Choc énergétique : le jour où Joan Baez a gagné la salle de spectacle de Montreux à cheval
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Publié mercredi 24 août 2022 à 22:29
Modifié jeudi 25 août 2022 à 11:15Aline Bassin, cheffe de la rubrique Economie
Joan Baez rides se rend à son concert à Montreux en cheval, lors d’un dimanche sans voitures, le 25 novembre 1973. — STR / KEYSTONE
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Comparaison n’est pas raison, mais à l’heure où le Conseil fédéral annonce ses premières mesures pour atténuer la crise cet hiver, un plongeon dans les années 1970, marquées par deux chocs pétroliers, livre toutefois quelques précieux enseignements
A l’image du bug informatique des années 2000, est-ce une angoisse collective qui accouchera d’une souris ? Ou, au contraire, l’hiver à venir se révélera-t-il synonyme de restrictions et de récession ? A ce jour, personne n’est capable de le dire, puisque l’intensité de la crise énergétique dépendra des conditions météorologiques, de l’état du parc nucléaire français et du bon vouloir russe.
Bougies, lainages et bouillottes… Nul besoin d’une imagination fertile pour visualiser le résultat de cette dangereuse équation si le scénario du pire se confirme. Les médias et les autorités en font trop ? Peut-être. Un plongeon dans les années 1970, marquées par deux chocs pétroliers d’une violence inédite – en 1973, en douze mois, le prix du baril de pétrole a quadruplé, passant de 3 à 12 dollars – nous apprend toutefois que de telles perspectives ne sont pas que le fruit d’élucubrations destinées à soutenir les ventes d’anxiolytiques.
Des privations énergétiques ont bien émaillé une décennie qui a sonné le glas des Trente Glorieuses économiques d’après-guerre. A l’époque, la consommation énergétique occidentale était tributaire des pétromonarchies du Moyen-Orient comme elle l’est aujourd’hui – dans une moindre mesure – de la Russie de Vladimir Poutine.
Une société en manque de modèle
Oubliée, l’anecdote de la chanteuse américaine Joan Baez qui avait alors dû se rendre à son concert à Montreux à dos de cheval, dimanche sans voitures oblige, prête à sourire. Des témoignages relevés par Le Monde décrivent en revanche avec une grande acuité le quotidien peu engageant d’une société en manque d’énergie : interdiction de chauffer à plus de 20 degrés par-ci, robinets corsetés de ruban adhésif pour rappeler à quel point l’eau chaude était devenue un bien de luxe par-là, files d’attente devant les stations-services de l’autre côté de l’Atlantique.
En arriverons-nous là ? Encore une fois, rien ne permet de l’affirmer. Mais même s’il faut se méfier des comparaisons historiques, cette décennie qui a été marquée par la stagnation économique et l’inflation rappelle que dans les crises se dessinent souvent les grandes orientations que vont prendre les sociétés. Le reaganisme et le thatchérisme ont ainsi été les enfants d’une période qui a échoué à consacrer l’interventionnisme étatique.