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Secret bancaire suisse - 30 août 2015 - Berne définit les limites de la sphère privée

dimanche 30 août 2015, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 30 août 2015).

Berne définit les limites de la sphère privée

Secret bancaire jeudi 27 août 2015

Yves Petignat

Si le Conseil fédéral ne soutient pas l’initiative de la droite, il n’a pas « l’intention de remettre en question le secret bancaire, qui reste ancré dans la loi », a rassuré Eveline Widmer-Schlumpf. (Keystone)

Le Conseil fédéral estime que l’initiative « Oui à la protection de la sphère privée », qui espère sauver les restes du secret bancaire pour les contribuables suisses, interdirait un prélèvement correct des impôts et constituerait une menace pour la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme

L’initiative « Oui à la protection de la sphère privée », qui veut sauvegarder le secret bancaire pour les résidents en Suisse, « mettrait en péril la perception des impôts » et « pourrait avoir des conséquences négatives en ce qui concerne le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme ».

Ce sont les principaux arguments qui ont amené le Conseil fédéral à recommander le rejet de l’initiative lancée par le banquier et conseiller national UDC Thomas Matter.

Le gouvernement a renoncé à un contre-projet, estimant la sphère privée déjà suffisamment protégée par la Constitution et les lois en vigueur.

Le conseiller national Christian Lüscher (PLR/GE), membre du comité d’initiative, « sans être surpris de la position du Conseil fédéral », se dit « déçu qu’il jette le soupçon sur les contribuables, alors que jusqu’ici il a toujours mis en avant la relation de confiance entre les citoyens et les autorités fiscales ».

Selon lui, « la sphère privée doit être large. Il n’y a pas de raison que l’arbitraire de l’Etat l’autorise à s’introduire dans l’intimité des citoyens, même un compte bancaire. » De son côté, Swissbanking, l’association des banquiers, a annoncé ne pas pouvoir soutenir l’initiative car elle ferait porter sur les banques la responsabilité de la conformité des comptes de clients.

« Le Conseil fédéral n’a pas l’intention de remettre en question le secret bancaire, qui reste ancré dans la loi. Aujourd’hui, les autorités cantonales n’ont pas la possibilité de se procurer des informations auprès des banques », a assuré la ministre des Finances, Eveline Widmer-Schlumpf. Tout en reconnaissant qu’en droit fiscal la protection de la sphère privée a des limites pour permettre une perception correcte des impôts. Même si la Suisse rallie les recommandations de l’OCDE en matière d’échange automatique d’informations, ce qui équivaut à la suppression de la conception traditionnelle du secret bancaire pour les clients étrangers, pour l’instant rien n’est changé pour les clients privés résidant en Suisse.

Mais c’est bien le projet de révision du droit pénal fiscal, qui prévoyait de donner la possibilité à l’autorité fiscale cantonale d’obtenir des informations auprès des banques, qui a déclenché l’initiative.

Celle-ci, lancée par un comité de droite où figurent des élus radicaux et UDC, entend compléter l’article 13 de la Constitution portant sur la protection de la sphère privée par un volet protégeant aussi « la sphère privée financière ».

Les initiateurs souhaitent interdire « les tiers non autorisés à fournir aux autorités des renseignements en lien avec les impôts directs ». Sauf avec une autorisation d’un juge dans le cas de soupçon fondé de fraude fiscale ou de grave soustraction d’impôts de manière continuelle.

Or, dit Eveline Widmer-Schlumpf, l’acceptation de l’article constitutionnel aboutirait à empêcher le fisc de recueillir des renseignements auprès de tiers, un employeur ou une assurance vie, comme l’autorité fiscale peut le faire aujourd’hui. La perception correcte ne serait plus garantie.

Par ailleurs, les moyens d’investigation seraient restreints. Les banques sont soumises actuellement à l’obligation de renseigner dans le cadre de procédures pénales concernant les impôts indirects des enquêtes fiscales spéciales de l’Administration fédérale des finances. Or le projet limite le champ d’enquête « aux impôts directs dont les cantons effectuent la taxation ».

Autre reproche de la ministre, le risque pour la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Le texte est trop sujet à interprétation, pas assez précis, constate la conseillère fédérale. Appliquée à la lettre, l’initiative pourrait interdire aux intermédiaires financiers d’annoncer leurs soupçons au Bureau de communication (MROS). Ce que conteste fermement Christian Lüscher, selon qui rien ne changera.

Ce qui est en jeu, rappelle le député genevois, c’est la protection de la sphère privée en Suisse face aux attaques des ministres cantonaux des Finances qui veulent le même accès que les Etats étrangers. Il reste que le projet de révision du droit pénal fiscal est bloqué après une large opposition des partis de droite et des milieux économiques. De plus, le Département des finances entend désormais coordonner cette réforme avec celle du droit pénal administratif exigée par une motion d’Andrea Caroni (PLR/AR).

Dès lors, le risque d’une intrusion des fiscs cantonaux n’est pas pour demain. L’initiative de la droite serait-elle donc superflue ? « Absolument pas. Depuis les promesses de l’ancien conseiller fédéral Hans-Rudolf Merz affirmant que le secret bancaire n’était pas négociable, l’histoire nous a appris à nous méfier », prévient Christian Lüscher.


Fiscalité : quel secret bancaire pour les Suisses ?

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/281…

Lundi 24 août 2015

Frédéric Rochat,
Associé-gérant du Groupe Lombard Odier

Pour Fédéric Rochat, les évolutions récentes du droit vont nous amener à devoir clarifier le modèle de relation que nous souhaitons entretenir avec l’État

« Initiative Matter » pour la protection de la sphère privée ; propositions parlementaires en faveur du lancement d’une amnistie fiscale en Suisse : l’actualité de ces derniers mois est riche en développements. Derrière ces annonces, un enjeu clair commence à se dessiner pour la Suisse : dans un avenir proche, nos parlementaires et peut-être un jour les citoyens helvétiques seront amenés à statuer sur la nature de la relation liant l’Etat, les citoyens contribuables et leur banquier en matière de transmission de données fiscales.

Jusqu’à maintenant, la relation entre l’Etat et ses citoyens contribuables est régie par un principe de confiance. En contrepartie de la reconnaissance de sa sphère privée, l’Etat soumet le citoyen contribuable à un certain nombre d’obligations déclaratives lui permettant de déterminer le niveau de taxation adéquat. Afin de se protéger de toute utilisation abusive du principe de confiance, cette construction est complétée par l’impôt anticipé. Perçu à la source, cet impôt libératoire sur les revenus du capital incite le contribuable à déclarer ses revenus. L’impôt n’est remboursé que si les revenus assujettis sont déclarés et dûment imposés.

A l’international, le principe de confiance n’a jamais été réellement considéré. A l’exception du Luxembourg et de l’Autriche, tous les membres de l’Union européenne pratiquent depuis longtemps un principe alternatif, celui de la transparence, qui s’appuie sur des mécanismes de transmission directe d’informations entre la banque du contribuable et les autorités fiscales.

Conséquence de la crise financière de 2008 et de déficits publics grandissants, les Etats membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont fait de la lutte contre l’évasion fiscale une priorité. De nouveaux standards internationaux ont été établis en matière de relations bancaires transfrontières, visant à instituer le principe de transparence et à confirmer le caractère pénalement répréhensible de l’évasion fiscale. La Suisse, membre de l’OCDE, a déjà ou est en passe de transposer ces normes dans son droit national.

En 2009, la Suisse adoptait le principe de l’article 26 de la convention modèle de l’OCDE, régissant l’échange d’informations à la demande en matière fiscale. En 2013, la Suisse annonçait son intention d’adopter les normes d’échange automatique de renseignements avec l’étranger, dont l’entrée en vigueur est prévue pour 2018.

En 2014, la Suisse transposait également les règles du Groupe d’action financière (GAFI) dans son droit national. Initiées pour lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, ces nouvelles normes considèrent désormais la soustraction fiscale comme une infraction préalable au blanchiment d’argent. Cela signifie notamment que le banquier s’expose, sous certaines conditions, à des poursuites pénales dans le cas où il accepterait des fonds de clients dont on pourrait douter de la conformité fiscale. Ces règles entreront en vigueur le 1er janvier 2016.

Prévues pour les relations transfrontières, ces nouvelles normes du GAFI s’appliqueront également aux avoirs détenus par les clients suisses. A partir du 1er janvier prochain, le banquier se devra désormais d’exercer une diligence accrue en matière de conformité fiscale sur tous les comptes domestiques dont il a la charge.

Le principe de confiance se trouve ainsi remis en question. Le moment est venu de réfléchir au modèle régissant la relation entre l’Etat, le citoyen contribuable et sa banque. A lire les textes des initiatives ou récentes propositions parlementaires déposées au niveau de la Suisse, deux modèles vont s’affronter.

Le premier modèle, défendu par les auteurs de l’initiative « Oui à la protection de la sphère privée », vise la préservation d’un principe de confiance typiquement helvétique qui a fait ses preuves. Les données bancaires des citoyens resteraient inaccessibles au fisc, sauf dans des cas de procédure pénale. Le citoyen resterait assujetti à ses obligations déclaratives. L’impôt anticipé resterait un outil utile à la juste et bonne collecte de l’impôt.

Cette initiative défend le principe libéral d’un droit à la protection de la sphère privée, y compris en matière financière. Dans son application pratique, elle ne pourra restreindre la portée des dernières normes GAFI : celles-ci feront du banquier un agent contrôleur au service de l’Etat, sollicitant régulièrement son client pour clarifier la conformité fiscale des opérations effectuées.

Le deuxième modèle vise la mise en place du principe de transparence, soit un échange automatique de renseignements entre les banques et l’administration fiscale, identique à ce qui se pratique déjà à l’international. Certains conseillers fédéraux n’ont pas caché leur sympathie pour cette deuxième alternative – quelle administration ne rêverait pas de recevoir des informations régulières sur ses citoyens contribuables ?

Les défenseurs de ce deuxième modèle mettent en avant la plus grande compatibilité avec les nouvelles règles du GAFI. Dans un modèle transparent, la conformité fiscale est systématiquement présumée : quel contribuable se risquerait à manquer à ses obligations déclaratives sachant que ses données seraient transmises à l’administration ?

Le débat promet déjà d’être animé. L’adoption d’un tel concept représenterait un changement de paradigme important pour notre pays. Ce n’est pas un hasard si le concept d’amnistie fiscale est réapparu à travers le dépôt d’une récente initiative parlementaire. Une procédure de régularisation facilitée serait une condition importante à toute transition de modèle. Les Etats européens ne s’y sont pas trompés : tout changement des règles du jeu doit s’accompagner au préalable d’une possibilité pour les citoyens concernés de se mettre en conformité.

Continuité ou adaptation ? Le calendrier et l’objet des votations restent incertains. Mais les enjeux sont clairs. Au cours des mois à venir, nos parlementaires et peut-être un jour le peuple suisse seront amenés à faire un choix entre deux modèles distincts régissant les relations entre Etat, citoyen contribuable et banquier.

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