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Mégabassines, barrages : comment ils assèchent l’Espagne

mardi 18 avril 2023, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 18 avril 2023).

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Publié le 17 avril 2023 à 16h48
Modifié le 18 avril 2023 à 10h08

Alban Elkaïm

En Espagne, des barrages permettent de créer d’immenses retenues d’eau servant à l’irrigation. - Manuel Cohen / AFP

En Espagne, les mégabassines sont néfastes, mais ces grands réservoirs ne sont qu’une partie du problème. L’agriculture intensive accapare toutes les ressources en eau du pays.

Séville (Espagne), correspondance

En Espagne, la gestion de l’eau a toujours été un défi et les mégabassines fleurissent depuis plus de quarante ans. Pourtant, à la différence de la France, les écologistes se mobilisent peu sur la question. Pas que ces énormes retenues d’eau soient plus vertueuses de l’autre côté de la frontière. Mais la surexploitation des ressources hydriques par l’agriculture intensive a pris une telle ampleur chez nos voisins que les bassines, grandes ou petites, ne sont perçues que comme l’un des nombreux rouages du pillage de l’or bleu.

« Elles sont bien sûr problématiques et nous devons les dénoncer. Mais nous avons tellement de travail ici que nous ne pouvons nous préoccuper de tout. On se concentre sur les problèmes principaux, comme les grands barrages et l’état pitoyable des cours d’eau », soupire Julio Barea, responsable des campagnes sur l’eau de Greenpeace Espagne. « Nous sommes habitués à vivre avec les bassines et les voyons comme un mal secondaire. »

Les coupables : les agro-industriels

Le bassin hydrographique du fleuve Guadalquivir, en Andalousie, offre une parfaite illustration du phénomène. 52 % de ses eaux souterraines sont en mauvais état. 37 % ont un niveau trop bas, selon un rapport publié en novembre dernier par Greenpeace. Les coupables ? « L’irrigation et le manque de contrôle de l’irrigation. »

« On a toujours capté et stocké de l’eau dans des bassines en hiver pour l’utiliser l’été. Certaines de deux ou trois millions de mètres cubes, construites dans les années 1970-80 », dit Joan Corominas, ingénieur agronome à Séville et vice-président de la Fondation nouvelle culture de l’eau (FNCA). « Elles se sont multipliées entre 1995 et 2015, avec les politiques publiques de modernisation des infrastructures d’irrigation. » Celles remplies avec de l’eau pompée dans les nappes — et non des eaux de surface des rivières par exemple — sont les plus néfastes.

Ces politiques dites de modernisation de l’irrigation se poursuivent en Andalousie. Elles financent notamment la construction de nouvelles retenues d’eau. Depuis le début de l’année, deux grands bassins ont été inaugurés dans la zone du Guadalquivir. « Le gouvernement régional est préoccupé par la sécheresse. Cela fait deux ans qu’il publie des décrets, se prépare et construit des infrastructures pour combattre le changement climatique, explique-t-on à la Junte d’Andalousie, le gouvernement régional, contacté par Reporterre. Pour 2023, il prévoit un budget pour qu’agriculteurs et éleveurs puissent, entre autres, avoir des bassins sur leur exploitation pour mieux gérer leur usage de l’eau. « La modernisation des infrastructures permet d’éviter de perdre de l’eau. Nous économisons 12,6 millions de mètres cubes chaque année. Les bassines collectent également l’eau de pluie ».

Plus de 1 200 énormes barrages détruisent les cours d’eau

Toutes les bassines ne se valent pas. « Certaines servent à gérer la consommation d’eau dans le temps, sans en tirer plus que ce qui est durable. Mais, de façon générale, l’intention est de prélever toujours plus d’eau », estime Joan Corominas, pour qui ces retenues sont déjà trop nombreuses.

Car l’Andalousie est une région sèche, mais elle jouit d’un ensoleillement exceptionnel et de températures clémentes durant les mois où les autres pays européens ne peuvent produire de fruits et légumes. « Si tu arroses, tes cultures sont beaucoup plus productives », explique Julio Barea. « Nous sommes le “potager de l’Europe”. Mais en exportant des fruits et légumes, on exporte notre eau. Alors que nous n’en avons pas. »

Dans cette fuite en avant, les bassines restent un problème de second ordre face aux plus de 1 200 énormes barrages qui détruisent les cours d’eau du pays pour créer des retenues titanesques, bien plus grandes que les mégabassines. En tout, il y a 170 000 barrages, petits ou grands, en Espagne. À tel point que « certains groupes écologistes ont déjà fait pression pour obtenir la fabrication de mégabassines comme alternative à un projet de barrage », souligne le chargé de campagne de Greenpeace.

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