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Bourgeoisie transnationale, petite bourgeoisie métropolitaine, même combat : en finir avec l’urbanité populaire parisienne (DOC)

samedi 29 février 2020, par anonyme (Date de rédaction antérieure : 29 février 2020).

Article au format .doc : http://mai68.org/spip2/IMG/doc/GP_2…

Le 29 février 2020, par Jean-Pierre Garnier, sociologue urbain (CNRS)

Marie Hélène Bacqué, sociologue ; Daniel Behar, urbaniste ; Patrick Bouchain, architecteurbaniste ; Guy Burgel, géographe ; Xavier Capodano, libraire ; Paul Chemetov, architecte ; Louis Cohen, historien ; Henri Coing, sociologue ; Laurent Davezies, économiste ; Jacques Donzelot, sociologue ; Monique Eleb, sociologue ; Annie Fourcaut, historienne ; Béatrice Giblin, géographe ; Antoine Grumbach, architecte-urbaniste ; Jacques Lévy, géographe ; Yves Lichtenberger, sociologue ; Yves Lion, architecte -urbaniste ; Magda Maaoui, géographe urbaniste ; David Mangin, architecte–urbaniste ; Pierre Mansat, ex-élu parisien [1995-2014] ; Ariella Masboungi, architecte-urbaniste ; Olivier Mongin, essayiste ; Jean-Marc Offner, politiste, urbaniste ; Jean-Pierre Orfeuil, ingénieur et urbaniste ; Philippe Panerai, architecte-urbaniste ; Antoine Picon, historien ; Serge Renaudie, architecte urbaniste paysagiste ; SimonRonai, urbaniste ; Pierre Veltz, sociologue, économiste ; Jean Viard, sociologue ; Jean-Louis Violeau, sociologue…

Ce sont là quelques un[e]s des signataires d’une tribune à la gloire du Grand Paris, l’un de ces projets urbanistiques monstrueux dont le capitalisme, devenu transnational, a l’art d’accoucher par l’entremise de ses servants diplômés les plus zélés (1). Or, ils composent avec quelques autres un échantillon très représentatif de cette faune domestiquée qui a cru bon d’ameuter les Franciliens lecteurs de L’ImMonde pour les convaincre d’apporter leur soutien enthousiaste à un projet qui achèvera de les déposséder d’un « droit à la ville », désormais métropolisée, de plus en plus exclusif et excluant.

Tout ce petit monde, ce monde de néo-petits bourgeois, n’a eu de cesse, pour faire carrière dans leurs disciplines respectives — le terme « discipline » devant être également pris avec sa connotation d’obéissance aux règles et aux normes imposées par les puissants —, de se plier aux desiderata, voire de les anticiper, des capitalistes et de leurs fondés de pouvoir politiques aux poste de commande des institutions locales. Les architectes-urbanistes en concoctant des plans destinés à valoriser le capital investi dans la production de l’espace et à mettre en valeur leurs heureux détenteurs ; les sociologues, en aidant les dominants à connaître les dominés pour mieux les dominer et en peaufinant des mécanismes de « participation » pour faire croire à ces derniers qu’ils vivent « en démocratie » ; les géographes en analysant les territoires pour promouvoir une urbanisation sans urbanité synonyme de rentabilité ; les historien[e]s en expulsant de l’histoire des villes la lutte des classes dont leur devenir est plus que jamais en partie le produit ; les politologues en jouant les conseillers du Prince, élu ou non, sur les moyens de maintenir une légitimité « républicaine » de plus en plus contestée par ses sujets ; ou encore un ancien adjoint du maire de Paris, étiqueté « communiste », fanatique partisan d’un « Grand Paris fédérateur et mobilisateur » qui achèvera de gommer tout ce qui peut rester de « rouge » dans ce qu’il aura englobé. Il n’est pas jusqu’à un libraire, qui fait commerce avec la littérature pondue par les précédents et destinée à leurs pairs ou leurs héritiers étudiants, pour joindre son nom à la liste par souci de manifester sa gratitude à leur égard, à moins que ce ne soit par peur qu’ils l’oublient.

À des titres et selon des statuts divers, ces gens appartiennent tous à la petite bourgeoisie intellectuelle, cette classe d’« agents dominés de la dénomination » comme les nommait le sociologue Pierre Bourdieu, qui mettent sans remord aucun, voire avec cynisme pour les plus lucides, leur capital scolaire, culturel et relationnel à la disposition du capital tout court. Tous se proclament « de gauche », y compris ceux qui ont voté Macron, ce qui pourrait sembler paradoxal pour des gens qui œuvrent sans faille à l’em(petit)bourgeoisement des grandes villes françaises, si la gauche dont ils se réclament n’avait pas fait la preuve, toutes les fois où elle est parvenue au pouvoir, de n’être qu’une deuxième droite.

Partant du postulat selon lequel les Parisiens n’étaient pas seulement les habitants de Paris et encore moins ces « mégapolitains » anonymes et incertains que des esprits aussi pessimistes que chagrins les soupçonnaient en passe de devenir, l’historien et démographe, professeur au Collège de France, Louis Chevalier, les définissait comme des individus dotés d’une personnalité et d’une authenticité certaines, conservées depuis des siècles et appelées à perdurer (2). Quelques années plus tard, alors qu’un urbanisme dévastateur effaçait peu à peu le substrat matériel et humain sur lequel se fondait la spécificité et l’originalité de la capitale et de ses habitants, les distinguant ainsi de leurs homologues des pays voisins, tandis qu’une architecture qui semblait venir à la fois de nulle part ou de partout en défigurait le paysage comme l’image, L. Chevalier dut déchanter. À tel point que, plein d’amertume, il laissa sa rage s’exprimer dans un autre ouvrage dont le titre, imposé par l’éditeur et différent de celui auquel il avait songé, n’en résumait pas moins le bilan totalement négatif que dressait l’auteur de la mutation urbaine en cours : L’assassinat de Paris (3). On n’ose imaginer la réaction de l’honorable normalien, s’il était encore en vie, à la vue, « horrifique », aurait dit Rabelais, de ce qu’est aujourd’hui une ville qui, à se confondre de plus en plus avec la banlieue informe et prolifèrante qui l’enserre, mérite plus que jamais le nom d’« agglomération parisienne », et à qui de surcroît le projet du Grand Paris, loin de restituer sa grandeur d’antan, ne fera que donner le coup de grâce. Bref, une fois de plus le béton refroidira la ville, au sens argotique du terme.

Plutôt que décrire une fois encore par le menu des étapes de ce massacre annoncé, je me contenterai d’évoquer ce sur quoi il va déboucher en empruntant à une élue locale parisienne, qui, presque seule contre tous à l’Hôtel de Ville, s’évertue à sonner l’alarme. Dans un ouvrage vivifiant, documenté et argumenté (4), Danièle Simonet expose dans un paragraphe ce que sera devenu Paris sous la houlette de l’un des maîtres d’œuvre, si l’on peut dire, les plus influents dans la mise à l’encan de la capitale au profit du capital : l’adjoint à la mairie de Paris « chargé de l’urbanisme, de l’architecture, des projets du Grand paris, du développement et l’attractivité économique ». À savoir Jean-Louis Missika, lobbyiste multicartes.

« Il va défendre et amplifier l’orientation impulsé sous Delanoë, de Pôles de Compétitivité, d’Arc de l’Innovation, démultiplier les moyens alloués à des incubateurs à start-up et de soutien à la finance. Les Anglais s’engagent dans le Brexit, et l’obsession de Jean-Louis Missika est d’attirer les financiers de la City, pour faire de Paris la capitale de la Finance et de l’Innovation. Le territoire parisien va compter ainsi plus d’une soixantaine d’incubateurs et accélérateurs, et le projet phare, la station F, située dans le 13e, va permettre à celui qu’il considère comme un génie et ami, le milliardaire Xavier Niel, d’accéder à 34 000 m2 au cœur du quartier Paris rive gauche. Faire de Paris une « ville intelligente, connectée, un espace d‘expérimentation, un “urban lab” pour des industries créatives, des Makes up, des Fab Lab, des espaces de co-working : en écho à la start-up Nation de Macron ,en route pour la start-up City de Missika ! Paris et la France méritent vraiment mieux que cela !

Notes :

1. « Avec le Grand Paris, le temps de la citoyenneté métropolitaine est venu », Le Monde, 19 février 2020.

2. Louis Chevalier, Les Parisiens, Hachette, 1967. Rééd. 1985

3. Louis Chevalier, L’assassinat de Paris, Calmann-Lévy, 1977. S’inspirant d’un poète du Bas-Empire romain, L. Chevalier aurait préféré choisir comme intitulé un vers qui était venu celui-ci alors qu’il fuyait Rome mise à sac et incendiée par les barbares : « Et les villes aussi peuvent mourir » (« Et urbes quoque posse morir »).

4. Danièle Simonet, Paris, Les moineaux reviendront, Au diable vauvert, 2020 d’accéder à 34 000 m2 au cœur du quartier Paris rive gauche. Faire de Paris une « ville intelligente, connectée, un espace d‘expérimentation, un “urban lab” pour des industries créatives, des Makes up, des Fab Lab,des espces de co-worrking : en écho à la start-up Nation de Macron ,en route pour la start-up City de Missika ! Paris et la France méritent vraiment mieux que cela ! »

5 Messages de forum

  • Bien sûr, mais il n’y a eu aucun mouvement contre les JO à PARIS… Maintenant il faudrait faire des manifs pour délocaliser les JO à LIMOGES - AURILLAC - ANGOÛLEME au frais de PARIS, ou à DAX et MONT-DE-MARSAN, ou à CASTRES et ALBI + MAZAMET, ou encore à LONGWY et BURE …etc. Mais un tel mouvement est peu probable vu la microcéphalie généralisée et le sida mental écolo qui écrasent les imaginaires.

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  • Tout ce petit monde, ce monde de néo-petits bourgeois, n’a eu de cesse, pour faire carrière dans leurs disciplines respectives — le terme « discipline » devant être également pris avec sa connotation d’obéissance aux règles et aux normes imposées par les puissants —, de se plier aux desiderata, voire de les anticiper, des capitalistes et de leurs fondés de pouvoir politiques aux poste de commande des institutions locales.
    À des titres et selon des statuts divers, ces gens appartiennent tous à la petite bourgeoisie intellectuelle, cette classe d’« agents dominés de la dénomination » comme les nommait le sociologue Pierre Bourdieu, qui mettent sans remord aucun, voire avec cynisme pour les plus lucides, leur capital scolaire, culturel et relationnel à la disposition du capital tout court.

    Super ! Et merci.
    Cela fait toujours plaisir de se sentir moins seul, même si malheureusement cela ne change rien (car tout le monde s’en fout ou presque…).

    http://mai68.org/spip2/spip.php?art…

    Le népotisme général, (que tu définis ?) c’est le capitalisme et sa domination hiérarchique qui s’affiche au grand jour, sans complexe.
    Ce que je veux mettre en relief c’est sa subdivision inavouable, inavoué ou qui se cache dans la population : Le piston, la cooptation d’individus qui sous les apparences louables de vouloir libérer la parole ou la créativité populaire en deviennent par leurs fonctionnements, leurs modes d’actions et grâce à leurs statuts sociaux, les juges et les bourreaux plus ou moins important au lieu d’en être suivant les buts initiaux annoncés, les passeurs.
    En gros les associations subventionnées par les divers acteurs territoriaux et dirigées par celles et ceux que l’on nomme de façon hâtive et superficiel, les bobos pour bien éviter de voir et de comprendre le fond du problème, la censure économique donc sociale et le plus souvent fatale vis à vis des dominés : prolétaires, sous-prolétaires / lumpenprolétariat .
    Et en France dans le milieu dit de la culture, le népotisme culmine avec un opportunisme triomphant inégalable.

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