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Comaguer 472 - 31 mars 2022 - « Une géorgienne née en France »

vendredi 1er avril 2022, par SUN TZU (Date de rédaction antérieure : 1er avril 2022).

Bulletin COMAGUER n° 472

31 Mars 2022

***

« Une géorgienne née en France »

(Portrait politique)

Cette affirmation étrange fait partie des biographies officielles de Madame Salomé Zourabichvili telles qu’elles se retrouvent sur Wikipedia et d’autres sites très consultés.

Que Madame Zourabichivili soit aujourd’hui présidente de la République de Géorgie semble bien attester de sa nationalité géorgienne, au moins depuis un certain temps.

Mais il ne fait pas de doute qu’elle est bien née en France en 1952 dans une famille de l’aristocratie géorgienne ayant fui la nouvelle république soviétique instaurée en Géorgie en 1922. Elle est donc née d’une famille géorgienne exilée en France et le droit du sol a fait d’elle une citoyenne française. Sa famille a-t-elle été naturalisée et quand ? Dés son arrivée en France ? Plus tard ? Une véritable recherche dans les archives du Ministère de l’Intérieur devrait apporter une réponse claire.

Ce qui est connu par contre c’est que d’autres membres de la famille Zourabichvili sont venus en France après la première guerre mondiale. Il s’agit de descendants d’Ivane Zourabichvili (1871-1942) député de la constituante géorgienne (1920-1921) et directeur des chemins de fer géorgiens. Parmi eux : Georges Zourabichvili (1898-1944) et son frère Levan (1906-1975).

Le premier est le père d’une personnalité française très connue puisqu’il s’agit de Mme Hélène Carrière d’Enchausse née en 1929, historienne et aujourd’hui secrétaire perpétuel de l’Académie Française qui porte le nom de son mari Louis Carrère dit Carrère D’encausse né en 1927. Georges Zourabichvili, installé en France dans les années vingt, disparait en 1944. Voici ce que son petit fils Emmanuel Carrère dit de cette disparition ;

Dans son livre Un roman russe, Emmanuel Carrère lève un tabou familial en donnant des détails sur son grand-père et sa disparition tragique :

« […] Mon grand-père maternel, Georges Zourabichvili, était un émigré géorgien, arrivé en France au début des années 20 après des études en Allemagne. […] Les deux dernières années de l’Occupation, à Bordeaux, il a travaillé comme interprète pour les Allemands. À la Libération, des inconnus sont venus l’arrêter chez lui et l’ont emmené. Ma mère avait 15 ans, mon oncle 8. Ils ne l’ont jamais revu. On n’a jamais retrouvé son corps. Il n’a jamais été déclaré mort. Aucune tombe ne porte son nom. Voici, c’est dit. Une fois dit, ce n’est pas grand-chose. Une tragédie, oui, mais une tragédie banale, que je peux sans difficulté évoquer en privé. Le problème est que ce n’est pas mon secret, mais celui de ma mère… »

Hélène Carrère d’Encausse est mentionnée dans les SOUVENIRS de l’écrivain d’extrême droite Maurice Bardèche (page 250) : « De ces nouveaux venus, la plus attachante, la plus inattendue était une jeune Géorgienne qui nous montra tant d’affection qu’elle nous fut aussi chère, à Suzanne et à moi, que si elle elle était l’un de nos enfants. » Cité par Angelo Rinaldi – L’Express, 11 mars 1993.

Ce qui semble indiquer que pendant l’occupation allemande elle était hébergée par la famille Bardèche. A l’époque elle est encore apatride et n’obtiendra la nationalité française qu’en 1950.

Sa cousine va elle aussi connaitre un destin exceptionnel. Mais beaucoup d’éléments manquent dans sa biographie telle qu’il est possible de la reconstituer par des recherches sur Internet D’une famille d’aristocrates aisés et cultivés comme sa cousine, elle fait ses études à Sciences Po de 1969 à 1972 et de 1972 à 1974 à l’université Columbia à New-York. Là elle sera élève d’un des grands maitres de la politique étrangère étasunienne Zbignew Brzezinski qui est à l’époque président en exercice de la Commission Trilatérale.

De retour des Etats-Unis en 1974 elle entre directement au Ministère es Affaires étrangères. Elle ne serait donc pas passée par l’ENA où se recrute la plupart des trés hauts cadres du Quai d’Orsay ou par un des concours très sélectifs qui recrutent pour certaines zones géographiques. Elle n’est donc qu’une salariée contractuelle n’ayant pas passé un concours d’entrée dans la fonction publique. Pourtant son ascension dans la diplomatie française est très rapide. Quelques étapes : ambassade de France à Rome, représentation française à l’ONU, ambassade de France à Washington (1984-1988) (Il faut souligner que les postes à l’ambassade de France à Washington, la plus grosse ambassade de France à l’étranger, sont très recherchés) puis au Tchad (1988-1990).

Et la voici en 1990 membre de la délégation diplomatique française permanente à l’OTAN. ONU, Washington OTAN et la référence Brzensiski avec un tel parcours la porte est ouverte pour entrer directement en 1996 au cabinet d’Hervé de Charrette ministre des affaires étrangères des deux gouvernements Juppé de 1995 à 1997. Son ascension se poursuit : la voici en 2001 au cabinet du premier ministre Dominique de Villepin au poste très important de responsable des affaires internationales et stratégiques.

En Mars 2003 la géorgienne née en France retrouve la terre de ses ancêtres en qualité d’ambassadeur de France à Tbilissi. Six mois plus tard éclate en Géorgie la révolution des roses la première des révolutions de couleur conçue pars les Etats-Unis dans la périphérie de la Russie. Cette diplomate qui connait tous les secrets de la politique otanienne se trouve parfaitement adaptée à la nouvelle donne politique géorgienne. Elle sait que la Géorgie fait partie d’une nouvelle organisation internationale créée ne 1997 le GUAM qui regroupe 4 anciennes républiques soviétiques Géorgie, Ukraine, Azerbaïdjan Moldavie et qui a été constituée sous parrainage otano-étasunien pour organiser dans le camp occidental les confins sud de la Russie. Cette alliance anti russe portera ses fruits puisque la Géorgie et l’Ukraine seront en 2004 le théâtre de deux révolutions de couleur permettant de chasser du pouvoir les dirigeants issus de la période soviétique Chevardnadze et Koutchma.

Elle est tellement adaptée à la nouvelle politique de Washington en Géorgie que lorsque Chirac accueille à l’Elysée en Mars 2004 le nouveau président Saakachvili, celui-ci n’hésite pas à demander à ce que Salomé Zourabichvili qui assiste à la rencontre devienne son ministre des affaires étrangères. Chirac accepte. Il fait ainsi plaisir aux Etats-Unis qui ont manifesté un fort mécontentement à son encontre après le refus de la France de participer à la guerre du Golfe et en même temps n’est pas mécontent de mettre un pied dans cette zone troublée. Les révolutions de couleur viennent d’avoir lieu en Géorgie et en Ukraine

Mais Mme Zourabichivili, diplomate française connaissant de nombreux secrets d’Etat n’a pas la nationalité géorgienne. Délicat pour un ministre… .

Ce petit problème administratif sera rapidement réglé par un décret spécial du président géorgien. A ce nouveau poste elle va pouvoir développer une politique pro-étasunienne pro-OTAN à laquelle elle est parfaitement préparée.

La voici en tout cas, et bien que Saakachvili l’ait limogée des 2005, définitivement intégrée à la vie politique de son nouveau/ancien pays à laquelle elle va participer activement et dont toutes les étapes et péripéties sont assez faciles à suivre dans ses biographies publiées.

La dernière, la plus connue, est l’élection présidentielle de 2018 qui la voit triompher au second tour. Mais la Géorgie a modifié en 2017 sa constitution et est passée d’un régime présidentiel à un régime parlementaire. Madame Zourabichvili devient donc présidente au moment précis où les pouvoirs présidentiels ont été réduits au profit du parlement et du gouvernement qui en est issu. La présidente n’a plus désormais qu’un rôle protocolaire.

Cependant ses profondes attaches Otano-étasuniennes la conduisent effectivement à suivre de prés la crise ukrainienne qui s’approfondit après Maidan 2 (2014) et à tenter d’engager le gouvernement géorgien dans un soutien résolu au gouvernement de Zelenski. Mais elle n’en a plus le pouvoir et va se trouver en opposition avec le gouvernement géorgien qui tient à ne pas s’associer aux nouvelles sanctions internationales contre la Russie.

Or le 14 Mars 2022 la Présidente est venue présenter à l’assemblée son discours annuel sur l’état du pays vêtue aux couleurs ukrainiennes et accompagnée du chargé d’affaires ukrainien à Tbilissi (L’ambassadeur d’Ukraine a en effet été rappelé par Kiev pour protester contre l‘attitude de neutralité de la Géorgie dans le conflit) et pour aggraver son cas elle a précisé que bravant l’interdiction écrite du gouvernement en date du 26 février de se rendre en visite officielle à l’étranger pour en fait y défendre des positions anti russes elle avait quand même effectué ses déplacements à Paris, Bruxelles, Berlin et Varsovie à titre personnel et en utilisant son vaste – on l’a compris – réseau de relations . Elle a donc gravement outrepassé ses pouvoirs en assumant son rôle d’agent de l’Otan et elle s’en est glorifié publiquement.

Résultat : le gouvernement géorgien vient de déposer plainte contre elle auprès de la Cour Constitutionnelle pour violation de la constitution.

L’onde de choc de l’opération militaire russe en Ukraine se propage.

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