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Holodomor - Famine en Ukraine dans les années 1930 ou génocide ? vidéo

lundi 13 mars 2023, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 27 février 2023).

Holodomor et complaisance. Lettre ouverte à la RTBF

https://www.legrandsoir.info/holodo…

25 février 2023

André LACROIX

Le 15 décembre 2022, le Parlement européen votait massivement une résolution assimilant à un génocide la famine qui a frappé l’Ukraine dans les années trente. Cette initiative parlementaire, complaisamment relayée par la presse, m’a inspiré la lettre ouverte suivante adressée au rédacteur en chef de La Première, le département radio de la RTBF (Radio-télévision belge francophone).

Monsieur le Rédacteur en chef,
Cher Monsieur Marlet,

1) Le 15 février, j’interpellais en ces termes Eddy Caekelberghs, journaliste de la RTBF La Première :

Cher Monsieur Caekelberghs,
Dans l’émission « Le fin mot » de ce 15/02/2023, vous avez fait vôtre l’assimilation de l’Holodomor à la Shoah.
Cette manière de voir est pourtant contestée par d’éminents historiens comme la Française Annie Lacroix-Riz ou l’Etatsunien Marc Tauger.
Une plus grande réserve journalistique eût été selon moi préférable.
A votre disposition pour en discuter.
Bien à vous.
André Lacroix

2) Le 22 février, je recevais de votre part l’aimable réponse suivante :

Bonjour Monsieur,

Vous avez récemment interpellé Eddy Caekelberghs à propos de l’holodomor. Certains historiens contestent effectivement l’appellation de génocide concernant ces massacres de masse commis par le régime de Staline. D’autres, et non des moindres, estiment au contraire qu’il s’agit bien d’un génocide. Quoi qu’il en soit de nombreux parlements dans le monde ont estimé que l’holodomor est un génocide. Vous avez le droit de ne pas être d’accord mais c’est une réalité démocratique à partir du moment où vous admettez, ce que j’espère, que le Parlement est l’instance démocratique d’un état de droit comme le nôtre.

J’ajoute que si nous tentons de répondre à nos auditeurs, lecteurs et spectateurs quand nous sommes interpellés, nous n’avons pas pour mission d’entretenir un dialogue hebdomadaire avec chacun d’entre eux. Croyez bien que nos journées sont suffisamment remplies comme cela.

Meilleures salutations

Pierre Marlet
Rédacteur en chef de La première
pma@rtbf.be
0475/376745

3) Ma réaction en date du 25 février sous forme de lettre ouverte

Cher Monsieur,

Tout d’abord je vous remercie pour votre réponse en vous rassurant : je n’ai nulle intention de vous importuner chaque semaine.

Permettez-moi ensuite de m’étonner de votre réponse. Que le Parlement soit l’instance démocratique d’un État de droit lui donnerait-il le droit d’interpréter un fait historique ? N’est-ce pas plutôt le travail des historiens ? C’est à cette question qu’avaient déjà répondu notamment nombre d’autorités académiques belges, lors d’un précédent vote du même Parlement européen, le 19/09/2019, assimilant nazisme et stalinisme (1). De cette prise de position critique, basée sur le rappel des faits dûment avérés, il ressortait que l’initiative parlementaire européenne n’était rien d’autre qu’une dangereuse tentative de réécrire l’histoire. Que le vote des députés européens ait été acquis à une très large majorité (535 oui, 66 non et 52 abstentions) ne lui accorde aucune crédibilité historique ; il démontre seulement qu’à Strasbourg comme à Bruxelles, la Droite, pour imposer ses vues, peut compter sur les socialistes gagnés à l’atlantisme et sur des écologistes ayant renoncé à leur idéal pacifiste.

Comme on pouvait s’y attendre, l’intervention russe en Ukraine n’a fait qu’aggraver la russophobie du Parlement européen : c’est ainsi qu’à l’occasion du vote du 15/12/2022 sur la résolution qualifiant de génocide la famine des années trente en Ukraine, il n’y a eu, face au 507 oui, que 12 non et 17 abstentions (dont celle du Belge Marc Botenga, qui a dû se sentir bien seul). Ici encore il y a eu usurpation de compétence, les députés européens devenant tout à coup des historiens patentés.

Vous m’écrivez : « Vous avez le droit de ne pas être d’accord mais c’est une réalité démocratique à partir du moment où vous admettez, ce que j’espère, que le Parlement est l’instance démocratique d’un état de droit comme le nôtre. » Si je comprends bien cette phrase amphigourique, je devrais admettre que vous, en tant que journaliste, vous admettez qu’une majorité politique a le droit d’imposer une vérité historique. La mission de la presse ne serait-elle pas au contraire de faire preuve d’esprit critique vis-à-vis du pouvoir (en l’occurrence le pouvoir législatif) et de contextualiser les événements ? Comment, en effet, ne pas voir dans le vote du Parlement européen une tentative politique d’interpréter sinon de réécrire une histoire vieille de nonante ans afin d’exacerber d’actuelles positions antirusses ? Un député européen n’a même pas caché son goût pour les symétries de fausses fenêtres en prétendant que, comme dans les années trente, la Russie est aujourd’hui en train d’affamer la population ukrainienne (2) ! Comment se fait-il que notre « grande presse » n’ait pas dénoncé ce grossier parallélisme ?

Mais, plus fondamentalement, comment se fait-il que vous fassiez davantage confiance à des politiciens opportunistes qu’à des historiens dont le métier est de prendre de la distance par rapport aux événements passés ? N’incomberait-il pas aux journalistes de compenser l’inculture historique de tant de politiciens par la fréquentation d’ouvrages de référence – qui établissent clairement la fausseté de l’accusation de génocide à propos de la famine qui a frappé l’Ukraine (comme d’autres parties de l’URSS) en 1932-1933 ? Je pense à l’historien étatsunien Mark Tauger (3) ou à l’historienne française Annie Lacroix-Riz (4) dont très probablement l’immense majorité des députés européens presse-boutons n’a jamais entendu parler.

Plus fondamentalement encore, je me demande si, à quelques exceptions près, les journalistes occidentaux ont encore la capacité de s’extraire du magma atlantiste caoutchouteux dans lequel ils sont empêtrés comme Louis de Funès dans L’aile ou la cuisse. Si la presse européenne avait eu quelque indépendance par rapport au pouvoir politique, elle aurait dû s’opposer de toutes ses forces à la censure frappant Spoutnik et Russia Today et exiger le retrait de l’ukase édicté par la Commission en contradiction avec l’idéal de liberté dont se targue l’Union européenne. Ce n’était manifestement pas à l’ordre du jour des journalistes ayant largement assimilé l’idéologie de l’OTAN, depuis la grande presse française possédée par de riches patrons comme : (par ordre alphabétique) Arnault, Bolloré, Drahi, Lagardère, Niel, Pigasse ou Pinault − jusqu’à, hélas, la RTBF : pas plus tard que le 23 février au matin, sur les ondes de La Première, à propos de l’initiative de paix chinoise, j’ai entendu une de vos journalistes parler de « copinage » entre la Russie et la Chine, trahissant ainsi, par l’emploi de ce terme péjoratif, une russophobie et une sinophobie parfaitement intégrées.

Veuillez agréer, Monsieur le Réacteur en chef, cher Monsieur Marlet, l’expression de ma considération distinguée.

André Lacroix
Rixensart

(1) https://www.lesoir.be/251369/articl…

(2) https://fr.euronews.com/video/2022/…

(3) https://editionsdelga.fr/portfolio/…

(4) https://vimeo.com/151994776

Mark Tauger

https://editionsdelga.fr/portfolio/…

De sa formation originelle au xe siècle jusqu’aux xixe et xxe siècles, la Russie a connu un long passé de famines (plus de quatre cents recensées). En URSS, la NEP, que Lénine dut mettre en place suite à la guerre dite « civile », n’était pas parvenue à éradiquer ce fléau, comme le démontrent les famines de 1924 et 1928. Dans l’espoir d’y mettre un terme, l’URSS s’inspira des conseils des meilleures fermes industrielles américaines pour lancer la collectivisation. De fait, après la famine de 1932-1933, il n’y eut pas d’autre famine majeure avant celle de 1946 qui se situait dans les difficiles conditions de l’après-Seconde Guerre mondiale. Autrement dit, ce n’est pas la collectivisation qui a créé la famine, mais c’est au contraire la collectivisation qui l’a éradiquée. Quant à la thèse conspirationniste qui attribue au régime soviétique la volonté de tuer par la faim les nationalistes ukrainiens, les recherches de Mark Tauger, historien reconnu de l’agriculture russe et auteur d’une histoire mondiale de l’agriculture, contestent cette interprétation trop largement répandue et véhiculée notamment par Robert Conquest et Timothy Snyder. Contrairement à ce que disent ces auteurs, le régime a réduit ses exportations de blé et distribué des millions de tonnes de vivres à partir de ses réserves pour contrer la famine, ce qui invalide l’image d’une famine artificiellement créée. De plus, la famine ne se limitait pas à l’Ukraine, mais a touché pratiquement toute l’Union soviétique et elle résultait d’abord d’une série de catastrophes naturelles qui ont diminué considérablement les récoltes. Plus important encore, le régime soviétique dépendait pour sa survie de la paysannerie et s’est appuyé sur elle pour surmonter la famine. Les paysans ont ainsi produit une plus grande récolte en 1933, malgré les conditions tragiques dans lesquelles ils ont dû travailler. Ces éléments montrent que la collectivisation a permis la mobilisation et la répartition des ressources, comme l’usage des tracteurs, l’aide aux semences et l’aide alimentaire, afin de permettre aux agriculteurs de produire une bonne récolte pendant une famine sans précédent dans l’histoire russe puis soviétique. Enfin, l’un des désastres naturels qui causa la famine de 1933 incita le scientifique soviétique Pavel Loukianenko à créer de nouvelles variétés de blé, ce qui fut à l’origine de la révolution verte soviétique.

Nombre de pages : 406 (grand format)
Prix public : 28 euros
Références : 978-2-37607-114-3

En savoir plus sur l’auteur

La campagne internationale sur “La famine en Ukraine”, de 1933 à nos jours, par Annie Lacroix-Riz

https://www.initiative-communiste.f…

https://vimeo.com/151994776

14 janvier 2016

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