À propos de la destruction de la Palestine au profit d’Israël, le Hezbollah, par exemple, considère que ce sont les USA le vrai coupable. Je le pense aussi. Pour moi, Israël n’est qu’un, et rien qu’un, porte-avion américain. « Israël est notre gendarme du moyen-Orient » disait Nixon en 1973. Et les divers lobby sionistes disparaîtraient instantanément ou presque, et en tout cas, n’auraient plus aucun pouvoir si la CIA cessait de les commanditer. Cependant il existe des avis divergents à ce sujet. Je vous propose celui de Jean Bricmont et Diana Johnstone qui est totalement opposé mon avis, ainsi que celui de Stephen Zunes qui est un intermédiaire.
Palestine - Gaza - En pleine guerre : ‘Israël’ et les USA concluent un gigantesque contrat d’armement
Des responsables sécuritaires israéliens, dont le général Eyal Zamir, directeur de cabinet du ministère de la guerre, se sont rendus aux Etats-Unis pour négocier un gigantesque contrat d’armement.
L’accord a été signé, le jeudi 25 janvier 2024, entre les deux parties et va conférer à ‘Israël’ une quantité importante d’avions et de munitions.
Note de do : Cela montre bien à ceux qui avaient encore des doutes que le vrai coupable du génocide de Gaza est l’impérialisme américain, dont Israël n’est qu’un porte-avions. Ce n’est donc pas Israël qui aurait dû être porté devant la Cour Internationale de Justice, mais les USA.
Article complet : http://mai68.org/spip2/spip.php?article17423
Soutien des États-Unis à Israël : la faute à un puissant lobby ?
https://investigaction.net/soutien-…
6 mars 2024
Stephen Zunes
Sources : Common Dreams 2 mars 2024
Traduit de l’anglais par Arrêt sur Info 3 mars 2024
Les États-Unis soutiennent Israël en raison d’un intérêt stratégique perçu ; comment est-ce possible ? La nécessité de remettre en cause le soutien des États-Unis à la guerre et à l’occupation israéliennes est plus importante que jamais, mais il ne s’agit pas simplement de vaincre le lobby pro-israélien.
Les États-Unis ont longtemps fait figure d’exception internationale en soutenant le gouvernement d’extrême droite1 d’Israël. Le 20 février, l’administration Biden a opposé son troisième veto en quatre mois pour bloquer une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU appelant à un cessez-le-feu à Gaza, l’un des quarante-huit vetos dans lesquels elle a été le seul vote dissident de résolutions contestant les politiques israéliennes au cours des dernières décennies. Les États-Unis ont été l’un des dix membres de l’Assemblée générale de l’ONU à s’opposer à cette mesure. Les États-Unis font figure d’exception, même parmi leurs alliés les plus proches : seul un autre membre de l’OTAN, la République tchèque, s’oppose directement à un cessez-le-feu.
Le soutien des États-Unis à Israël valide une occupation qui dure depuis cinquante-six ans et qui s’accompagne de violations sans précédent du droit international et des normes en matière de droits de l’Homme.
Les relations étroites entre les États-Unis et Israël sont l’une des caractéristiques les plus constantes de la politique étrangère américaine depuis près de cinq décennies et demie. L’aide militaire de plus de 3 milliards de dollars envoyée chaque année à Israël par Washington – soit bien plus que ce que les États-Unis ont fourni à tout autre pays du monde, malgré la petite taille d’Israël – est rarement remise en question au Congrès, même par les libéraux qui contestent normalement l’aide américaine aux gouvernements qui se livrent à des violations généralisées des droits de l’Homme, ou par les conservateurs qui s’opposent habituellement à l’aide étrangère en général. Au début du mois, une large majorité bipartisane au Sénat a voté en faveur d’une aide militaire supplémentaire de 14 milliards de dollars au gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Bien que le soutien des États-Unis aux gouvernements israéliens successifs, comme la plupart des décisions de politique étrangère, soit souvent justifié par des raisons morales, rien ne prouve que les impératifs moraux jouent un rôle plus déterminant dans l’orientation de la politique américaine au Moyen-Orient que dans n’importe quelle autre partie du monde. Si la plupart des Américains sont attachés à la survie d’Israël en tant qu’État juif, cela n’explique pas le niveau de soutien financier, militaire et diplomatique fourni. L’aide américaine à Israël va bien au-delà de la protection des besoins de sécurité d’Israël à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues. Outre les crimes de guerre perpétrés à Gaza, l’aide américaine a soutenu des politiques que des groupes tels qu’Amnesty International et Human Rights Watch ont qualifiées de forme d’apartheid.
Si les intérêts d’Israël en matière de sécurité comptaient pour les décideurs américains, l’aide des États-Unis à Israël aurait été la plus élevée au cours des premières années de son existence, lorsque ses institutions démocratiques étaient les plus fortes et sa situation stratégique la plus vulnérable. L’aide aurait diminué au fur et à mesure que la puissance militaire d’Israël s’est accrue de manière spectaculaire et que la violence et la répression contre les Palestiniens dans les territoires occupés se sont accrues. C’est le contraire qui s’est produit : l’aide militaire et économique des États-Unis n’a commencé qu’après la guerre de 1967. En effet, 99 % de l’aide militaire américaine à Israël depuis sa création n’a été accordée qu’après qu’Israël se soit révélé beaucoup plus fort que n’importe quelle combinaison d’armées arabes et que les forces d’occupation israéliennes soient devenues les maîtres d’une importante population palestinienne.
De même, l’aide américaine à Israël est nettement plus élevée aujourd’hui qu’elle ne l’était dans les années 1970, lorsque les régimes arabes armés par l’Union soviétique menaçaient de le détruire. En revanche, non seulement les forces armées des États voisins sont relativement plus faibles, mais ils ont tous reconnu Israël ou se sont engagés à le faire en échange de la fin de l’occupation israélienne des territoires palestiniens et syriens.
Seul l’Iran pourrait être considéré comme une plus grande menace aujourd’hui. Toutefois, Israël dispose toujours d’une armée bien plus puissante, qui comprend des armes nucléaires, tandis que l’armée iranienne se concentre davantage sur les menaces des monarchies arabes lourdement armées du golfe Persique et sur d’éventuelles attaques des États-Unis et d’Israël concernant son propre programme nucléaire.
En bref, le soutien croissant des États-Unis au gouvernement israélien n’est pas principalement motivé par des besoins de sécurité objectifs ou par un engagement moral fort envers le pays. Au contraire, comme partout ailleurs, la politique étrangère des États-Unis est principalement motivée par la volonté de faire avancer les intérêts stratégiques qu’ils perçoivent.
Il existe un large consensus bipartisan parmi les décideurs politiques sur le fait qu’Israël a fait progresser les intérêts des États-Unis au Moyen-Orient et au-delà.
Par exemple, Israël a réussi à empêcher les victoires des mouvements nationalistes et islamistes radicaux au Liban, en Jordanie et en Palestine, tout en tenant en échec des régimes anti-américains comme la Syrie et l’Iran. Les armées des États-Unis et d’Israël sont inextricablement liées. Les guerres fréquentes d’Israël ont permis de tester les armes américaines sur le champ de bataille, et les services de renseignement israéliens ont aidé les États-Unis dans la collecte de renseignements et les opérations secrètes.
Israël a également servi d’intermédiaire pour l’acheminement des armes américaines vers des régimes et des mouvements trop impopulaires pour bénéficier ouvertement d’une assistance militaire directe. Pendant la guerre froide, il s’agissait notamment de l’Afrique du Sud de l’apartheid, de la République islamique d’Iran, de la junte militaire du Guatemala et des Contras du Nicaragua. Plus récemment, Israël a soutenu les paramilitaires colombiens et diverses milices kurdes, ainsi que les forces d’occupation marocaines au Sahara occidental.
Israël a coopéré avec le complexe militaro-industriel américain dans la recherche et le développement de nouveaux chasseurs à réaction et de systèmes de défense antimissile. Le pays a même formé des forces américaines destinées à l’Irak et à d’autres destinations du Moyen-Orient à des opérations de contre-insurrection et de lutte contre le terrorisme.
Comme l’a dit Joe Biden, « s’il n’y avait pas d’Israël, les États-Unis devraient inventer un Israël pour protéger [leurs] intérêts dans la région ».
Le soutien à l’occupation et à la répression continues d’Israël n’est pas sans rappeler le soutien des États-Unis à l’occupation du Timor oriental par l’Indonésie, qui dure depuis vingt-quatre ans, ou à l’occupation du Sahara occidental par le Maroc. Si cela est bénéfique pour les États-Unis, Washington est tout à fait disposé à soutenir les violations les plus flagrantes du droit international et des droits de l’homme par ses alliés et à empêcher les Nations unies ou toute autre partie de les contester. Tant que les impératifs amoraux de la realpolitik ne seront pas remis en question, la politique étrangère des États-Unis au Moyen-Orient et ailleurs ne reflétera pas la conviction de longue date du public américain selon laquelle les relations internationales des États-Unis devraient être guidées par des principes humanitaires.
D’importants secteurs de la population remettent en question la politique américaine à l’égard d’Israël et de la Palestine, alors qu’il existe un large consensus au sein de l’élite gouvernementale et des médias en faveur du soutien des États-Unis à la guerre et à l’occupation israéliennes. Nombre des démocrates libéraux du Congrès qui ont soutenu les mouvements progressistes sur d’autres questions de politique étrangère se sont rangés du côté des républicains de droite sur la question d’Israël et de la Palestine. Par conséquent, si l’impératif stratégique perçu est à l’origine du soutien des États-Unis à Israël, d’autres facteurs ont rendu cette question plus difficile pour les militants de la paix et des droits de l’homme que la plupart des autres.
Israël a servi d’intermédiaire pour l’acheminement des armes américaines vers des régimes et des mouvements trop impopulaires pour que l’on puisse leur accorder ouvertement une assistance militaire directe.
L’un de ces facteurs est l’attachement sentimental de nombreux libéraux à l’égard d’Israël. De nombreux Américains s’identifient également à la démocratie interne d’Israël pour ses citoyens juifs, à ses institutions sociales progressistes (telles que les kibboutzim) et à son rôle important de sanctuaire pour une minorité opprimée qui a passé des siècles dans la diaspora. En raison d’un mélange de culpabilité à l’égard de l’antisémitisme occidental, d’amitiés personnelles avec des Américains juifs qui s’identifient fortement à Israël et de la crainte d’encourager involontairement l’antisémitisme en critiquant Israël, il y a une énorme réticence à reconnaître la gravité des violations israéliennes des droits de l’homme et du droit international.
La droite chrétienne, qui compte des dizaines de millions d’adeptes et constitue un bloc électoral important pour le parti républicain, est une autre source clé (peut-être improbable) de soutien à Israël. Elle a mis son immense poids médiatique et politique au service de Netanyahou et d’autres dirigeants israéliens de droite. Fondée en partie sur une théologie messianique qui considère le rassemblement des juifs en Terre sainte comme un précurseur de la seconde venue du Christ, la bataille entre Israéliens et Palestiniens n’est, à leurs yeux, que la continuation de la bataille entre Israélites et Philistins, Dieu jouant le rôle d’un agent immobilier cosmique qui a estimé que la terre n’appartenait qu’à Israël – nonobstant les notions laïques concernant le droit international et le droit à l’autodétermination.
Pendant ce temps, les organisations juives traditionnelles et conservatrices ont mobilisé des ressources considérables en matière de lobbying, des contributions financières de la communauté juive et des pressions citoyennes sur les médias et d’autres forums de discussion publique pour soutenir le gouvernement israélien. Bien que le rôle du lobby pro-israélien soit souvent largement exagéré – certains affirmant même qu’il s’agit du principal facteur influençant la politique américaine – il a joué un rôle important dans certaines courses serrées au Congrès et a contribué à créer un climat d’intimidation parmi ceux qui cherchent à modérer la politique américaine, y compris un nombre croissant de juifs progressistes. Bien qu’il ne soit pas le principal facteur du soutien américain à Israël, il l’a rendu plus difficile à remettre en cause.
L’industrie de l’armement a également tout à gagner du soutien des États-Unis à Israël et à ses opérations militaires. L’industrie contribue cinq fois plus aux campagnes du Congrès et aux efforts de lobbying que l’AIPAC et d’autres groupes pro-israéliens, et a un intérêt considérable à soutenir les livraisons massives d’armes à Israël et à d’autres alliés des États-Unis au Moyen-Orient.
Bien qu’assez discret, le racisme généralisé à l’égard des Arabes et des musulmans, si répandu dans la société américaine, est souvent perpétué par les médias. Cette situation est aggravée par l’identification de nombreux Américains au sionisme au Moyen-Orient, qui reflète notre propre expérience historique en tant que pionniers en Amérique du Nord, construisant une nation fondée sur des valeurs nobles et idéalistes tout en supprimant et en expulsant la population autochtone.
L’incapacité des mouvements progressistes aux États-Unis à contester efficacement la politique américaine à l’égard d’Israël et de la Palestine a également joué un rôle dans la situation actuelle. Pendant de nombreuses années, la plupart des groupes pacifistes et de défense des droits de l’homme ont évité la question, ne voulant pas s’aliéner un grand nombre de leurs électeurs juifs et autres libéraux qui soutiennent le gouvernement israélien et ne voulant pas être accusés de s’allier à des antisémites. Par conséquent, en l’absence de toute pression compensatoire, les membres libéraux du Congrès n’ont guère été incités à ne pas céder aux pressions des partisans du gouvernement israélien. Entre-temps, certains groupes anti-israéliens se sont engagés dans une rhétorique extrême, franchissant parfois la ligne de l’antisémitisme pur et simple, s’aliénant ainsi des alliés potentiels dans la contestation de la politique américaine.
Malgré ces obstacles, il est plus important que jamais de remettre en question le soutien des États-Unis à la guerre et à l’occupation israéliennes. Non seulement elles ont entraîné d’énormes souffrances parmi les Palestiniens et les autres Arabes, mais elles nuisent aux intérêts à long terme d’Israël et des États-Unis, alors que des éléments de plus en plus militants et extrémistes surgissent en réaction dans le monde arabe et islamique. En fin de compte, il n’y a pas de contradiction entre le soutien aux juifs israéliens et le soutien aux Arabes palestiniens, car la sécurité israélienne et les droits des Palestiniens ne s’excluent pas mutuellement, mais dépendent l’un de l’autre.
L’opposition au soutien des États-Unis au gouvernement israélien a atteint un niveau sans précédent. Bien que ni l’administration Biden ni les dirigeants des deux partis au Capitole ne semblent écouter à ce stade, la majorité des Américains souhaite désormais clairement un changement de la politique américaine. Si la politique américaine était simplement la faute d’un puissant lobby, il serait plus facile de la changer. Malheureusement, elle est bien plus compliquée que cela, et il est essentiel de comprendre la dynamique de la politique américaine si nous voulons la changer.
Note :
1 Tous les gouvernements israéliens ont sauvagement opprimé les Palestiniens. Sous Barack – dit de gauche – l’armée israélienne les a opprimés tout autant.
Jean Bricmont et Diana Johnstone-Le mythe d’Israël comme « porte-avions américain » au Moyen-Orient
https://ecolepopulairedephilosophie…
8 mars 2024
Jean Bricmont et Diana Johnstone
Jean Bricmont est professeur de physique théorique à l’Université catholique de Louvain (Belgique) et auteur de nombreux articles et livres, dont Humanitarian Imperialism, La République des Censeurs et Fashionable Nonsense (avec Alan Sokal).
Diana Johnstone a été attachée de presse du Groupe des Verts au Parlement européen de 1989 à 1996. Dans son dernier livre, Circle in the Darkness : Memoirs of a World Watcher (Clarity Press, 2020), elle raconte les épisodes clés de la transformation de l’Allemagne. Le Parti Vert passe d’un parti de la paix à un parti de la guerre. Ses autres livres incluent Fools’ Crusade : Yougoslavia, NATO and Western Delusions (Pluto/Monthly Review) et en co-auteur avec son père, Paul H. Johnstone, From MAD to Madness : Inside Pentagon Nuclear War Planning (Clarity Press). Elle est joignable à diana.johnstone@wanadoo.fr
Si l’apartheid israélien devait disparaître, le pétrole et le commerce continueraient de circuler du Moyen-Orient vers l’Occident, écrivent Jean Bricmont et Diana Johnstone.
Par Jean Bricmont et Diana Johnstone Spécial pour Consortium News
Pourquoi les États-Unis apportent-ils un soutien total à Israël ?
En réponse, il existe un mythe commun partagé à la fois par les champions et les critiques radicaux de l’État sioniste et qui doit être dissipé.
Le mythe est qu’Israël est un atout stratégique majeur des États-Unis, décrit comme une sorte de porte-avions américain insubmersible, vital pour les intérêts de Washington au Moyen-Orient.
L’argumentaire de ceux qui partagent ce mythe est de montrer que les États-Unis ont des intérêts économiques et stratégiques dans le Moyen-Orient riche en pétrole (ce que personne ne nie) et de citer des personnalités politiques américaines (et, bien sûr, israéliennes) qui prétendent qu’Israël est le meilleur, voire le seul, allié des États-Unis dans la région.
Par exemple, le président américain Joe Biden est allé jusqu’à dire que si Israël n’existait pas, les États-Unis auraient dû l’inventer .
US President Joe Biden : “If there were not an Israel, we’d have to invent one.”
Middle East Eye - 28 octobre 2022
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US President Joe Biden said that “if there were not an Israel, we’d have to invent one” while speaking to Israeli President Isaac Herzog.
Biden had previously made similar comments about Israel, most famously in 1986 during a session of the US Senate where he proclaimed that it was “the best $3bn investment” the US had made, and that it would have to “invent an Israel to protect US interests in the region” if Israel didn’t exist.
Mais la preuve cruciale, totalement absente de leur analyse, est le moindre exemple d’Israël servant réellement les intérêts américains dans la région.
Si aucun exemple n’est donné, c’est simplement parce qu’il n’y en a pas. Israël n’a jamais tiré un seul coup de feu au nom des États-Unis ni mis une goutte de pétrole sous le contrôle américain.
Nous pouvons commencer par un argument de bon sens : si les États-Unis s’intéressent au pétrole du Moyen-Orient, pourquoi soutiendraient-ils un pays qui est détesté (pour quelque raison que ce soit) par toutes les populations des pays producteurs de pétrole ?
Dans les années 1950, tel était le raisonnement de la plupart des experts américains, qui faisaient passer les bonnes relations avec les pays arabes avant le soutien à Israël. Cela contribue sans aucun doute à expliquer pourquoi l’AIPAC, le Comité américain des affaires publiques israéliennes, a été fondé en 1963 pour aligner la politique américaine sur celle d’Israël.
Guerre de 1967 et après
Le soutien américain à Israël a décollé après la guerre de 1967. Le succès d’Israël a porté un coup fatal au nationalisme arabe incarné par l’Égyptien Gamal Nasser, que certains décideurs politiques américains considéraient à tort comme une menace communiste potentielle (et qu’ils voyaient un peu partout).
Mais la guerre a été menée par Israël pour ses propres intérêts et son expansion, sans aucun bénéfice pour les États-Unis.
Au contraire : un silence officiel remarquable a été maintenu sur le fait qu’au cours de cette courte guerre, le navire américain de collecte de renseignements USS Liberty, qui espionnait le conflit, a été bombardé pendant plusieurs heures par l’armée de l’air israélienne, avec l’intention évidente de le couler, tuant 34 marins et en blessant 174.
Dommages causés à l’USS Liberty, juin 1967. (Wikimedia Commons, domaine public)
S’il n’y avait pas eu de survivants, l’Égypte aurait pu être accusée (ce qui en ferait une opération « sous fausse bannière »). Les survivants ont reçu l’ordre de ne pas en parler, et l’incident n’a jamais fait l’objet d’une enquête approfondie, acceptant l’explication officielle israélienne selon laquelle il s’agissait d’une « erreur ». Quoi qu’il en soit, le comportement d’Israël n’est pas exactement celui d’un allié précieux.
Lorsqu’Israël a attaqué le Liban en 2006, le gouvernement de ce pays était parfaitement « pro-occidental ». De plus, lors de la guerre contre l’Irak en 1991 à propos du Koweït, les États-Unis ont insisté sur le fait qu’Israël ne devait pas participer, car une telle implication aurait fait s’effondrer leur coalition arabe anti-irakienne. Là encore, il est difficile de considérer Israël comme un « allié » indispensable.
Les guerres américaines post-11 septembre ont ciblé les ennemis d’Israël – l’Irak, la Libye, la Syrie – sans aucun avantage pour les compagnies pétrolières américaines, bien au contraire. La question se pose de savoir si le choix des ennemis au Moyen-Orient par les États-Unis n’a pas été déterminé par les intérêts d’un gouvernement étranger, contrairement aux intérêts américains dans la région.
Washington et Gaza aujourd’hui
Venons-en maintenant à la situation actuelle : quel intérêt les États-Unis ont-ils dans le massacre perpétré à Gaza ?
En réalité, ce que fait Washington, c’est essayer de maintenir de bonnes relations avec ses alliés arabes (Égypte, Arabie Saoudite, États du Golfe) en faisant semblant de rechercher un compromis sans exercer de pression efficace sur Israël – par exemple en lui coupant les fonds.
Et pourquoi pas ? La réponse est évidente, mais l’affirmer est politiquement incorrect et est rarement évoqué par les défenseurs du mythe, sauf pour le réfuter. C’est l’action du lobby pro-israélien, qui contrôle de facto le Congrès et sans lequel aucun président ne peut réellement agir.
Le lobby n’est pas une conspiration secrète. Il est ouvertement coordonné par l’AIPAC, qui répartit les dons des milliardaires à travers le système politique américain et dicte la ligne à adopter face à Israël pour garantir une carrière réussie.
En dehors de la réunion annuelle de l’AIPAC à Washington, mars 2016. (Susan Melkisethian, Flickr, CC BY-NC-ND 2.0)
Le contrôle est pratiquement total sur les deux partis représentés au Congrès.
Cet objectif est atteint principalement grâce au financement des campagnes électorales. Tous ceux qui s’y conforment peuvent compter sur les dons de campagne, tandis que quiconque oserait défier les injonctions du lobby serait rapidement défié par un opposant très bien financé lors des prochaines élections primaires, perdant ainsi le soutien de son propre parti lors des prochaines élections – comme est arrivé à la représentante géorgienne Cynthia McKinney en 2002.
Le lobby anime également des campagnes de diffamation contre tout critique d’Israël, comme on l’a vu récemment dans les attaques contre des présidents d’université (Harvard, MIT, Pennsylvanie) pour ne pas avoir suffisamment réprimé l’« antisémitisme » présumé des étudiants sur leurs campus .
Il existe plusieurs livres qui expliquent en détail le fonctionnement du lobby :
- They Dare to Speak Out : People and Institutions Confront Israel’s Lobby ( 1985) de Paul Findley, un membre du Congrès républicain de l’Illinois, qui détaille comment le lobby a politiquement « liquidé » tous ceux qui voulaient une politique différente au Moyen-Orient, précisément parce qu’ils voulaient pour défendre les intérêts des États-Unis.
- The Israel Lobby and US Foreign Policy , de John Mearsheimer et Stephen Walt (2007), un livre complet et bien documenté sur le fonctionnement et les effets du lobby.
- Against Our Better Judgment : L’histoire cachée de la façon dont les États-Unis ont été utilisés pour créer Israël , par Alison Weir, 2014, qui remonte à la déclaration Balfour.
On peut également regarder des reportages en caméra cachée d’Al Jazeera sur le travail du lobby aux États-Unis et en Grande-Bretagne.
La façon dont le leader du Parti travailliste Jeremy Corbyn a été « éliminé » politiquement repose entièrement sur l’action et les campagnes du lobby contre son antisémitisme (imaginaire). Le même processus est actuellement en cours en France avec Jean-Luc Mélenchon et son parti la France Insoumise.
Des présidents américains aussi différents que Richard Nixon et Jimmy Carter se sont plaints du fait que leurs actions étaient entravées par le lobby . En fait, tous les présidents américains ont voulu se débarrasser du « problème palestinien » (par le biais de la solution à deux États), mais ils ont été empêchés par le Congrès.
Nixon Answers : Is There Pressure From Israel ?
Richard Nixon Foundation - 13 décembre 2023
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Richard Nixon discusses whether there is pressure from the Israel when it comes to foreign affairs in the Middle East.
Quant au Congrès lui-même, citons un témoignage privilégié très explicite, celui de James Abourezk, qui fut d’abord membre du Congrès puis sénateur du Dakota du Sud dans les années 1970 et qui envoya cette lettre en 2006 à Jeff Blankfort, un militant antisioniste :
« Je peux vous dire par expérience personnelle que, au moins au Congrès, le soutien dont Israël bénéficie dans cet organe est entièrement basé sur la peur politique – la peur de la défaite face à quiconque ne fait pas ce qu’Israël veut. Je peux également vous dire que très peu de membres du Congrès – du moins lorsque j’y servais – ont une quelconque affection pour Israël ou pour son lobby. Ce qu’ils ont, c’est du mépris, mais il est réduit au silence par la peur de savoir exactement ce qu’ils ressentent.
« J’ai entendu trop de conversations dans les vestiaires au cours desquelles des membres du Sénat exprimeraient leurs sentiments amers face à la façon dont ils sont bousculés par le lobby pour penser autrement. En privé, on entend l’aversion pour Israël et les tactiques du lobby, mais aucun d’entre eux n’est prêt à risquer l’animosité du lobby en révélant publiquement ses sentiments.
« Ainsi, je ne vois aucune volonté de la part des membres du Congrès de poursuivre les rêves impériaux américains en utilisant Israël comme leur pitbull. Les seules exceptions à cette règle sont les sentiments des membres juifs, qui, je crois, sont sincères dans leurs efforts pour que l’argent américain continue d’affluer vers Israël. »
Suppression de l’AIPAC
Abourezk a ajouté que le Lobby a fait tout son possible pour étouffer ne serait-ce qu’une seule voix dissidente au Congrès – comme la sienne – qui pourrait remettre en question les crédits annuels alloués à Israël, de sorte que
« Si le Congrès reste complètement silencieux sur la question, la presse n’aura personne à citer, ce qui la fera taire elle aussi. Tous les journalistes ou rédacteurs qui sortent des sentiers battus sont rapidement mis sous contrôle par une pression économique bien organisée contre le journal pris en flagrant délit. »
Abourezk a déjà voyagé au Moyen-Orient avec un journaliste qui a écrit honnêtement sur ce qu’il a vu. En conséquence, les dirigeants des journaux ont reçu des menaces de la part de plusieurs de leurs grands annonceurs, selon lesquels leur publicité serait interrompue s’ils continuaient à publier les articles du journaliste.
Abourezk vers 1977. (Photo à distribuer, Wikimedia Commons, domaine public)
« Je ne me souviens pas d’un seul cas où une administration ait perçu la nécessité de la puissance militaire d’Israël pour faire avancer les intérêts impériaux américains. En fait, comme nous l’avons vu lors de la guerre du Golfe, l’implication d’Israël a été préjudiciable à ce que Bush père voulait accomplir dans cette guerre. Ils ont dû, comme vous vous en souvenez peut-être, supprimer toute aide israélienne afin que la coalition ne soit pas détruite par leur implication.
« En ce qui concerne l’argument selon lequel nous devons utiliser Israël comme base pour les opérations américaines, je ne connais aucune base américaine d’aucune sorte dans ce pays. Les États-Unis disposent de suffisamment de bases militaires et de flottes dans la région pour pouvoir répondre à tout type de besoins militaires sans recourir à Israël. En fait, je ne peux pas penser à un cas où les États-Unis voudraient impliquer militairement Israël de peur de contrarier leurs alliés actuels, à savoir l’Arabie saoudite et les Émirats. L’opinion publique de ces pays ne permettrait pas aux monarchies de poursuivre leur alliance avec les États-Unis si Israël s’impliquait. »
Abourezk a déclaré que l’encouragement américain dans ses invasions du Liban « n’était qu’une extension de la politique américaine d’aide à Israël en raison de la pression continue du lobby. … Pour le Congrès, le Liban a toujours été un pays « à jeter », ce qui signifie que ce qui s’y passe n’a aucun effet sur les intérêts américains. Il n’y a pas de lobby au Liban.
« Le public doit comprendre que loin d’être un atout, Israël est un handicap chronique qui gaspille des milliards de dollars américains, entraîne les États-Unis dans des guerres et dont le traitement génocidaire des Palestiniens détruit radicalement les prétentions morales de l’Amérique dans la plupart des pays du monde. »
Valeur stratégique alléguée
La prétendue valeur stratégique d’Israël n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de l’affirmation selon laquelle un projet impérial/colonial est nécessaire au système capitaliste mondial.
La guerre du Vietnam était justifiée en partie par la théorie des dominos : toute l’Asie du Sud-Est deviendrait communiste si le Vietnam « tombait ». Le seul domino qui est tombé a été le Cambodge, à la suite des bombardements américains, après l’intervention victorieuse du Vietnam pour renverser un régime génocidaire.
L’apartheid sud-africain a été soutenu par l’Occident, en partie par crainte du communisme, mais la fin de l’apartheid n’a eu aucun effet dramatique sur l’impérialisme capitaliste en Afrique.
Si l’apartheid israélien devait disparaître en Palestine, le pétrole et le commerce continueraient de circuler du Moyen-Orient vers l’Occident, et les Houthis ne tenteraient pas de bloquer les expéditions dans la mer Rouge.
Une analyse réaliste montre que le traitement réservé par Israël aux Palestiniens et sa politique agressive envers ses voisins sont entièrement préjudiciables aux intérêts américains au Moyen-Orient, que la crise actuelle ne fait que mettre encore plus en évidence.
Le problème avec la thèse « Israël comme porte-avions américain » est que si elle est très confortable pour ses défenseurs, elle est également très préjudiciable à la cause palestinienne.
C’est confortable parce qu’il ne risque pas d’être accusé d’antisémitisme, car il rejette la responsabilité des atrocités israéliennes sur l’impérialisme américain et ses sociétés multinationales.
D’un autre côté, si vous soulignez le rôle moteur du lobby dans la politique américaine au Moyen-Orient, vous serez accusé de faire écho à des fantasmes et des « théories du complot » sur le « pouvoir juif » datant de l’époque où il n’y avait pas d’Israël et donc pas de lobby israélien.
Le rejet des stéréotypes discrédités n’est pas une raison pour ignorer les relations sans précédent qui se sont développées entre les États-Unis et Israël.
Dommage à la cause palestinienne
« Israël comme porte-avions américain » est précisément un argument israélien conçu pour gagner le soutien politique, financier et militaire total des États-Unis.
Il n’est donc pas étonnant que faire écho à cet argument soit extrêmement préjudiciable à la cause palestinienne. Si c’était vrai, comment pourrions-nous espérer mettre fin à ce soutien américain à Israël ?
Persuader la population américaine de se révolter contre quelque chose qui serait hautement bénéfique pour les intérêts américains ? Ou attendre l’effondrement de l’impérialisme américain ? Il est peu probable que cela se produise de si tôt.
Mais si le pouvoir du lobby est la clé du soutien américain, alors la stratégie à suivre est beaucoup plus simple et a de bien plus grandes chances de succès : il suffit d’oser s’exprimer et de dire la vérité.
Le public doit comprendre que loin d’être un atout, Israël est un handicap chronique qui gaspille des milliards de dollars américains, entraîne les États-Unis dans des guerres et dont le traitement génocidaire des Palestiniens détruit radicalement les prétentions morales de l’Amérique dans la plupart des pays du monde.
Une fois cela compris, le soutien à Israël s’effondrera et les électeurs pourraient exercer suffisamment de pression sur l’élite nationale, l’administration et même le Congrès intimidé pour réorienter la politique américaine en fonction des véritables intérêts nationaux.
Certains signes indiquent qu’une partie de la classe économique dirigeante évolue dans cette direction : la défense de la liberté d’expression par Elon Musk sur les réseaux sociaux est un pas dans la bonne direction (à la colère des partisans d’Israël).
Bien que Donald Trump, en tant que président, ait fait tout ce qu’il pouvait pour Israël, son slogan populaire « L’Amérique d’abord » signifie quelque chose de tout à fait différent, tel que le comprennent les anti-interventionnistes de droite comme Tucker Carlson.
Malheureusement, beaucoup à gauche s’accrochent à une vision ostensiblement « marxiste » selon laquelle le soutien américain à Israël doit être motivé par des intérêts économiques, par les profits capitalistes, par le contrôle des flux de pétrole du Moyen-Orient. Non seulement cette croyance n’est pas étayée par les faits, mais elle revient également à inviter les dirigeants américains à maintenir cette croyance.
Alors que l’indignation mondiale monte contre l’attaque génocidaire contre Gaza, comment est-il possible pour un Américain de prétendre qu’Israël « agit dans l’intérêt américain » ? Israël est responsable de ses crimes, et il est à la fois vrai et dans l’intérêt national des États-Unis de reconnaître que loin d’être un atout stratégique, Israël constitue le principal handicap de l’Amérique.