pour sauver un pilote d’un avion abattu (russe ou américain) parce que les deux pays mènent également des missions aériennes contre Isis. Ils ont été abasourdis par la froideur en réponse des Américains. Ils disent qu’ils font le boulot que les Américains n’ont pas réussi à faire, concrètement éradiquer l’entité terroriste. S’ils soupçonnent que les US avaient un plan fort différent, ils n’en soufflent mot.

    Les Russes ont invité une délégation militaire à Moscou pour voir ensemble des aspects techniques de l’opération syrienne : les Américains ont refusé. Les Russes ont proposé d’envoyer une délégation au Pentagone, conduite par le premier ministre Medvedev ; leur offre a été ignorée. Après une longue hésitation, les Américains ont accepté un arrangement pour éviter le risque d’avoir des avions qui se heurtent dans les cieux syriens. Ils sont très malheureux de l’intervention russe, mais ne font pas grand-chose contre elle. Les US ont lâché quelques armes depuis les airs pour les rebelles (surtout des missiles personnels anti-tank TOW) et ils devraient en envoyer encore, sans doute pour essayer de mettre en œuvre la logique afghane consistant à armer les rebelles pour saigner les Russes.

    L’ombre afghane

    Il est de notoriété publique que les Américains ont attiré les Soviétiques dans le bourbier afghan, ont armé les moudjahidines avec des missiles Stinger et ont épuisé les Soviétiques jusqu’à les briser et les faire capituler à l’issue de la Guerre froide. Mais les contes de fées sont aussi très populaires.

    Dans la vraie vie, l’emprise soviétique sur l’Afghanistan était légale, car elle correspondait à une demande du gouvernement légitime. Les US s’étaient emparés de centaines d’Etats avec une semblable légitimité, et dans certains cas (dont l’Afghanistan qui était occupé par les belligérants) avec bien moins de prétextes.

    Les pertes soviétiques en Afghanistan ont été modérées (moins de 15000 hommes en dix ans, à comparer avec les 50000 GI américains perdus au Vietnam), le gouvernement avait été stabilisé, les femmes recevaient l’égalité des droits, la vie commençait à s’améliorer rapidement.

    La décision de Gorbatchev a forcé les Russes à quitter l’Afghanistan, mais ils avaient été obligés de quitter aussi l’Allemagne, l’Ukraine, les Etats baltes et la Pologne. Il n’y a pas de raison de croire que la campagne afghane ait pesé beaucoup dans l’effondrement soviétique.

    L’Union soviétique s’est effondrée parce que ses dirigeants ont préféré dissoudre l’Union, embrasser le capitalisme et rentrer dans le système en égaux, à la rigueur en tant que membres juniors. Une décision étrange, mais c’est ce qui s’est passé. Voilà pourquoi les Russes ne se considèrent pas des vaincus de la Guerre froide. Si l’Occident avait observé certaines règles du jeu élémentaires, la Russie serait restée un membre docile du Premier monde, comme l’Italie ou la France, pour le meilleur et pour le pire.

    L’Afghanistan a joué un très petit rôle dans ces évènements, et il est probable que l’aventure syrienne ne donnera pas beaucoup de cauchemars à la Russie moderne non plus.

    Le fond de l’affaire

    La présence d’Isis en Syrie sera éphémère, probablement. Créé par l’incapacité des US à trouver leurs propres agents pour garder le contrôle du terrain pris au régime de Damas, Isis se retirera à mesure que Bachar regagnera du terrain tout en formant une coalition et un partage du pouvoir avec les groupes d’opposition.

    En Irak, ce sera moins facile, Isis contrôle de grandes villes dont Mossoul avec ses deux millions d’habitants. La solution ne peut être que politique, et naître d’un compromis entre chiites du sud, sunnites du centre, et Kurdes du nord, si l’intégrité de l’Irak doit être préservée, comme le préféreraient les Russes.

    Au final, les Russes peuvent se retrouver avec une base de Latakia sur le littoral méditerranéen parfaitement équipée sur le plan naval, aérien et terrestre, en réponse à la vaste base US du Kossovo, et comme solution aux limites existant sur le Bosphore. Ce sera une nouvelle Sébastopol, la plus grande entreprise russe pour un siècle. Qui est partant pour Poutinegrad ?

    Contacter l’auteur : adam@israelshamir.net

    Version originale en anglais sur UnzReview.

    Traduction : Maria Poumier

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